Commentaires sur les émeutes de Watts de 1965


« Les Noirs ont en Amérique leur propre spectacle, leur presse, leurs revues et leurs vedettes de couleur, et ainsi ils le reconnaissent et le vomissent comme spectacle fallacieux, comme expression de leur indignité, parce qu’ils le voient minoritaire, simple appendice d’un spectacle générale. Ils reconnaissent que ce spectacle de leur consommation souhaitable est une colonie de celui des Blancs, et ils voient donc plus vite le mensonge de tout le spectacle économico-culturel.

Ils demandent, en voulant effectivement et tout de suite participer à l’abondance, qui est la valeur officielle de tout Américain, la réalisation égalitaire du spectacle de la vie quotidienne en Amérique, la mise à l’épreuve des valeurs mi-célestes, mi-terrestres de ce spectacle. Mais il est dans l’essence du spectacle de n’être pas réalisable immédiatement ni égalitairement même pour les Blancs (les Noirs font justement fonction de caution spectaculaire de cette inégalité stimulante dans la course à l’abondance). Quand les Noirs exigent de prendre à la lettre le spectacle capitaliste, ils rejettent déjà le spectacle même. Le spectacle est une drogue pour esclaves. Il n’entend pas être pris au mot, mais suivi à un infime degré de retard (si il n’y a plus de retard, la mystification apparaît).

En fait, aux États-Unis, les Blancs sont aujourd’hui les esclaves de la marchandise, et les Noirs, ses négateurs. Les Noirs veulent plus que les Blancs : voilà le cœur d’un problème insoluble, ou soluble seulement avec la dissolution de cette société blanche. Aussi les Blancs qui veulent sortir de leur propre esclavage doivent rallier d’abord la révolte noire, non comme affirmation de couleur évidemment, mais comme refus universel de la marchandise, et finalement de l’État.

Le décalage économique et psychologique des Noirs par rapport aux Blancs leur permet de voir ce qu’est le consommateur blanc, et le juste mépris qu’ils ont du blanc devient mépris de tout consommateur passif. Les Blancs qui, eux aussi, rejettent ce rôle n’ont de chance qu’en unifiant toujours plus leur lutte à celle des Noirs, en en trouvant eux-mêmes et en en soutenant jusqu’au bout les raisons cohérentes. Si leur confluence se séparait devant la radicalisation de la lutte, un nationalisme noir se développerait, qui condamnerait chaque côté à l’affrontement selon les plus vieux modèles de la société dominante. Une série d’exterminations réciproques est l’autre terme de l’alternative présente, quand la résignation ne peut plus durer.

Les essais de nationalisme noir, séparatiste ou pro-africain, sont des rêves qui ne peuvent répondre à l’oppression réelle. Les Noirs américains n’ont pas de patrie. Ils sont en Amérique chez eux et aliénés, comme les autres Américains, mais eux savent qu’ils le sont...»

Guy Debord

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce n'est pas difficile de te reconnaître Agnès/Anonyme/Gilles D'Elia... Ce narcissime qui te colle à la peau, cette auto-célébration de toi aussi grotesque que pompeuse, ce néant qui te tient lieu de pensée...Et puis cet aveu, le rêve de devenir travelo, ma chère "Agnès d'Elia", toi aussi, "toute ta vie tu as rêvé d'être une hotesse de l'air..." (lol)

Le Portier a dit…

There's blood in the streets, it's up to my ankles
She came
There's blood on the streets, it's up to my knee
She came
Blood on the streets in the town of Chicago
She came
Blood on the rise, it's following me
Think about the break of day

She came and then she drove away
Sunlight in her hair

She came
Blood in the streets runs a river of sadness She came
Blood in the streets it's up to my thigh She came
Yeah the river runs red down the legs of the city
She came
The women are crying rivers of weepin'

She came into town and then she drove away
Sunlight in her hair

Indians scattered on dawn's highway bleeding
Ghosts crowd the young child's fragile eggshell mind

Blood in the streets in the town of New Haven
Blood stains the roofs and the palm trees of Venice
Blood in my love in the terrible summer
Bloody red sun of fantastic L.A.

Blood screams the pain as they chop off her fingers
Blood will be born in the birth of a nation
Blood is the rose of mysterious union

There's blood in the streets, it's up to my ankles
Blood in the streets, it's up to my knee
Blood in the streets in the town of Chicago
Blood on the rise, it's following me

M.M. a dit…

It's Only Rock'n'Roll, but i like it!

Tout spectacle est mystification, puisqu’ il distrait l’esprit et le dévie de ce qui est essentiel, du moins partiellement, pour un temps, avant que ne tombe l’illusion. Le spectacle appartient à celui qui le fait et non à celui qui le subit. En ces temps sombres de pandémies, de suicides professionnels, de racisme, de bavures policières et de chômage accru, le bateleur Eric Besson, ministre de son état, n’a rien trouvé de mieux que sa carte biseautée de « l’Identité Nationale » à tirer du manche et du lot pour désorienter les soucis des Français. Il faut bien distraire les plébéiens, comme autrefois à Rome, on envoyait comme casse-croûtes aux lions des chrétiens, ou des gladiateurs s’embrocher les uns les autres, au plaisir des faiseurs de spectacle et des populaces résignées. Lors de l’assassinat d’un spectateur noir, Meredith Hunter, au concert d’Altamont, en 1969, par les Hell’s Angels, le leader et « bad-boy » Mick Jagger au summum du cynisme et de l’immaturité, ne trouvera comme excuse aux meurtriers, que sa réplique, devenue depuis proverbiale « The show must go on ! » et peu importe la mort d’un homme, il ne fallait surtout pas rompre l’illusion et gripper les tiroirs-caisses du capitalisme Rock’n’Rollien. Preuve s’il en est que cette formation a beaucoup apportée en vendant ses décibels et son narcissisme glamour et pailleté à l’économie anglaise que tous les patrons de la City réunis ! Mick Jagger, l’icône de toutes les jeunesses révoltées, est aujourd’hui milliardaire, il a été anobli comme son alter-ego Sir Paul McCarteney par la Reine d’Angleterre pour leurs loyaux services rendus à la couronne et à l’économie anglaise, et continue pour approvisionner sa tirelire à se donner en spectacle pour entretenir, cette fausse illusion de révolte et de contestation. M.M.

