La Fabrique de la haine

Le racisme et la xénophobie ne sont pas les résidus d’un « passé qui ne veut pas passer », des archaïsmes qui survivent à la disparition des conditions qui les ont engendrés. Les cataclysmes du xxe siècle ne nous ont pas vacciné contre la tentation de stigmatiser, l’habitude d’exclure et parfois le plaisir de haïr la diversité. De ce point de vue, la xénophobie contemporaine est profondément liée à l’histoire du racisme, substrat d’une modernité qui modifie sa morphologie mais pas sa fonction. Historiciser la fabrique raciste de l’altérité est donc nécessaire pour comprendre comment elle se perpétue aujourd’hui. Trop souvent le racisme est considéré comme une sorte de pathologie plutôt que comme une norme de la modernité. Nous devons savoir que, pour le combattre, il faut remettre en cause un ordre social et un modèle de civilisation, pas une de ses déformations ou distorsions. Il faudrait ensuite partir du constat que le succès du racisme et de la xénophobie ne tient pas à leur véridicité ou à leur capacité de décrire objectivement le réel (auquel ils apporteraient éventuellement des réponses fausses ou inacceptables d’un point de vue éthique, selon un vieux lieu commun) mais à leur efficacité, à leur caractère opératoire. Le racisme et la xénophobie sont un processus de construction symbolique de l’ennemi - inventé en tant que figure négative - visant à satisfaire une quête identitaire, un désir d’appartenance, un besoin de sécurité et de protection. Dévoiler leurs mécanismes et dénoncer leurs mensonges est certes nécessaire mais insuffisant (et souvent inutile), car leur influence ne se fonde ni sur des vertus cognitives ni sur des arguments rationnels - même lorsqu’ils se présentent comme un discours « objectif » - mais sur un dispositif compensatoire, sur la recherche d’un bouc émissaire.

Né vers la fin du xviiie siècle, puis entré en symbiose avec le colonialisme et le nationalisme modernes, le racisme a atteint son apogée au siècle dernier, lorsque la rencontre entre le fascisme et l’antisémitisme a connu dans l’Allemagne nazie un épilogue exterminateur. Selon une intuition formulée jadis par Pierre-André Taguieff - aujourd’hui passé avec armes et bagages à la droite néo-conservatrice -, le discours raciste contemporain a connu une véritable métamorphose, en abandonnant son orientation hiérarchique et « racialiste » (selon le vieux modèle de Gobineau, Chamberlain, Vacher de Lapouge ou Lombroso) pour devenir différentialiste et culturaliste. Autrement dit, il a glissé de la « science des races » à l’ethnocentrisme [1]. Ces mutations, cependant, ne modifient pas l’ancien mécanisme de rejet social et d’exclusion morale qu’Erving Goffman avait résumé par le concept de stigmate [2]. Pendant les années 1990, le racisme est réapparu avec force en Europe, nullement gêné par la diffusion des liturgies officielles qui conduisaient rituellement les autorités politiques et religieuses à communier autour du « devoir de mémoire », et envoyaient les adolescents de nos lycées visiter les sites des camps d’extermination nazis. Si le racisme est revenu au devant de la scène ce n’est pas « à cause de l’immigration », selon un cliché bien connu, mais parce qu’il appartient, comme l’écrit Alberto Burgio, au « code génétique de la modernité européenne [3] ».

Mais le racisme se perpétue en faisant peau neuve et en ajoutant de nouveaux casiers à son « archive » inépuisable de l’exclusion et de la haine. L’enchevêtrement de racisme et fascisme, nationalisme et antisémitisme qui s’est produit en Europe pendant la première moitié du xxe siècle, n’existe plus aujourd’hui. Le nationalisme et l’antisémitisme prolifèrent encore parmi les nouveaux pays membres de l’Union Européenne, où ils peuvent renouer avec une histoire interrompue en 1945 et se nourrir des ressentiments cumulés pendant quatre décennies de « socialisme réel ». Dans cette partie du continent, ils revendiquent une filiation à l’égard des dictatures des années 1930, comme Jobbik en Hongrie, qui reprend l’héritage des Croix fléchées et cultive la mémoire du maréchal Horthy, ou exhument une ancienne mythologie revancharde et expansionniste, comme le Parti de la Grande Roumanie ou le Parti Croate des Droits (HSP), continuateur du mouvement oustachi d’Ante Pavelic. En Europe occidentale, cependant, le fascisme est pratiquement inexistant, en tant que force politique organisée, dans les pays qui en ont été le berceau historique. En Allemagne, l’influence sur l’opinion des mouvements néonazis est quasiment nulle. En Espagne, où le legs du franquisme a été recueilli par le Parti populaire, national-catholique et conservateur, les phalangistes sont une espèce en voie d’extinction. En Italie, nous avons assisté à un phénomène paradoxal : la réhabilitation du fascisme dans le discours public et même dans la conscience historique d’un segment significatif de la population - l’antifascisme était le code génétique de la « Première République », pas de l’Italie de Berlusconi - a coïncidé avec une métamorphose profonde des héritiers de Mussolini. Futur et Liberté, le parti que vient de lancer leur leader, Gianfranco Fini, se présente comme une droite libérale, réformiste et « progressiste » qui s’attaque au conservatisme politique de Berlusconi et à l’obscurantisme culturel de la Ligue Nord. Tout en se situant plus à droite dans l’échiquier politique français, le Front National essaie, sous l’impulsion de Marine Le Pen, de s’affranchir de l’image traditionnelle d’une extrême droite faite de partisans de la Révolution Nationale, d’intégristes catholiques et de nostalgiques de l’Algérie française. Si une composante fascisante demeure en son sein, aujourd’hui elle n’est pas hégémonique. Lors de son dernier congrès, le Front National s’est livré à un exercice inédit de renouvellement de son langage, en adoptant une rhétorique républicaine qui n’appartient pas à sa tradition. Si la succession de Marine Le Pen à son père montre une volonté de continuité, en prenant les traits d’une passation dynastique, elle témoigne aussi d’une indiscutable volonté de rénovation : aucun mouvement fasciste classique n’a jamais confié son leadership à une femme.

