Roma caput mundi...

«Néo», «post», «crypto»... Pour ceux qui font semblant de ne pas le voir, voici encore une manifestation éloquente du « devenir européen » qui s'annonce. Il s'exprime aujourd'hui, entre autres, par un poujadisme crasse et un europécentrisme maladif... Ce devenir, comme on le sait, n'a apporté que de la joie et du bonheur à l'humanité du XXe siècle. Ave Berlusconi !

L'arrivée de Gianni Alemanno au Campidoglio, la mairie de Rome, constitue une première dans l'histoire de la République italienne. Ce n'est certes pas la première fois que le plus haut magistrat de la Ville éternelle appartient à la droite. Il a fallu attendre 1993 et l'élection de Francesco Rutelli, le candidat malheureux de cette année, pour que la gauche l'emporte sur la Démocratie chrétienne. Mais, depuis la chute de Mussolini, en 1943, les maires de Rome venaient tous de ce qu'il était convenu d'appeler l'"arc constitutionnel", c'est-à-dire les partis ayant participé à la Résistance et à la fondation, en 1946, de la République. L'éventail allait des démocrates-chrétiens aux libéraux, aux socialistes et aux communistes.

M. Alemanno n'appartient pas à cette famille. C'est un ancien dirigeant des jeunesses du Mouvement social italien (néofasciste), qui, pendant des années, a rassemblé les nostalgiques du Duce et leurs héritiers. Sans doute, le nouveau maire de Rome a suivi son chef, Gianfranco Fini, dans sa marche vers la respectabilité républicaine, qui l'a fait passer de la vénération des emblèmes mussoliniens à un poste ministériel. Il doit sa victoire moins à ses anciennes convictions idéologiques qu'à la faible mobilisation de la gauche, sonnée par sa défaite aux récentes élections législatives.

Une tradition n'en est pas moins rompue au moment même où, le 25 avril, l'Italie célébrait, comme chaque année, sa Libération. Et, comme chaque année, cette fête a donné lieu à des polémiques entre une gauche qui a du mal à se défaire des mythes de la Résistance et une droite berlusconienne qui, acharnée à dénigrer la gauche et à saper la légitimité historique de celle-ci, va jusqu'à réhabiliter les "enfants égarés" du postfascisme.

Avec le retour de Silvio Berlusconi au pouvoir, l'élection à la mairie de Rome d'un ancien néofasciste et l'apparition au Parlement de deux partis qui prétendent dépasser le traditionnel clivage gauche-droite, une période de l'histoire italienne se clôt vraiment. Celle où, par-delà les rivalités partisanes, l'antifascisme était le ciment de la société politique. Soixante-cinq ans après la chute de Mussolini, c'est inévitable et, peut-être, souhaitable, à condition que l'absence de conscience historique ne se substitue pas au mythe.

Le Monde

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