De la rhétorique de l'intégration

On a vu et revu la vidéo par laquelle est venu le scandale, cette vidéo où le ministre des « mimiles », égale à lui même, énonce intempestivement l’inconscient de la République. Mais il est une séquence très particulière qui mérite toute notre attention, c’est la séquence qui traite de « l’intégration » proprement dite. Tant la séquence en soi que le compte rendu critique qui a été fait par deux éminents chercheurs en sciences humaines (Stéphane Beaud et Gérard Noiriel). Ecoutons les :

« Mais brutalement une autre logique s’impose. Des propos politiques viennent en effet se greffer sur la scène. On entend quelqu’un affirmer : "Ça, c’est l’intégration !" Puis un autre participant, invisible à l’écran, enchaîne : "Lui (en parlant d’Amine), il parle arabe." Cette phrase est perçue comme une mise en question de la bonne intégration d’Amine. Sans doute que, pour les militants de l’UMP, on ne peut pas être "intégré" et parler l’arabe. C’est pourquoi Copé intervient à nouveau en s’efforçant cette fois de focaliser l’attention sur l’ennemi socialiste. Commentant les propos qui viennent d’être tenus, il dit à l’intention d’Amine, en le vouvoyant : "Ne vous laissez pas impressionner, ce sont des socialistes infiltrés."

Mais une autre intervenante (sans doute la secrétaire départementale UMP des Landes), soucieuse de prouver qu’Amine est "vraiment" intégré, se livre à une surenchère révélatrice des préjugés qui règnent dans ce parti : "Il est catholique, il mange du cochon et il boit de l’alcool." Et joignant le geste à la parole, sans doute pour féliciter le jeune homme d’avoir fait autant d’efforts pour devenir "comme nous", elle se rapproche de lui et lui fait la bise.

Ce commentaire et ce geste suscitent un surcroît de rires et l’approbation générale. Il semble donc que tout le monde soit d’accord pour penser que l’intégration puisse être définie à partir de critères religieux, et pour considérer que la seule communauté qui pose problème à cet égard, ce sont les musulmans. C’est dans ce contexte précis, de rigolade franchouillarde, dans ce moment de "déconne" (comme dira Jean-François Copé) que Brice Hortefeux donne un deuxième aperçu de l’étendue de son humour. Au lieu de critiquer les stéréotypes qui viennent d’être énoncés, il affirme à propos d’Amine : "Il ne correspond pas du tout au prototype, alors." Ce qui revient à affirmer qu’il existerait un "prototype" de l’Arabe, défini de manière quasi exclusive par son appartenance religieuse (islam) et par le respect des interdits alimentaires (le porc, l’alcool).
»(*)

A première vue l’analyse apparaît honnête, perspicace et de bonne tenue, mais à y regarder de plus près on s’aperçoit que la critique se loge dans le contenu de ce que les membres du parti d’Hortefeux entendent par « intégration » (à savoir être Arabe, être musulman, manger du porc...). Rien que dans le contenu. Jamais plus. Il n’est fait mention ni de la légitimité ni de la pertinence de son usage. Pourtant l’emploi de ce concept, de cette catégorie ne releve pas de l' évidence, il aurait du être interrogé. Cet usage, pour tout dire, est plus que tendancieux. Si le concept d’ intégration est douteux, l’usage de celui-ci relève d’une logique de l’injonction paradoxale, du type « sois naturel ». Soit d’un usage à la perversité avérée. Dans ce dispositif, le discours de l’intégration se fait toujours au détriment de « l’intégré », tandis que celui qui en use en tire profit, suivant une logique de bénéfice secondaire. Cette rhétorique est au mieux la marque d’une situation « problématique » et au pire le signe que la chose est « impossible » à réaliser. Cette ambiguïté intéressée de « la rhétorique de l’intégration », qui mieux que Abdelmalek Sayad a pu la relever et l’expliquer :

« Il convient de rappeler qu’il en est de l’immigration et de l’intégration (des immigrés) comme de nombres d’autres objets sociaux (et surtout d’états mentaux), où l’on se met « à vouloir ce qui ne peut être voulu ». C’est comme de vouloir oublier, comme de vouloir être naturel, comme de vouloir dormir. Il suffit de vouloir oublier pour ne pas oublier, il suffit de vouloir être naturel pour ne pas paraître naturel. L’intégration est, elle aussi, de cet ordre : à poursuivre une intégration qui, à proprement parler, ne dépends pas objectivement de la volonté des agents, on risque de tout rater. L’intégration derrière laquelle on court a pour caractéristique, comme tous les autres états, de ne pouvoir se réaliser que comme effet secondaire d’actions entreprise à d’autres fins. Quand bien même on convient de ne pas entendre l’intégration comme une simple forme de promotion sociale, elle est au bout d’efforts qui n’ont pas besoin de se donner l’intégration comme objectif. Aussi l’invite à l’intégration, la surabondance du discours sur l’intégration ne manquent pas d’apparaître aux yeux des plus avertis ou des plus lucides, quant à leur positions au sein de la société, en tous les domaines de l’existence, comme un reproche pour manque d’intégration, voire même comme une sanction ou un parti pris sur une intégration « impossible », jamais totale, jamais totalement et définitivement acquise. » (La double absence)

Et il se fait que, sans fausse modestie, nous soyons les plus avertis, les plus lucides et surtout les moins dupes…

On a pu dire que l’enfer était pavé de bonnes intentions, et bien, « la rhétorique de l’intégration », sous ses dehors bonhommes, peu importe celui qui la tient, c’est l’enfer du descendant d’immigré ! Ce n'est pas Amine Benalia-Brouch qui nous contredira...

4 commentaires:

M.M. a dit…

La chanson du mal-aimé

"Il est catholique, il mange du cochon et il boit de l’alcool."

« Il est des nôtres, c’est un Arabe pas comme les autres », la pire des "perfidie" raciste qui soit « mais toi t’es pas comme eux! » Parce que toi, tu manges du « Hallouf » tu picoles, tu vas à la messe et lorsqu’on te le demande tu peux aussi nous montrer ta lune, histoire qu’on voit que t’as bien la raie et non la religion au milieu. Un peu comme les Kabyles convertis d’Algérie. C’est vrai qu’il y a au fond d’un chacun de nous un « hallouf » qui cuve son vin et qu’il suffit d’un rien pour le réveiller. Et comme en France tout se finit au Crazy-Horse Saloon et en Happy –End par du pinard et des paillardises alors allons-y joyeusement, après tout on n’a qu’une vie :
Tiens, tiens, voilà du Jambon
Et du bon vin,
Pour Amin et tous les cons
Y’en aura plus, y’en aura plus
Ce sont tous
Des lécheurs de cul »
Après, il ne faut surtout pas oublier le goudron et les plumes. M.M.

Anonyme a dit…

@M.M
tu as la sentence rapide, les mécanismes d'acculturation sont plus fins que ce que tu en dis.Ils agissent souvent à l'insu de la volonté.

Anonyme a dit…

J'adore l'expression "les mimiles" avec leur maillots d"emiles"!!!

Hsissou

M.M. a dit…

Le Retour du Ku Klux Klan

Je ne pense pas le contraire cher anonyme. L'intégration est un enfer pavé d'acculturation, même lorsqu'on s'appelle Obama, vous avez lu un peu ce qu'ils sont en train de lui mettre dans la gueule, ces fils du Ku Klux Klan. Il ne manque plus que la croix enflammée devant la maison blanche. M.M.