Noire présidence

Un président noir, quoi qu’on en dise, compte tenu de l'Histoire des USA et de leur structuration raciale, cela ne veut pas rien dire. Car être un noir américain ce n'est pas une petite particularité, un gimmick parmi d’autres. Le narcissisme des petites différences a ses limites. Tous les immigrants européens successifs, qui, par enchantement, devenaient blancs en se rendant au Etats-unis, le savent. Eux qui automatiquement, par translation, devenaient des citoyens à part entière et se situaient, ne serait-ce que symboliquement, au dessus de n'importe quel noir. Les immigrants d’Europe découvrent très vite qu‘ils ont aux USA, comme un lot consolation fantasmatique, des « bougnoules » qui les attendent : l’ensemble des Noirs. Eux qui, jusqu’ici, étaient les méprisés de leur coin d’Europe, ils se découvrent brusquement européens, avec tous les avantages que cela comporte. C’est pourquoi, chose qui a été mainte fois constatée, la lecture en terme de lutte des classes aux Etats-Unis ne permet pas de rendre compte des réalités sociales, elle ne l’épuise en aucune manière. Ainsi dés les débuts, le mouvement pour l’émancipation raciale et le mouvement pour l’émancipation sociale prirent des voix divergentes, au « lieux de devenir le grand parti unique du travail libre et de la terre libre » (W.E.B. Du Bois), toute l’histoire de la classe ouvrière américaine n’a fait que confirmer ce triste début… Si en restant dans la doxa marxiste, on peut toujours invoquer une volonté tactique du capitalisme d’ethniciser la lutte des classes pour faire éclater les solidarités prolétariennes, en brouillant les signes avant-coureurs d’une conscience de classe par une conscience de race, il faut surtout y voir, une particularité américaine, si classe sociale et catégorie ethnique ne se recoupent pas, cette dernière représente la variante spécifiquement américaine, car comme l’observait Bourdieu : la lutte des classements est une dimension de la lutte des classes.… Un président noir au Etats-Unis aujourd’hui ce n’est pas un signifiant vide, simplement destiné à une opération de marketing global, même si tout cela existe belle et bien. Pour la société américaine, au delà de la question de la préservation de l’Empire, cela a bien un sens, il suffit de savoir lequel…. Au pire. Le symptôme d’un «processus de dislocation» des Etats-unis? Une mutation génétique du capitalisme globalisé? Au mieux. L'émancipation tant attendue des Afro-américains ? La fin de l'hégémonie des WASP ?

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