Le déclin de la tradition fasciste laisse toutefois la place à l’essor d’une extrême droite de type nouveau, dont l’idéologie intègre les mutations du xxie siècle. Le politologue Jean-Yves Camus a été un des premiers à en saisir les traits inédits : l’abandon du culte de l’État au profit d’une vision du monde néolibérale axée sur la critique de l’État Providence, la révolte fiscale, la dérégulation économique et la valorisation des libertés individuelles, opposées à toute interférence étatique [4]. Le refus de la démocratie - ou son interprétation dans un sens plébiscitaire et autoritaire - ne s’accompagne pas toujours du nationalisme qui, dans certains cas, est troqué pour des formes d’ethnocentrisme remettant en cause le modèle de l’État-nation, comme le montrent la Ligue Nord italienne ou l’extrême droite flamande. Ailleurs, le nationalisme prend la forme d’une défense de l’Occident menacé par la mondialisation et le choc des civilisations. Le cocktail singulier de xénophobie, d’individualisme, de défense des droits des femmes et d’homosexualité assumée que Pim Fortuyn avait concocté aux Pays-Bas en 2002, a été la clef d’une percée électorale durable. Des traits similaires caractérisent d’autres mouvements politiques en Europe du Nord tel le Vlaams Belang en Belgique, le Parti populaire danois et l’extrême droite suédoise, qui vient de faire son entrée au Parlement de Stockholm. Mais nous les retrouvons aussi - bien que mélangés à des stéréotypes plus traditionalistes - chez le Parti Libéral Autrichien (dont le leader charismatique fut Jörg Haider) qui s’est imposé, lors des élections d’octobre dernier, comme la deuxième force politique à Vienne (27 % des voix).

L’élément fédérateur de cette nouvelle extrême droite réside dans la xénophobie, déclinée comme un rejet violent des immigrés. Le migrant de nos jours est l’héritier des « classes dangereuses » du xixe siècle, peintes par les sciences sociales positivistes de l’époque comme un réceptacle de toutes les pathologies sociales, de l’alcoolisme à la criminalité et à la prostitution, jusqu’aux épidémies comme le cholera [5]. Ces stéréotypes - souvent condensés en une représentation de l’étranger aux traits psychiques et physiques bien marqués - découlent d’un imaginaire orientaliste et colonial qui a toujours permis de définir, négativement, des identités incertaines et fragiles, fondées sur la crainte de l’« autre », toujours perçu comme l’« envahisseur » et l’« ennemi ». Dans l’Europe de nos jours, le migrant prend essentiellement les traits du musulman. L’islamophobie joue aujourd’hui pour le nouveau racisme le rôle qui fut jadis celui de l’antisémitisme pour les nationalismes et les fascismes d’avant la Seconde Guerre mondiale. La mémoire de la Shoah - une perception historique de l’antisémitisme au prisme de son aboutissement génocidaire - tend à obscurcir ces analogies pourtant évidentes. Le portrait de l’Arabo-musulman brossé par la xénophobie contemporaine ne diffère pas beaucoup de celui du Juif construit par l’antisémitisme au début du xxe siècle. Les barbes, tephillim et caftans des Juifs immigrés d’Europe centrale et orientale d’autrefois correspondent aux barbes et voiles des musulmans de nos jours. Dans les deux cas, les pratiques religieuses, culturelles, vestimentaires et alimentaires d’une minorité ont été mobilisées afin de construire le stéréotype négatif d’un corps étranger et inassimilable à la communauté nationale. Judaïsme et islam fonctionnent ainsi comme des métaphores négatives de l’altérité : il y a un siècle, le Juif peint par l’iconographie populaire avait forcément un nez crochu et des oreilles décollées, de même qu’aujourd’hui l’islam est identifié à la burqa, même si 99,99% des femmes musulmanes vivant en Europe ne portent pas le voile intégral. Sur le plan politique, le spectre du terrorisme islamiste a remplacé celui du judéo-bolchevisme. Aujourd’hui, l’antisémitisme demeure un trait distinctif des nationalismes d’Europe centrale, où l’islam est quasi inexistant, et le tournant de 1989 a revitalisé les vieux démons (toujours présents, même là où il n’y a plus de juifs), mais il a presque disparu du discours de l’extrême droite occidentale (qui parfois affiche ses sympathies à l’égard d’Israël). Aux Pays-Bas, Geert Wilders a fait de la lutte contre l’« islamo-fascisme » son fonds de commerce. Consultés par référendum, 57% des Suisses se sont prononcés le 28 novembre pour l’interdiction des minarets. Jusqu’à présent, seules quatre mosquées sur 150 en possédaient un dans la confédération helvétique : ce seuil restera infranchissable. En Italie comme en France, plusieurs voix se sont levées pour proposer des mesures analogues, en montrant que, loin d’être une lubie de la droite xénophobe et populiste suisse, la volonté de stigmatiser l’islam concerne l’Europe dans son ensemble. Shlomo Sand a raison de souligner que l’islamophobie constitue aujourd’hui un ciment de l’Europe - dont on ne manque jamais de rappeler la matrice « judéo-chrétienne » - de même que l’antisémitisme a joué un rôle fondamental, au xixe siècle, dans le processus de construction des États nationaux [6].

