Un bière et puis s’en va…

« Am, stram, gram,
Pic et pic et colegram,
Attrape un nègre par l’orteil,
S’il braille, lâche le… » (Comptine enfantine américaine)


« Ma couleur est un handicap : ça, je le savais…
Mais à Los Angeles, ils m’ont secoué. Ce n’est pas tellement dans le usines qu’ont m’a refusé du boulot. Quand je suis arrivé ici, le seul boulot qu’un Noir pouvait trouver c’était celui d’aide de cuisine chez les Blancs. Mais ce n’est pas tellement ça. C’est la tête que faisait les gens quand on leur demandait de l’ouvrage. La plupart ne me répondait pas tout de suite non. Il avait simplement l’air sidéré que j’ose le demander. Comme si leur chien avait poussé la porte en leur disant « A moi de parler ! ». C’est ça qui m’en a fichu un coup.

C’est peut être à se moment que ça m’a pris, ou c’est peut-être seulement quand ils ont commencé à enfermer les Japonais que je l’ai remarqué. Le petit Riki Oyana chantait « Dieu bénisse l’Amérique » et qu’on envoyait au camp avec ses parents, le lendemain. Déraciner comme ça des hommes et les boucler. Sans rémission. Sans aucun jugement. Sans qu’ils aient rien fait. Sans leur permettre de dire un mot. Je me disais : « Et si jamais, ils me faisaient le coup, à moi, Robert Jones, le fils noir de madame Jones »…Et c’est ça qui m’a foutu les foies.

Après, il y a eu tout. La tête des Blancs quand je passais dans la rue. La vague de haine folle, hagarde, déchaînée, que la première bombe sur Pearl Harbor a lâchée avec elle, comme un raz de marée. Cette sensation de race affolante, hargneuse, aussi pesante dans la rue que les fumées d’huile lourde. Chaque fois que je sortais, je la sentais, cette provocation, et il fallait l’accepter ou l’ignorer. Mille fois par jour, il fallait que je décide : « Est-ce que ça y est ? Est-ce qu’il faut y aller ? »

Je suis à peu près de la même couleur que les Japonais, je n’y vois pas de différence. « Un foie jaune », ça pouvait aussi bien s’appliquer à moi. Je flairais constamment la bagarre raciale, une furieuse bagarre, et pas plus loin qu’à deux pas. Personne ne m’embêtait. Personne ne l’ouvrait jamais. J’étais comme un catcheur prêt à sauter sur le premier adversaire qui se présenterait. Ça ne pouvait pas durer… » (Chester Himes, S'il braille, lâche-le...)

2 commentaires:

Naftul a dit…

http://cooldesource.blog.lemonde.fr/2009/01/11/moins-quun-chien-de-mingus/

Naftul a dit…

Ce passage d'un roman de Chester Himes m'a fait penser à l'autobiographie du musicien Charles Mingus, "Beneath the Underdog" - "Moins qu'un chien".

http://cooldesource.blog.lemonde.fr/2009/01/11/moins-quun-chien-de-mingus/