Qu'est-ce qui a changé depuis trente ans concernant la question palestinienne ?
Pourquoi les palestiniens seraient-ils des « interlocuteurs valables » puisqu'ils n'ont pas de pays ? Pourquoi auraient-ils un pays, puisqu'on leur a ôté ? On ne leur a jamais donné d'autres choix que de se rendre sans condition. On ne leur propose que la mort. Dans la guerre qui les oppose à Israël, les actions d'Israël sont considérées comme des ripostes légitimes (même si elles apparaissent disproportionnées), tandis que celles des palestiniens sont exclusivement traitées de crimes terroristes. Et un mort arabe n'a pas la même mesure ni le même poids qu'un mort israélien.
(…) Pour une « solution finale » du problème palestinien, Israël peut compter sur une complicité presque unanime des autres états, avec des nuances et des restrictions diverses. Les palestiniens, gens sans terre ni Etat, sont des gêneurs pour tout le monde.
(…) Cette population du sud Liban n'a pas cessé depuis plusieurs années de partir et de revenir, en perpétuel exode, sous les coups de force israéliens dont on ne voit pas très bien ce qui les distingue d’actes terroristes. L’escalade actuelle a jeté sur le chemin 200 000 personnes sans abri. L'État d'Israël applique au Sud-Liban la méthode qui a fait ses preuves en Galilée et ailleurs en 1948 : il « Palestine » le Sud-Liban.
Les combattants palestiniens sont issus des réfugiés. Israël ne prétend vaincre les combattants qu’en faisant des milliers d'autres réfugiés, d'où naîtront de nouveaux combattants.
Aujourd'hui, c'est l'État d'Israël qui mène l'expérimentation. Il fixe un modèle de répression qui sera monnayé dans d'autres pays, adapté à d'autres pays. (…) Israël a toujours considéré que les résolutions de l'ONU qui le condamnait verbalement lui donnaient en fait raison. L'invitation à quitter les territoires occupés, il la transformait en devoir d'y installer des colonies. Actuellement il considère que l'envoi de la force internationale au Sud-Liban est excellent... à condition que celle-ci se charge à sa place de transformer la région en une zone de police ou en désert contrôlé.
Gilles Deleuze (Le Monde, 7 avril 1978)
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