Nous nous sommes déjà retrouvés là. C’est un rituel. Tous les deux ou trois ans, notre armée monte une expédition sanglante. L’ennemi est toujours plus petit, toujours plus faible ; notre armée est toujours plus grande, technologiquement plus sophistiquée, parée pour une guerre de grande envergure contre une armée de grande envergure. Mais l’Iran fait trop peur et même le Hezbollah, relativement petit, nous a donné du fil à retordre. Cela nous laisse les Palestiniens.
Israël est engagé dans une longue guerre d’annihilation contre la société palestinienne. L’objectif est de détruire la nation palestinienne et de la ramener à des groupements pré-modernes basés sur la tribu, le clan, l’enclave. C’est la dernière phase de la mission coloniale sioniste, culminant dans d’inaccessibles townships, camps, villages, districts, tous devant être séparés par un mur, une clôture et patrouillés par une armée puissante qui, en l’absence d’un véritable objectif militaire, est en fait une force de police suréquipée, avec des F-16, des Apaches, des chars, de l’artillerie, des unités de commando et des moyens de surveillance high-tech à sa disposition.
L’étendue de la cruauté, l’absence de honte et le refus de toute retenue sont frappants, aussi bien en termes anthropologiques qu’historiquement. Le soutien juif apporté dans le monde entier à cette offensive de vandales amène à se demander si nous n’assistons pas à la prise de contrôle du peuple juif par le sionisme.
Mais la vraie question est que depuis 1991 et plus encore depuis les accords d’Oslo en 1993, Israël a joué sur l’idée qu’il négociait vraiment la terre contre la paix, alors que la vérité est toute différente. Israël n’a pas abandonné les territoires, mais les a réduits en cantons et placés sous blocus. La nouvelle stratégie consiste à confiner les Palestiniens : ils n’appartiennent pas à notre espace, ils doivent demeurer hors de vue, à s’entasser dans leurs townships et leurs camps ou à remplir nos prisons. Ce projet a maintenant le soutien de la plus grande partie de la presse israélienne et du milieu académique.
Nous sommes les maîtres. Nous travaillons et nous déplaçons. Eux peuvent gagner de quoi vivre en faisant la police au sein de leur propre peuple. Nous empruntons les autoroutes. Ils doivent vivre au-delà des collines. Les collines sont à nous. Pareil pour les clôtures. Nous contrôlons les routes, et les checkpoints et les frontières. Nous contrôlons leur électricité, leur eau, leur lait, leur huile, leur blé et leur essence. S’ils protestent pacifiquement, on leur lance du gaz lacrymogène. S’ils lancent des pierres, nous tirons des balles. S’ils lancent des roquettes, nous détruisons une maison avec ses habitants. S’ils lancent un missile, nous détruisons familles, quartiers, rues, villes.
Israël ne veut pas d’un Etat palestinien à ses côtés. Il entend le prouver avec des centaines de morts et des milliers de mutilés en une seule ‘opération’. Le message est toujours le même : allez-vous-en ou restez soumis, sous notre dictature militaire. Nous sommes une démocratie ? Nous avons décidé démocratiquement que vous vivriez comme des chiens.
Le 27 décembre, juste avant que les bombes ne commencent à tomber sur Gaza, les partis sionistes, depuis le Meretz jusqu’à Yisrael Beitenou, étaient unanimement favorables à l’attaque. Comme d’habitude – là encore, c’est le rituel – les divergences n’ont surgi qu’à propos de l’envoi de couvertures et de médicaments à Gaza. Notre éditorialiste le plus fervent en faveur de la guerre, Ari Shavit, a suggéré qu’Israël devrait poursuivre l’offensive et construire un hôpital pour les victimes. L’ennemi est blessé, il perd son sang, il est mourant, il appelle désespérément à l’aide. Personne ne viendra à moins qu’Obama ne bouge – oui, nous attendons tous Godot. Peut-être viendra-t-il cette fois.
Yitzhak Laor vit à Tel Aviv. Il est l’éditeur de Mita’am.
(Traduction de l’anglais : Michel Ghys)
Le rituel sanglant
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