Cette nouvelle extrême droite « défascisée » prend alors la forme du populisme. Le concept, comme chacun sait, est vague, élastique, ambigu, voire détestable lorsqu’il est utilisé pour affirmer le mépris aristocratique vis-à-vis du peuple. Reste que les percées électorales fréquentes de cette nouvelle extrême droite prouvent sa capacité à trouver un consensus auprès des classes laborieuses et des couches les plus démunies. Le populisme de droite — Ernesto Laclau l’a bien souligné [7] — s’alimente du désarroi d’un peuple qui a été abandonné par la gauche, dont la tâche devrait être celle de l’organiser et le représenter. Le populisme, enfin, est une catégorie transversale qui indique une frontière poreuse entre la droite et l’extrême droite. Si quelqu’un avait des doutes à ce sujet, Sarkozy s’est chargé de les dissiper depuis son élection, d’abord en créant un ministère de l’Immigration et de l’identité nationale, puis en lançant une campagne contre les Tziganes, raflés et expulsés sur la base d’un recensement ethnico-racial, en suscitant l’approbation enthousiaste de nombreux représentants des droites européennes, in primis la droite italienne. Au fond, la lutte pour l’égalité des droits - en évitant les conflits stériles entre le nationalisme républicain et le multiculturalisme communautariste - revient à l’ordre du jour, en ce début du xxie siècle, comme elle le fut au xixe siècle, lorsque la bourgeoisie libérale ascendante s’opposait à la démocratie en restreignant le suffrage par de fortes barrières de classe, de genre et de race. Aujourd’hui, malgré les lois promulguées dans plusieurs pays, les femmes sont toujours sous-représentées au sein de nos institutions ; les classes populaires désertent de plus en plus les urnes, indifférentes à l’égard d’un système politique qu’elles perçoivent comme étranger, voire hostile ; les populations migrantes, enfin, restent exclues de tout droit. Voilà les traits marquants de notre « mondialisation heureuse ».

Les métamorphoses du racisme et de la xénophobie ne peuvent pas rester sans conséquences politiques. Si l’antifascisme est un combat d’une évidente actualité dans les nouveaux pays de l’Union Européenne, où nous assistons aujourd’hui à la montée d’une extrême droite nationaliste, antisémite et fascisante, la situation est bien différente à l’Ouest. Certes, dans un continent qui a connu Mussolini, Hitler et Franco, l’antifascisme devrait s’inscrire dans le code génétique de la démocratie comme un élément constitutif de notre conscience historique. Lutter contre les nouvelles formes de racisme et de xénophobie au nom de l’antifascisme risque cependant de se révéler un combat d’arrière-garde. L’antifascisme a rempli son rôle - en tant que mouvement politique organisé - dans les années 1980 et 1990, lorsque, notamment en France, il était confronté à l’émergence d’une extrême droite de matrice fasciste (même si le contexte général n’était plus celui des années 1930). Mais il ne s’agit pas, aujourd’hui, de défendre une démocratie menacée. Le racisme et la xénophobie présentent deux visages, somme toute complémentaires : d’une part, celui de nouvelles extrêmes droites « républicaines » (protectrices de « droits » délimités sur des bases ethniques, nationales ou religieuses) ; d’autre part, celui des politiques gouvernementales (camps de rétention pour sans-papiers, expulsions planifiées, lois visant à stigmatiser et discriminer des minorités ethniques ou religieuses). Ce nouveau racisme s’accommode de la démocratie représentative, en la remodelant de l’intérieur. C’est donc la démocratie elle-même qu’il faudrait repenser, ainsi que les notions d’égalité des droits et de citoyenneté, pour redonner un souffle à l’antiracisme.

