« Dans ce monde transi par la peur, les gros bandits bombardent sans pitié des pays exsangues. Les bandits intermédiaires pratiquent l'assassinat ciblé de ceux qui les gênent. Les tout petits bandits font des lois contre les foulards.» (Badiou)
On le sait la laïcité, dont on nous dit qu’elle travaille à la séparation des églises et de l'État, mais jamais au profit de qui, a des rapports plus qu’ambigus avec l’ instance du « monopole de la violence légitime», l'État. Elle est à la fois l’émanation directe de celui-ci et le bras armé de sa violence symbolique. Ce n’est pas pour rien qu’elle est née dans la France « Jacobine ». Ce n’est pas pour rien, non plus, si son combat le plus fondamental fut celui de la maîtrise de l’enseignement par l'État, sachant que l’école est l’ « appareil idéologique d’état » par excellence. Cette idéologie s’est forgée souterrainement depuis le XVIIIème siècle, puis s’est manifestée avec une extrême violence, à partir de 1880, lorsque les républicains ont eu le champ libre, contre une Eglise catholique dont les comportements hégémoniques, qui s’exerçaient depuis des siècles sur les consciences et les institutions, ont été violemment pris à parti et définitivement abolis. D’une certaine manière, l’Eglise n’avait que ce qu’elle méritait, mais, d’un autre côté, un tel contexte historique faussait tout dès le point de départ. On allait simplement changer de cultes et une nouvelle race de bigots allait remplacer l’ancienne. Jules Ferry-Tonkin (ce contempteur de la « Commune de Paris » et thuriféraire de la colonisation!), Paul Bert et Jean Macé, animés d’une ardeur passionnelle et militante, allaient corrompre l’enseignement public en l’imprégnant de leur morale et de leur religion agnostiques. Sous couvert d’objectivité et d’impartialité, bien sûr. L’amusant, c’est que cette idéologie prend ses origines – là réside son impensé- chez le pape Gélase Ier (au V ème siècle) et sa doctrine des deux glaives qui visait à séparer le pouvoir temporel et l’autorité spirituelle… La biographie d’un de ses représentants les plus éminents et les plus virulents, Emile Combes, est à ce sujet éloquente, puisque ce laïque de choc fut un ancien séminariste docteur en théologie ! On se souviendra également de « l’Eglise positiviste » et d’ Auguste Comte son pape. Religiosité non assumée qui faisait dire à Nietzsche que nos braves laïques, et leur « libre pensée » de façade, étaient des « curetons défroqués », l'intelligence des mythes et la magnificence des rites en moins (1) ! La grille de lecture de cette idéologie d’Etat, de cet enfant naturel d’un Pape et d’une « République », d’une pauvreté à toutes épreuves, la rend aveugle au « socio-économique », au culturel dans son sens large, à l’exception du religieux, sur lequel elle n’a de cesse de rabattre tous ce qui existe et qu’elle monte volontairement en épingle, c’est son meilleur ennemi, elle en a absolument besoin. Si il n’existait pas, elle n’aurait aucune raison d’exister, elle-même. Le malheur de cette laïcité, qui est une religion civile calquée sur le christianisme, mais sans la capacité de religio, c'est que sa « transcendance » n'est que d’empreint et sa spiritualité n'existe que par procuration. Elle est une idéologie stato-centrée, « réactive », dogmatique et bancale - il faut avoir assister au triste spectacle d’une funérailles laïque, pour comprendre le mot de Pascal : « Misère de l’homme sans Dieu »! Par ailleurs, cette laïcité n’a de cesse de se revendiquer de la démocratie et « des droits de l‘homme », alors qu’il existe de multiples exemples pour nous prouver tout le contraire, dont beaucoup se situent, de la Tunisie à la Turquie, dans le monde arabo-musulman. Pourtant l’ « Islamisme », terme particulièrement équivoque, n’est pas né par génération spontanée ! Ainsi quand elle se