Immigré et double conscience

« L’immigré, surtout de basse condition sociale, est tenu à une sorte d’hyper-correction sociale. Socialement, voire moralement suspect, il doit avant tout rassurer quant à la morale : on n’a jamais autant parlé en France de « valeurs républicaines » que pour dénoncer les comportements déviants, au regard de la morale sociale et politique de la société française, des immigrés musulmans, port du voile à l’école, statut discriminé de la femme, usage politique de la religion, qu’on désigne sous le nom d’intégrisme, etc. Conscient de la suspicion qui pèse sur lui et à laquelle il ne peut échapper, confronté à elle tout au long de sa vie d’immigré et en tous les domaines de son existence, il lui appartient de la dissiper continûment, de la prévenir et de la dissuader à force de démonstrations répétées de sa bonne foi et de sa bonne volonté. Parce que l’immigré se trouve engagé malgré lui dans des luttes sociales qui sont nécessairement des luttes identitaires, et parce qu'il y est engagé à l'état d'isolé, il n’ a d’autre choix que de surenchérir, dans un sens ou dans l’autre. De nécessité faisant vertu, l’immigré incline, sans doute en raison de la position dominée qu’il occupe dans la structure des rapports de force symboliques, à exagérer, l’une comme l’autre, chacune des deux options contradictoires qu’il croit avoir choisies alors qu’en réalité il ne fait que les subir. Il est condamné à la surenchère en tout, dans tout ce qu’il fait, dans tout ce qu’il vit, et en tout ce qu’il est. Tantôt, il doit assumer comme immigré les stigmates qui, aux yeux de l’opinion, font l’immigré, acceptant de la sorte la définition dominante de son identité : qu’on se souvienne seulement que le stigmate engendre la révolte contre le stigmate, et qu’une des première formes de cette révolte consiste en la reprise en compte, la revendication du stigmate, converti alors en emblème, cela jusqu’à l’institutionnalisation du groupe qui se donne ainsi le stigmate pour fondement, c’est-à-dire les effets sociaux, économiques, politiques, culturels dont il est à la fois l’objet et en partie le produit. Tantôt au contraire, il se voue à la recherche de l’assimilation, ce qui suppose tout un travail de présentation de soi et de représentation, donc un travail portant essentiellement sur le corps, sur l’apparence physique, sur les comportements extérieurs les plus chargés précisément d’attributs ou de significations symboliques, afin d’une part, de faire disparaître tous les signes susceptibles de rappeler le stigmate (le teint, la couleur de peau, la couleur des cheveux, l’accent, la manière de parler, le vêtement, le style de vie…) et, d’autre part, d’afficher par mimétisme l’adoption des traits qui, par contraste, semblent être caractéristiques emblématiquement de ceux auxquels on voudrait s’assimiler... » (Abdelmalek Sayad)

9 commentaires:

Anonyme a dit…

"Conscient de la suspicion qui pèse sur lui et à laquelle il ne peut échapper, confronté à elle tout au long de sa vie d’immigré et en tous les domaines de son existence, il lui appartient de la dissiper continûment, de la prévenir et de la dissuader à force de démonstrations répétées de sa bonne foi et de sa bonne volonté."

Si cela peut rassurer Sayad (pour qui j'éprouve du reste un profond respect), il y a aussi les blancs, y compris ceux qui militent auprès des indigènes, à qui il "appartient de se dissiper continûment, de se prévenir et de dissuader la suspicion à force de démonstrations répétées de leur bonne foi et de leur bonne volonté."

Mais enfin, heureusement, quelqu'un de digne, saura, comme les indigènes savent le faire, dire "Stop", quand les suspicions deviennent indécentes.

A bon entendeur.

Anonyme a dit…

Ta, ta, ta... Quelle souffrance, quelle torture !
Il te suffit pourtant de mettre un pied hors des locaux de la rue d'Affre pour regagner la douceur et le (ré)confort de la "majorité"...(lol)

Anonyme a dit…

D'accord avec Sayad ET avec le premier intervenant. C'est l'avers et le revers de la même médaille.

Les Blancs, a priori, sont toujours suspectés de racisme plus ou moins diffus. C'est pourquoi on les voit toujours donner piteusement des gages de leur antiracisme, complexe de colonisateur oblige, dès qu'il s'agit de parler de l'isl... des sujets qui fâchent, voulais-je dire. Manque de chance, le seul qui tranche avec cette attitude hypocrite, c'est Zemmour !

Regardez ce pauvre Nabe, qui, dans son dernier tract, se sent obligé de protester de son amour (sic) des Noirs et de l'Afrique, avant de s'en prendre à Obama, qu'il accuse d'être un faux Nègre. Ridicule. Quand un Blanc est plus indigène que les indigènes, sachez que vous avez affaire au pire des racistes : celui qui suveille ses moindres faits et gestes pour ne pas se trahir.

Anonyme a dit…

Dites-moi les zozos "délavés", c'est pas le bureau de réclamation du racisme anti-blanc ici! Vous avez pas saisi le concept du blog... Être victime du racisme des "indigènes", c'est une spécialité du FN et de ses compagnons de route qui percolent large en France... Et puis, à propos de concept, vous connaissez le "racisme structurel" ? Étudiez la chose de près, ça vous instruira et ça vous rendra moins con !

Anonyme a dit…

Si il y a une idée à retirer du texte de Sayad, c’est que les indigènes doivent passer d’une conception hégélienne de leur identité (« conscience malheureuse », « conscience clivée ») à une conception spinoziste de celle-ci (« conatus » et « Puissance »), à vos dictionnaires ! (lol)
Time are changing…

Anonyme a dit…

"Ta, ta, ta... Quelle souffrance, quelle torture !
Il te suffit pourtant de mettre un pied hors des locaux de la rue d'Affre pour regagner la douceur et le (ré)confort de la "majorité"...(lol)"


Qu'est-ce que t'en sais ? Qu'est-ce que tu connais de mon histoire et de ma vie ? Je ne sais pas qui tu es, mais à la simple lecture de ton message, je peux au moins te dire que tu me fais pitié.

Anonyme a dit…

Et que sais tu de la mienne ?
Exposer ses "moignons" en public (c'est une image !), je trouve ça indécent... Affaire de gout sans doute...

Anonyme a dit…

Ok, nous n'avons pas le même goût, pas la même éthique, rien en commun en somme : donc ce dernier message pour te dire - en public - que je ne te répondrai plus. Ciao !

Anonyme a dit…

Conatus ? Restez poli, tout de même ! Vous êtes encore grossier, comme d'habitus !