Enzo Traverso

[1] Pierre-André Taguieff, La Force du préjugé, La Découverte, Paris, 1988.

[2] Erving Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Éditions de Minuit, 1975.

[3] Alberto Burgio, Nonostante Auschwitz. Il « ritorno » del razzismo in Europa, Derive Approdi, Rome, 2010.

[4] Jean-Yves Camus, « Du fascisme au national-populisme. Métamorphoses de l’extrême droite en Europe », Le Monde diplomatique, mai 2002.

[5] Louis Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses, Perrin, Paris, 2007 (éd. or. 1958).

[6] Shlomo Sand, « From Judeophobia to Islamophobia. Nation-building and the construction of Europe », Jewish Quarterly, 2010, n. 215.

[7] Ernesto Laclau, La Raison populiste, Éditions du Seuil, Paris, 2008.

Lettre ouverte à ma soeur Angela Davis

Chère sœur,

On aurait pu espérer qu’à notre époque, la seule vue de chaînes sur une peau noire, ou la seule vue de chaîne simplement, serait pour le peuple américain une vision tellement intolérable, un souvenir tellement insupportable que spontanément, il se serait soulevé et aurait arraché ces fers.

Mais non, il semble au contraire qu’ils se fassent une gloire de celles-ci. Aujourd’hui, plus que jamais, on dirait que chaînes et cadavres sont les unités qu’ils ont choisi pour mesurer leur sécurité.

Ainsi, le magazine Newsweek - défenseur civilisé de l’indéfendable! - essaie de te noyer dans un océan de larmes de crocodiles et te montre, sur sa couverture, enchaînée.

Tu sembles excessivement seule. Aussi seule, en vérité, que la malheureuse mère de famille juive que le fourgon blindé emporte pour Dachau, ou que n’importe lequel de nos ancêtres qui, enchaînés les uns aux autres au nom de Jésus, faisaient route vers une terre chrétienne.

Bien! Puisque nous vivons à un âge où le silence est non seulement criminel mais suicidaire, j’ai fait ici, en Europe, autant de bruit qu’il m’a été possible d’en faire, à la radio, à la télévision...

Je reviens précisément d’un pays, l’Allemagne, qui a été rendu célèbre par une majorité silencieuse il n’y a pas si longtemps que cela. On m’a demandé de parler de Miss Angela Davis, et je l’ai fait. Très probablement un coup d’épée dans l’eau, mais on ne doit jamais laisser une occasion vous glisser entre les doigt.

J’ai quelque chose comme vingt ans de plus que toi. J’appartiens à cette génération dont George Jackson s’est hasardé à dire «qu’elle ne comprenait aucun frère sain, absolument aucun! ». Je ne suis en aucune façon armé pour discuter cette conjoncture - pas, en tout cas, sans en venir à des considérations qui, en cette occurrence, seraient d'une subtilité déplacée - car je sais trop bien ce qu’il veut dire. (Mon état de santé personnel est certainement suffisamment précaire.)

En vous considérant, toi, Huey, Georges et - surtout ! - Jonathan Jackson, je commence à entrevoir ce que vous pouvez avoir en tête lorsque vous parlez du parti que l’on peut tirer de l’expérience de l’esclavage.

Ce qui s’est produit, à ce qu’il me semble - et pour l’exprimer d’une façon beaucoup trop simple - c’est que la jeunesse d’une génération entière s’est penchés sur son histoire, l’a assimilée et cette action sublime lui a permis de se libérer d’elle. Plus jamais ces jeunes ne seront des victimes.

Dire cela à une sœur emprisonnée qui lutte pour sa vie - pour nos vies à tous - peut sembler une extravagance, une impardonnable impertinence, un manque total de sensibilité. Pourtant, j’ose le dire, car je pense que, peut-être, tu ne t’y méprendras pas et, après tout, je ne le dis pas en position de spectateur.

J’essaie de faire comprendre que toi - par exemple - tu n’apparais pas être la fille de ton père de la même façon dont je suis moi, le fils du mien. Au fond, les aspirations de mon père et les miennes étaient les mêmes, les aspirations de sa génération et de la mienne étaient les mêmes.

En fait, et pour utiliser le parler brutal de ce temps - le langage intérieur de ce désespoir - il n’était qu’un nègre, un manœuvre d’usine, un prédicateur nègre, et c’est ce que j’étais moi aussi.

