De la race

Pour les vierges effarouchées qui poussent des cris d’orfraie quand ils entendent le mot « race », voici ce que pouvait en dire Michel Foucault en 1976...

« J’essaierai de montrer tout le développement d’un racisme biologico-social, avec cette idée que l’autre race, au fond, ce n’est pas celle qui est venue d’ailleurs, ce n’est pas celle qui, pour un temps, a triomphé et dominé, mais c’est celle qui, en permanence et sans cesse, s’infiltre dans le corps social, ou plutôt se recrée en permanence dans le tissus social et à partir de lui. Autrement dit : ce que nous voyons comme polarité, comme cassure binaire dans la société, ce n’est pas l’affrontement de deux races extérieures l’une à l’autre ; c’est le dédoublement d’une seule et même race en une sur-race et une sous-race. Ou encore la réapparition, à partir d’une race, de son propre passé. Bref, l’envers et l’en-dessous qui apparaît en elle. Dés lors, on va avoir cette conséquence fondamentale : ce discours de la lutte des races – qui, au moment où il est apparu et a commencé à fonctionner au XVIIe, était essentiellement un instrument de lutte pour des camps décentré – va être recentré et devenir justement le discours du pouvoir, d’un pouvoir centré, centralisé et centralisateur ; le discours d’un combat qui est à mener non pas entre deux races, mais à partir d‘une race donnée comme étant la vraie et la seule, celle qu détient le pouvoir et celle qui est titulaire de la norme, contre ceux qui constituent autant de dangers contre le patrimoine biologique. Et on va avoir à ce moment-là, tous les discours biologico-racistes sur la dégénérescence, mais aussi toutes les institutions également qui, à l’intérieur du corps social, vont faire fonctionner le discours de la lutte des races comme principe d’élimination, de ségrégation et finalement de normalisation de la société. » (Michel Foucault, « Il faut défendre la société »)

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