déploie hors d'Europe, cette idéologie montre son occidentalisme sous-jacent et sa hiérarchie des valeurs : sa conception de l'individu, sa rhétoriques de la liberté, son rapport au régime d'accumulation flexible (elle s'accorde parfaitement avec un certain capitalisme dont elle espère devenir le supplément d'âme), sa volonté de puissance dominatrice (elle légitime pour le mieux les entreprises coloniales, en étant leur idéologie de combat notamment)... L'étonnant c'est que la Raison, ce veau d'or de la laïcité, telle un inatteignable objet du désir, a pourtant été déconstruite tout le long du XXème siècle (Nietzsche, Freud, Max Weber, Ecole de Frankfort, Foucault…), mais l’ Être Suprême n’a de cesse de renaître de ses cendres, sous les atours les plus inattendus... En Belgique, cette réincarnation a pris la forme grotesque d’une vestale de la laïcité républico-belgicaine, rejeton d'un Monsieur Homais et d'une Madame Bovary postmodernes, auquel on doit ce mot aussi magnifique que prudhommesque : « l'espace public n'est pas la rue » (sic)
(1) « Rien n'est resté plus loin de moi jusqu'à ce jour que l'engeance libre penseuse d'Europe et d'Amérique. Têtes creuses incorrigibles, polichinelles de l'idée moderne..., je suis mille fois plus brouillé avec eux qu'avec aucun de leurs adversaires. Ne veulent-ils pas, eux aussi, « améliorer » l'humanité ? L' « améliorer » à leur image ! Ils déclareraient une guerre à mort à ce que je suis, à ce que je veux, s'ils étaient capables de le comprendre, - ils en sont tous à croire encore à l' idéal ... » (Ecce Homo) Ou bien encore « On appelle esprit libre celui qui pense autrement qu'on ne s'y attend de sa part en raison de son origine, de son milieu, de son état et de sa fonction, ou en raison des opinions régnantes de son temps. Il est l'exception, les esprits asservis sont la règle. Ce que ceux-ci lui reprochent, c'est que ses libres principes, ou bien ont leur source dans le désir de surprendre ou bien permettent de conclure à des actes libres, c'est-à-dire de ceux qui sont inconciliables avec la morale asservie.» (Humain, trop humain)
Laïcité, une généalogie...
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3 commentaires:
Du bon usage de la laïcité
sous la direction de Marc Jacquemain et Nadine Rosa-Rosso*
Depuis quelques années, une frange de la mouvance laïque, qui se baptise elle-même « laïcité de combat », développe un prosélytisme anti-religieux qui vise essentiellement l’islam et, très accessoirement, les autres religions. Cela nous paraît un très mauvais combat pour la laïcité.
Contre cette dérive, treize intellectuels** ont rassemblé leurs réflexions pour défendre, chacun à sa manière, et à partir de sa conviction propre, une autre façon de concevoir la laïcité : positive et démocratique, sans concession ni fadeur. La laïcité ici présentée organise, dans le respect des lois de notre pays, la cohabitation pacifique des conceptions religieuses et philosophiques. Elle n’est pas l’organisation du combat contre les religions. Elle ne peut servir de prétexte pour justifier la discrimination à l’égard de quelque citoyen(ne) que ce soit. La laïcité doit être intransigeante sur le principe mais ne peut se faire croisade sans se renier elle-même.
Mais y a-t-il seulement un bon usage de la laïcité ? Il suffit de fréquenter cette engeance pour s'en convaincre....
au moins la laicité à la mérite de tenir à l'écart le "pouvoir" de tout ces imbéciles qui voudraient nous dire ce que réserve la vie après la mort, et comment nous devons notre vie entière se comporter dans l'attente de ce possible, mais pas assuré, "après"...
Dieu, peut être! Allah peut être! Jehovah peut être! sauf que pas sur du tout, donc vaut mieux calmer à l'avance tout ces excités potentiels...
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