J'ai réussi à me dégager de cette situation, mais, aujourd’hui, ça n’a pas plus d’importance en soi que le fait que quelques Espagnols pauvres, par exemple, aient pu devenir de riches toreros ou que quelques jeunes Noirs pauvres aient pu devenir de riches boxeurs. Le fait est rare, et lorsque l’effet porte sur le peuple, cela ne procure chez lui qu’un grand purgatif émotionnel. Je ne voudrais pas, cependant, traiter ce fait avec condescendance. Mais lorsque Cassius Clay est devenu Mohammed Ali et a refusé de jouer le jeu - et a sacrifié tout cet argent! - l’impact sur les gens a été tout différent. Un type d’enseignement nouveau venait de voir le jour.

Le triomphe américain - sous lequel a toujours transparu le drame américain — a été d’amener les Noirs à se mépriser eux-mêmes. Quand j’étais petit, je me méprisais, je n’avais pas d’autre choix. Et cela voulait dire que, quoique inconsciemment ou contre mon gré - et au prix d’une grande souffrance - je méprisais également mon père. Ma mère. Mes frères. Mes sœurs.

Je grandissais en voyant chaque samedi soir des Noirs s’entretuer sur Lenox Avenue. Personne ne leur expliquait - ou ne m’expliquait à moi - que cela était délibérément étudié; Que là où ils se trouvaient, on les parquait comme des animaux de façon à ce qu’ils ne se considèrent pas mieux que des animaux. Tout étayait cette réalité, rien ne venait la mettre en cause, et, arrivés à l’âge de travailler, nous étions déjà préparés à être traités en esclaves. Ainsi, étions-nous prêts, à l’heure des grandes terreurs humaines, à nous incliner devant un Dieu Blanc et à implorer une Rédemption devant Jésus - ce même Dieu blanc qui était incapable de lever le plus petit doigt pour vous aider ne serait-ce qu’à payer votre loyer, qui était incapable de s’éveiller à temps pour vous aider à sauver votre enfant!

Bien-sûr, il y a toujours dans chaque image plus que l’on ne peut en percevoir à première vue, et dans tout cela - rogne et grogne, espionnage, calculs, singerie, survie et malice - une force fantastique se forgeait, qui fait, aujourd’hui, parti de notre héritage. Mais, cet aspect particulier de notre voyage se trouve à présent derrière nous. Le secret est levé: nous sommes des hommes!

Or, l’énoncé clair et sans détour de ce secret a effrayé la nation « à mort ». J’aimerais pouvoir dire « à vie », mais ce serait trop demander à une collection disparate de gens expatriés, encore terrés dans leurs convois de chariots à chanter « En avant soldats chrétiens ». La nation, si l’Amérique en est une, n’est pas le moins du monde préparée pour ce jour. C’est un jour que les américains n’ont jamais attendu, un jour qu’ils n’ont jamais espéré voir arriver, aussi pieusement puissent-il professer leur foi dans le « progrès et la démocratie ». Ces mots, maintenant, sur des lèvres américaines sont devenus une sorte d’obscénité universelle. Car ces gens, malheureux s’il en est, ces fervents apôtres de l’arithmétique, ne se sont jamais attendus à être confrontés avec l’algèbre de leur histoire.

Une moyen de mesurer l’état de santé d’une nation, ou de discerner ce qu’elle considère comme étant ses intérêts ou dans quelle mesure on peut la considérer comme une nation - et non comme une coalition d’intérêts particuliers - consiste à examiner les gens qu’elle élit pour la représenter ou la protéger. Un simple coup d’œil sur les leaders politiques ou les personnages de premier plan de ce pays laisse à penser que l’Amérique est au bord du chaos absolu, et porte à croire que le futur des intérêts américains, sinon du peuple américain, apparaît comme une volonté de mettre les Noirs à l’écart. (Du reste, un simple coup d’œil sur notre passé nous le confirme également.) Il est clair que pour la plupart de nos compatriotes (par le nom), nous sommes tous sacrifiables. Et Messieurs Nixon, Agnew, Mitchell et Hoover, pour ne rien dire de l’éclatant gouverneur Ronald Reagan, n’hésiteraient pas un instant à mener à bien ce qu’ils persistent à présenter comme la volonté du peuple.

Or, en Amérique, quelle est la volonté du peuple? Et qui, pour les susnommés, est le peuple ? Le peuple, quel qu’il soit, en connaît tout autant sur les forces qui ont installés au pouvoir les gentlemen susnommés que sur celles qui sont responsables du massacre vietnamien.

En Amérique, la volonté du peuple a toujours été à la merci d’une ignorance pas simplement abyssale, mais sacrée et religieusement entretenue: la meilleure arme que puisse utiliser une économie carnassière qui, démocratiquement, assassine et moleste indifféremment Noirs et Blancs. Mais la plupart des Blancs américains n’osent pas l’admettre (quoiqu’ils s’en doutent) et ce fait implique un danger mortel pour les Noirs et un drame pour la Nation entière.

