« Le problème du XXe siècle est le problème de la ligne de partage des couleurs - de la relation entre les races d'hommes plus sombres et des races d'hommes plus claires, en Asie, en Afrique, en Amérique...» (W.E.B. Du Bois)
Depuis quelques semaines s’aggrave considérablement aux USA la question du racisme liée à la candidature de Barack Obama (l’hostilité d’une partie de l’électorat blanc contre Obama parce qu’il est Africain-Américain, – ou moitié Africain-Américain, mais cette particularité n’a pas l’air d’avoir le moindre effet). Et ce malgré un fort beau discours fait par Obama le 18 avril sur cette question retransmis en direct par toutes les chaînes d’information américaines. Le Sunday Times d’hier rapporte une interview d’un des leaders noirs au Congrès, James Clyburn, qui est un des chefs de la majorité démocrate de la Chambre.
Clyburn est très inquiet, d’une part des intentions affichées par certains de faire pression, voire forcer Obama à se retirer à cause de cette hostilité des électeurs blancs, d’autre part des conséquences au niveau des électeurs noirs (traditionnellement démocrates), de l’unité du parti démocrate, et, d’une façon générale, de la situation des rapports inter-raciaux aux USA. Clyburn, qui n’a pourtant pas pris partie pour l’un ou l’autre candidat, attaque notamment avec force le comportement d’Hillary Clinton qui cherche une élimination d’Obama par des manoeuvres auprès des “super-délégués”.
Dans trois grands Etats, essentiels pour l’élection, on trouve des sondages impressionnants pour les intentions de vote. En Floride, 27% des électeurs disent qu’ils refuseraient de voter pour un Noir, 20% dans l’Ohio et 19% en Pennsylvanie. En plus existe le fameux phénomène de la différence de comportement entre les réponses aux sondages sur une question aussi “politically correct” et le comportement dans l’isoloir...
La question est ici envisagée du point de vue du parti démocrate et essentiellement pour ses conséquences électorales. Elle commence à prendre des allures si graves qu’elle semble désormais avoir le potentiel de largement dépasser ce cadre pour éventuellement redevenir une des crises centrales aux USA, comme elle l’avait été dans les années 1950 et 1960. «Some equate this to telling black people to get to the back of the bus, as they did during the years of segregation» a pu dire James Clyburn, ce qui montre que l’état d’esprit est assez exacerbé sur cette question, et avec du temps pour une aggravation dans ce sens, pour susciter une évolution vers un climat de crise nationale. Ce serait bien entendu un résultat en apparence paradoxal de la candidature Obama que de faire renaître une crise des tensions raciales aux USA. “En apparence”, disons-nous, parce qu’il nous a toujours semblé que l’“intégration” des Noirs dans les années 1960 avait été essentiellement formel, juridique, etc., jusque dans la politique des “quotas”, mais qu’il n’avait pas vraiment modifié le coeur du problème. Il est possible que les USA nous en fassent, les mois prochains, la démonstration en grandeur réelle, ajoutant une crise de plus dans une situation qui n’en demandait pas tant.
Inutile d’ajouter que cette affaire contribue et contribuera de plus en plus à ajouter au ternissement de l’image des USA à l’étranger. Les derniers partisans de l’“American Dream”, surtout chez les intellectuels libéraux européens, arguent qu’au moins dans le domaine racial, les USA ont résolu leur problème d’une façon exemplaire. Tout cela pourrait bien être bientôt dit au passé.
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