De quelques spécificités belges quant aux rapports à la "négritude"

"Le club de football du FC Brussels a été averti ce vendredi matin que son contrat le liant avec son sponsor principal, le constructeur automobile Kia, était dénoncé en raison des propos racistes tenus cette semaine par le président du club Johan Vermeersch envers son joueur congolais Zola Matumona. " ( Le Soir)

En Belgique métropolitaine, contrairement aux autres Empires coloniaux, il n’y a pas eu de contact entre la population belge et les indigènes congolais durant toute l’époque coloniale. Puisque, d’une part, les autorités censuraient, filtraient systématiquement toutes informations en provenance des colonies ; et d’autre part, l' accès au territoire belge était interdit au indigènes dans la pratique.

Dans "Zoos Humains. Au temps des exhibitions humaines" (1), les auteurs montrent que les exhibitions étaient conçues pour un public de masse et permettaient aux classes populaires, elles mêmes à peine cultivées, d’acquérir un sentiment de supériorité légitimant la nécessité de la mission civilisatrice de leur pays. Moyen de propagande efficace, les exhibitions humaines permettaient donc aux gouvernements de s’assurer le soutien de leur opinion publique respective. Toutefois à la différence des autres puissances coloniales, ses expériences ne furent pas prolongées. Elles furent interrompues en 1897, suite à un scandale provoqué par le décès de sept congolais, aujourd'hui enterrés à Tervuren. Depuis lors la propagande coloniale belge se limita à la diffusion d’images, d'affiches, de livres et films. Il fallut attendre l’exposition universelle de Bruxelles en 1958 pour revoir des êtres humains exhibés. Cette mise à distance scénarisée avait l'avantage d'éviter tous contacts directs et tous risques de sympathie ou d'empathie envers ses derniers.
Par ailleurs, la Belgique, durant les deux guerres, contrairement à la France, n’a pas puisé dans dans le capital humain que lui permettait sa colonie . Ainsi les troupes coloniales belges ont uniquement combattu sur les fronts du continent africain. Aussi dans l'imaginaire collectif belge, il n'y eut pas de "tirailleurs congolais", tout à la fois héros et martyrs, venus défendre la mère patrie en danger. Il faut également noter que la politique d’éducation des missionnaires visait à ne pas former d' intellectuels. Mais plutôt des prêtres, des petits fonctionnaires (postiers...). Ainsi qu' à développer l’enseignement technique et spécialisé. Ceci avait pour fonction d’éviter les risques de révolte contre le pouvoir colonial en place. Et si l'on ne forme pas d’intellectuels, on ne risque pas de les accueillir dans des universités de la métrople. Ainsi, il n’y eu en Belgique qu’une poignée d’individus admis dans les universités dans les années 50 alors que Paris, àa même époque, accueillait un nombre important d’étudiants africains, antillais, réunionnais et guyanais.

Et enfin, après guerre, à l'inverse des autres empires coloniaux, la Belgique ne fit pas appel aux travailleurs de ces anciennes colonies d'Afrique Centrale, mais plutôt à une main d'oeuvre issue des pays méditeranéens.(2) Soulignons également le caractère discret et très peu public des débats concernant la décolonisation. Il a fallu vingt ans pour que de tels débats soient posés en place publique. Cela s’explique notamment par le fait que les hégémonies actives au temps colonial, à savoir la trinité suivante : Eglise, Etat, Grandes sociétés - sans oublier la Couronne -, ont longtemps pesé de tout leur poids pour décourager toute critique. (3) Par ailleurs, l'indépendance, comme souvent, n’a pas été acceptée sans frustrations et ressentiments de part et d'autre, d'autant plus que des relations ambiguës s'étaient nouées entre le pouvoir belge et la dictature de Mobutu.
Cela ne serait que débat d'historien, si le "passé-présent colonial" ne demeurait pas occulté sous de faux masques et actif aujourd'hui plus que jamais....

(1) Bancel Nicolas, Blanchard Pascal, Bortsch Gilles, Deroo Eric, Lemaire Sandrine, Zoos Humains, Paris, Ed La Découverte, 2004. (2) Kagne Bonaventure, « Africains de Belgique, de l’indigène à l’immigré », in Hommes et migrations, n°1228, Novembre/Décembre 2000, pp. 63-64. (3) De Moor Françoise, Jacquemin Jean-Pierre, Notre Congo/Onze Kongo, La propagande coloniale belge : fragments pour une étude critique, Bruxelles, CEC, 2000, p. 6.

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