Ou, pour l’exprimer autrement, aussi longtemps que les Blancs américains se réfugieront derrière la couleur de leur peau - aussi longtemps qu’ils seront incapables de s’extirper de ce piège monstrueux entre tous - ils toléreront le massacre de milliers de personnes en leur nom, ils seront manipulés et se rallieront à ce qu’ils considèrent - et justifient - comme une guerre raciale. Aussi longtemps qu’ils laisseront leur couleur de peau poser cette effarante distance entre eux-mêmes, leur propre expérience et l’expérience des autres, jamais ils ne sentiront suffisamment humains, suffisamment estimables, pour se sentir responsables d’eux-mêmes, de leurs leaders, de leur pays, de leurs enfants ou de leur destinée. Ils périront - comme nous le disions autrefois dans notre église noire - avec leurs pêchés, c’est à dire avec leurs illusions. Et cela se produit déjà, inutile de le dire, tout autour de nous.

Seule une poignée parmi les millions de gens qui peuplent ce vaste pays sont conscients que le sort qui t’est réservé, sœur Angela, ainsi qu’à George Jackson et aux innombrables prisonniers qui emplissent nos camps de concentration - car c’est ce qu’ils sont - est un sort qui est sur le point de les submerger, eux aussi. Pour les puissances qui régissent le pays, la vie d'un Blanc n’est pas plus sacrée que celle d'un Noir, comme de plus en plus d’étudiants le découvrent, comme le prouve, au Vietnam, les cadavres d’américains blancs. Si les Américains blancs se sentent incapables de disputer à leurs dirigeants la Rédemption de leur propre honneur et la vie de leurs propres enfants, nous les Noirs, les plus rejetés des enfants de l’Occident, ne pouvons plus nous attendre à un grand secours de leur part, ce qui, après tout, n’est pas nouveau. Ce que les Américains ne réalisent pas, c’est qu’une guerre entre frères, au sein des mêmes villes, sur le même sol, n’est pas une guerre raciale, mais une guerre civile. En fait, l’illusion américaine n’est pas seulement que leurs frères sont tous blancs, mais que tous les Blancs sont leurs frères.

Ainsi soit-il. Nous sommes impuissants à éveiller l’homme endormi, et Dieu sait que nous avons essayé. Nous devons faire ce que nous pouvons, nous épauler et nous sauver les uns les autres ; nous ne nous noieront pas dans un mépris apathique de nous-mêmes ; nous nous sentons suffisamment estimables pour lutter, même contre des forces inexorables en vue de changer notre sort, le sort de nos enfants et celui du monde! Nous savons qu’un homme n’est pas une chose et qu’il ne doit pas être placé à la merci des choses. Nous savons que l’air et l’eau appartiennent à l’humanité entière et pas seulement aux industriels. Nous savons qu’un bébé ne vient pas au monde uniquement dans le but de servir au profit des autres. Nous savons que la démocratie ne signifie pas le maintien de tous par la coercition dans une médiocrité abominable - et finalement mortelle - mais la liberté pour chacun d’aspirer au meilleur qui puisse exister ou qu’il possède à l’intérieur de lui.

Nous savons que nous, les Noirs - et pas seulement nous, les Noirs - avons été et sommes encore les victimes d’un système dont le seul carburant est l’avidité, dont le seul dieu est le profit.
Nous savons que les fruits de ce système sont l’ignorance, le désespoir et la mort. Et nous savons que le système est condamné car le monde ne peut plus en faire les frais - si toutefois il a jamais pu.

Nous savons que, pour la perpétuation de ce système, nous avons été brutalisés sans pitié, qu’on nous a toujours abreuvés de mensonges, mensonges sur nous-mêmes, sur nos semblables, sur notre passé ; mensonges sur l’amour, la vie et la mort, si bien que nous avons été corps et âmes voués à l’enfer.

La formidable révolution de la conscience noire qui a touché ta génération, ma chère sœur, signifie le commencement ou la fin de l’Amérique. Certains d’entre nous, Noirs et Blancs, savent quel prix a déjà été payé pour faire éclore une nouvelle conscience, un nouveau peuple, une nation sans précédent. Si nous savons et ne faisons rien, nous sommes pires que les mercenaires meurtriers (J’en ai déjà nommé certains) engagés en notre nom.

Si nous savons, alors nous devons nous battre pour ta vie comme si c’était la nôtre - ce qu’elle est - et nous ferons de nos corps un mur obstruant le corridor qui mène à la chambre à gaz. Car s’ils viennent te chercher à l’aube, ce soir, c’est pour nous qu’ils viendront.
Pour cela : Paix.

Frère James
19 novembre 1970

James Baldwin


Traduction: Samuel Légitimus

La Bible noire

« Ce livre, qui est déjà considéré dans la monde entier comme une étude classique de la psychologie de peuples opprimés, est connu maintenant, parmi les militants du mouvement de libération noire en Amérique, comme la « Bible ».