Apeman a dit…

"'N'every gimmick hungry yob digging gold from rock'n'roll
Grabs the mike to tell us he'll die before he's sold
But I believe in this-and it's been tested by research
He who fucks nuns will later join the church"


Et pour Meredith Hunter, bien fait pour sa gueule, il l'avait bien cherché!

M.M. a dit…

Et pour Meredith Hunter, bien fait pour sa gueule, il l'avait bien cherché!

Ca aurait pû être toi, fils de singe; mais à l'époque tu étais encore un pisse-au-lit. M.M.

Moris Viande a dit…

Mon collègue de bureau cherche à monter une cabane à teuf dans son village de ploucs, si parmi vous, il y a des travelos malheureux, des nains culturistes, des femmes à barbe, des singes rock’n’roll, et des garagistes mondolinistes qui veulent monter sur les planches, ils seront les bienvenus.

Moris Viande

Anonyme a dit…

L’hégémonie de l'anglais sévit aussi sur ce site et qu'est-ce que ça peut faire que le niveau d’anglais de certains ne dépasse pas celui de la terminale, c'est à dire pas de maîtrise du tout de la langue de Shakespeare puisque ce qu’on vise ici c’est l’entre soi intellectuel, une autre façon d’exclure n’est-ce pas ? Bah quand on a les mains calleuses comme les miennes on ne va pas sur ce genre de site, j’ai dû m’égarer, car populaire, terme largement utilisé sur ce site, incluait l’idée qu’il était question de l’élite qui a réussi, et non du bougnoule qui trime et qui a l’outrecuidance de croire qu’il peut encore comprendre ce qu’on écrit chez le bougnoulosophe. Populisme ? Qu’entends-je ? Pas du tout, mon voisin du premier et ma voisine de palier me disent qu’ils ne peuvent pas eux aussi me traduire : un la vidéo, deux les " English commentaires ".

Anonyme a dit…

Si tu as les mains calleuses, anonyme, moi je suis la reine d'Angleterre... Va médire plus loin, chez tes amis "petits blancs" par exemple, eux, aiment beaucoup le Français, cette langue impériale, de l'autre Empire, celui qui a mal tourné...

M.M. a dit…

Do you speak english?

En voilà un qui pousse inutilement pour nous chier une roue de tracteur, alors qu'il n'y a point d'"anglicherie" là-dedans. Et quand bien même il y en aurait, on s'en contrefiche du niveau, du moment qu'on comprend. les inconditionnels, de ce forum, ont le droit, et, de temps à autre besoin de s'exprimer autrement, même en chansons, de là à voir, un parti pris, une allégeance à la perfide Albion, là, ça dépasse vraiment le kilo. Ne soyez pas mauvaise "langue" cher anonyme.
M.M.

vincent a dit…

Il séduit et il a la pêche,Guy Debord,mais il s'est bien planté sur l'évolution des Noirs américains quand il écrit qu'ils méprisent le blanc parce que celui-ci est aliéné a la consommation alors que eux sauraient qu'ils sont aliénés et que cela les rendrait plus forts.Car qu'est-ce-qu'on a vu,depuis 40 ans ? En constituant une petite bourgeoisie,certains ont devenus aliénés-consommateurs comme les Whites en plus d'être aliénés-anciens esclaves (j'emploie le vocabulaire de l'auteur),pendant que les autres,les "laissés pour compte"se réfugient aussi à leur manière et avec leurs moyens dans la consommation: de fringues débiles,de drogues hélas,de rap qui gonfle,et de rien du tout en fait..
Il me semble que Spike Lee se plaignait de cette évolution.

Spartacus a dit…

Tu as raison Vincent,l’anticipation et la prospective sont toujours très casse gueule, on a toujours beaucoup de chance de se tromper lorsqu’on se prend pour Madame soleil… A mon sens, ce texte, et c’est sa pertinence, montre que Debord avait bien conscience du caractère d’avant garde, central des luttes des noirs américains dans les années 60, cette dimension de précurseur, de tête de fil dans les mouvements sociaux américains a duré jusque dans les années ’80… Il en va tout autrement en France, où, aujourd’hui comme hier, les minorités ethniques (car il faut bien leur donner un nom !) ne sont conçues que comme second couteau, comme « supplétif » de luttes sérieuses, c’est-à-dire « blanches » et « majoritaire »… Tout mouvement non encadré par les majoritaires devient le fait de « lumpen » irresponsables, devient une jacquerie proto-politique, voire même un « communautarisme » en acte etc… Autrement dit, il ne mérite de leur part ni identification ni solidarité ! « Qui décolonisera la «gauche française ?
Là est la question...