« Il faut voir l’empressement avec lequel les intellectuels européens libéraux et de gauche invitent les musulmans à s’assimiler. Ils le font sans ciller, sans penser aux papillotes que l’on a tondues sur la tête de nos grands-pères juifs, sans penser à la xénophobie dont ont souffert nos parents. »
La relation est étroite entre ceux qui s’autoproclament « camp de la paix » en Israël et leurs homologues de la gauche européenne. Ce livre éclaire sans indulgence cette relation, particulièrement marquée dans le domaine littéraire. Il analyse la réception en Europe des ouvrages d’Amos Oz, A.B. Yehoshua ou David Grossman, il explore la manière dont ces auteurs sont chez nous travestis en hommes de paix, et les raisons de l’enthousiasme de la critique.
Il montre que les intellectuels israéliens - ashkénazes pour la plupart, laïques et travaillistes - sont perçus par leurs pendants européens comme faisant partie « des nôtres », à condition qu’ils restent là-bas, en Orient. Et que, symétriquement, ces mêmes intellectuels ont pour principal souci d’appartenir - ou de paraître appartenir, par tous les moyens - à l’intelligentsia européenne. Et de fait, ce que tous ont en commun, c’est la peur et la haine de l’Orient.
Note de lecture par Françoise Germain-Robin, l’Humanité, 21 novembre 2007
C’est un véritable pamphlet que ce petit livre de 120 pages, publié aux Éditions La Fabrique. Le titre lui-même joue la provocation en prenant délibérément le contre-pied du thème à la mode de la renaissance de l’antisémitisme en Europe. Pour l’écrivain et journaliste israélien Yitzhak Laor, ce n’est pas la haine des juifs qui affecte l’analyse et le jugement des Européens sur la situation au Proche-Orient, mais tout le contraire : « Les Occidentaux, écrit-il, ont pris l’habitude de nous considérer comme une partie d’eux-mêmes. » C’est-à-dire que dans l’affrontement entre l’Orient et l’Occident, Israël fait partie de l’Occident, et ce, dès avant sa création, dans la conception même du projet sioniste, qu’il définit très clairement comme un projet colonial.
Pour preuve, il cite le père du sionisme, Théodore Herzl, écrivant dans l’État juif : « Pour l’Europe, nous serons comme un rempart contre l’Asie, nous serons les défenseurs de la culture contre les sauvages. »
L’auteur montre que ce rôle d’avant-poste de l’Occident en Orient, Israël l’a tellement bien accepté que ceux de ses citoyens qui ne sont pas venus d’Europe, ceux que l’on appelle là-bas les « juifs orientaux », les séfarades (dont l’auteur fait partie), ont longtemps été traités en citoyens de seconde zone, et sont aujourd’hui encore priés de se « moderniser », c’est-à-dire de s’occidentaliser, d’oublier leurs racines, s’ils veulent réussir, faire partie de l’élite israélienne.
Mais la thèse la plus audacieuse défendue par Yitzhak Laor, celle qui lui vaudra des volées de bois vert dans son pays et ailleurs - y compris en France -, c’est l’analyse qu’il fait de l’utilisation de la Shoah « pour nier ce qui arrive aux Palestiniens ».
Il note que « l’irruption de la culture de la Shoah » est récente : ce n’est qu’en 2005 que l’ONU a institué une Journée mondiale de commémoration de la Shoah, l’Allemagne ayant ouvert la voie en 1996. Pour Laor, pas de doute, « il y a un lien entre la culture de la Shoah et la haine de l’islam qui fait rage en Europe. Tout tourne autour de cette idée : les uns sont comme nous, les autres sont différents ».
Malheureusement, l’État et la droite israéliens ne sont pas seuls à utiliser ce registre sinistre. Une certaine gauche aussi. L’auteur se livre à une attaque virulente contre cette gauche sioniste dont font partie nombre d’écrivains et d’intellectuels réputés pacifistes, courtisés en Europe, mais dont il démonte les faux-semblants avec la cruauté d’un scalpel de chirurgien.
Deux d’entre eux sont surtout visés : Amos Oz et A. B. Yehoshua. De ce dernier, il cite la terrible exclamation qu’il eut en juillet 2006, au déclenchement de la guerre contre le Liban : « Nous sommes enfin tombés dans une guerre juste ! »
Et sa prédiction de 2004, celle d’une « guerre totale » avec les Palestiniens, une « guerre de nettoyage ». « S’ils tirent des roquettes sur Askelon, nous couperons l’électricité à Gaza, nous priverons Gaza d’essence. Quand la souffrance des Palestiniens sera tout autre, beaucoup plus intense, ils mettront eux-mêmes fin au terrorisme. (...) Et quand nous nous serons retirés, je ne veux plus connaître leurs noms, je ne veux plus entendre parler d’eux. »
La démonstration est, hélas, accablante.
1 commentaire:
Dans le même registre le très bon texte de Gresh :http://blog.mondediplo.net/2010-10-20-De-l-antisemitisme-au-peril-musulman[->http://blog.mondediplo.net/2010-10-20-De-l-antisemitisme-au-peril-musulman]
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