Il fut écrit par un Noir né à la Martinique, élevé à Paris et qui atteint le sommet de son génie dans le creuset de la révolution algérienne. L'ouvrage de Fanon est à lui seul un évènement historique. Il marque en effet un moment très significatif dans l'histoire de l'évolution des peuples colonisés du globe ; celui de la poursuite de leur libération nationale, de la modernisation de leur économie et de leurs défenses contre les intrigues interminables des nations impérialistes.

A une certaine étape de la transformation psychologique d'un peuple soumis, en lutte pour sa liberté, une poussée de violence se développe dans l'inconscient collectif. Les opprimés éprouvent un besoin incontrôlable de tuer leurs maîtres. Mais ce sentiment engendre quantité de conflits, car, venant de prendre conscience de son désir de frapper l'oppresseur, le peuple fuit cet élan avec terreur ; alors la violence se retourne contre elle-même. Et les opprimés se battent les uns contre les autres : ils s’entre-tuent et s'infligent à eux-mêmes ce qu'il aimeraient, en fait, infliger à leur maître. Intimidés par l'énorme puissance des armes de l'oppresseur, les colonisés pensent que celui-ci est invincible et qu'il est vain même de rêver de l'affronter. Lorsque la poussée révolutionnaire visant à abattre l'oppresseur est étouffée, des troubles de la personnalité se font jour.

Pendant la révolution, Fanon travailla dans un hôpital d'Algérie. En tant que psychiatre, il fut à même d'y étudier soigneusement des Algériens qui avaient été atteints de troubles psychologiques sous la pression de la situation révolutionnaire. Les damnés de la terre comporte un appendice où l'auteur passe en revue plusieurs cas. Il y décrit l'élan révolutionnaire et les tentatives des patients pour s'en évader par un processus de refoulement psychique.

Tous les patients de Fanon n'étaient pas des Algériens colonisés. Il y avait aussi des policiers français, ébranlés par la brutalité qui les entourait et dans laquelle ils étaient engagés ; des soldats français qui, ayant torturés des prisonniers de façon abjecte, se trouvaient souvent dans des situations où toutes leurs rationalisations s'écroulaient, les laissant face-à-face avec leurs actes inhumains.

Ce qui rend ce livre si significatif, c'est qu'il exprime la voix d'un intellectuel révolutionnaire noir qui s'adresse directement à son peuple pour lui montrer le moyen de regrouper ses forces. Fanon enseigne que l'essentiel est de concentrer la haine et la violence sur leur véritable objectif : l'oppresseur. Désormais, dit Fanon, soyez implacables. La même idée est développée par LeRoi Jones dans sa pièce Dutchman lorsque son personnage Clay crie à la blanche qui l'a tourmenté : « un petit meurtre nous rendra la santé à tous » (parlant des Noirs vis-à-vis des blancs). Ce livre rend légitime l'élan de violence révolutionnaire. Il enseigne aux colonisés qu'il est parfaitement normal de vouloir se soulever, de faire tomber les têtes des maîtres, d'affronter l'oppresseur, car c'est un moyen pour eux de faire la preuve qu'ils sont des hommes.

A la suite des émeutes de Watts et de tous les autres soulèvements qui ont mis le feu aux ghettos américains, il est évident que la manière dont les opprimés ressentent les choses et réagissent diffère très peu, que ce soit en Algérie, au Kenya, en Angola ou à Los Angeles, et que les oppresseurs soient les Français, les Anglais, les Portugais ou les Yankees.

Le philosophe français Jean-Paul Sartre écrivit une préface à ce livre qui, dit-il, n'en avait pas besoin. Cette introduction est à elle seule un chef d’œuvre. Sartre a interprété la pensée de Fanon à l'intention d'un public blanc et dans la mesure où il a insisté sur le fait qu'il s'agissait d'un livre à ne négliger en aucun cas, sa contribution a été précieuse. »

(Eldridge Cleaver, 15 janvier 1967)

La « liberté d'expression », combien ça coûte ?

Dans un célèbre ouvrage de Max Weber, « Le savant et le politique », l’auteur distingue deux éthiques de l’action, l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité : « il y a une opposition entre l’attitude de celui qui agit selon les maximes de l’éthique de conviction - dans un langage religieux nous dirions : « Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l’action il s’en remet à Dieu » - et l’attitude de celui qui agit selon l’éthique de responsabilité qui dit : « Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes. » Lorsque les conséquences d’un acte fait par pure conviction sont fâcheuses, le partisan de cette éthique n’attribuera pas la responsabilité à l’agent, mais au monde, à la sottise des hommes ou encore à la volonté de Dieu qui a créé les hommes ainsi. Au contraire le partisan de l’éthique de responsabilité comptera justement avec les défaillances communes de l’homme et il estimera ne pas pouvoir se décharger sur les autres des conséquences de sa propre action pour autant qu’il aura pu les prévoir.... » Et bien si l’on applique cette distinction à l’affaire Charlie Hebdo, on s’aperçoit que le journal satirique, tel qu’il existe aujourd’hui, n’est régi ni par l’une ni par l’autre de ces éthiques. Qui connaît le Charlie Hebdo du Professeur Choron sait que sa version actuelle n'est qu'une pâle copie. Une Ombre qui navigue à vue depuis quelques années et dont la conviction est le dernier des soucis. Quant aux conséquences prévisibles de ce numéro spécial, elles étaient cousues de fil blanc... En vérité, sa source d’inspiration semble plus prosaïque, elle viendrait tout bonnement de « l’esprit du capitalisme » !

De la tartuferie médiatico-politique


Lundi 24 octobre 2011 dans la soirée, un hangar au 163 de la rue des Pyrénées, à Paris, a flambé. Des Roms vivaient depuis plusieurs mois dans cet ex-squat d'artistes, désigné comme la Maison des Roms ou la Baraka, une ancienne cartonnerie. Un homme de 55 ans, Ion Salagean, rémouleur, a perdu la vie dans le sinistre. Son corps a été retrouvé calciné le lendemain dans les décombres.

Les familles, une centaine de personnes, se sont retrouvées à la rue, leurs affaires réduites en cendre. Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris. Plusieurs témoins ayant fait état de jets de cocktails Molotov, l'incendie pourrait être d'origine criminelle. Ces dernières semaines, les relations avec le voisinage s'étaient tendues: une pétition circulait et un rassemblement avait été organisé quelques jours auparavant pour exiger leur expulsion.

Les rescapés ont «bénéficié» de trois nuits d'hôtel puis, selon les associations qui les soutenaient, elles ont été dispersées par la mairie. Le retentissement de ce drame est resté faible. Quelques communiqués, quelques articles (ici et ). Les rares réactions sont pour la plupart rassemblées dans le site du collectif Contre la xénophobie.

Dans la nuit de mardi 1er à mercredi 2 novembre, l'incendie qui a ravagé les locaux de Charlie Hebdo, au moment où le journal satirique publie un numéro spécial Mahomet, suscite un émoi considérable. Selon la police, il a été provoqué par une projection de «cocktail Molotov» et n'a fait aucun blessé. Mais le matériel est détruit.

Responsables politiques de droite comme de gauche, associations et médias se relayent pour défendre la liberté d'expression contre le fondamentalisme religieux. Les uns condamnent tous les intégrismes, d'autres ne visent que l'islam. Le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, s'est rendu sur place pour dénoncer «ce qu'il faut bien appeler un attentat». Dans le désordre François Fillon, Frédéric Mitterrand, Xavier Bertrand, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-François Copé, François Hollande, Martine Aubry, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont fait entendre leur voix, de même que Mohammed Moussaoui ou Bernard-Henri Lévy.

Le Monde, L'Humanité et le Forum des société de journalistes ont apporté leur soutien à l'équipe de Charlie Hebdo, tandis que Libération et Le Nouvel Observateur lui ont offert l'asile. Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, «révolté», a même proposé d'aider l'hebdomadaire «à retrouver des locaux». «Solidarité» est le terme qui est revenu le plus souvent dans les expressions des uns et des autres.

Les Roms de la rue des Pyrénées n'ont pas eu droit à ces égards. La liberté d'expression n'était peut-être pas en jeu, mais le droit à un logement digne et la lutte contre la xénophobie.

Carine Fouteau

De l'«unité complexe»



« Vous êtes en train de réinventer notre univers politique. Vous avez renouvelé notre passion collective. Vous nous avez rappelé qu'il était encore possible de bâtir des communautés dynamiques de résistance. Vous continuez à nous prouver votre engagement, votre dévouement, votre travail collectif, votre refus de consentement à des hiérarchies de classes, de races, de sexes. Nous nous sommes réunis en tant que les 99%. Il y a des responsabilités majeures liées à votre décision de vous rassembler en communauté. Comment pouvons-nous être ensemble? Comment pouvons-nous être ensemble? Comment pouvons-nous être ensemble dans une unité qui respecte et célèbre les différences entre nous? Comment pouvons-nous être ensemble dans une unité qui n'est pas simpliste, qui n'est pas oppressive, mais plutôt complexe et émancipatrice. Notre unité doit être complexe et émancipatrice. Dans cette unité complexe, nous disons oui à la vie. Nous disons oui à la communauté. Oui au bonheur. Oui à l'éducation. L'éducation gratuite! Nous disons oui à l'égalité économique de race, de genre et de sexe. Nous disons oui à l'imagination! Nous disons oui à la créativité. Nous disons oui à l'espoir. Nous disons oui au futur.» (Angela Davis, lors de l' "Occupy Wall Street" à Washington, le 30 octobre 2011 )