« Frantz Fanon et les langages décoloniaux » (résumé de la thèse)

L’enjeu de cette thèse est de dresser un portrait théorique en situation du psychiatre martiniquais et théoricien des décolonisations Frantz Fanon, ceci en tâchant de se porter au-delà du conflit des interprétations qui oppose, d’une part, le « Fanon anticolonial », célébré - à travers de multiples biographies - en tant que révolutionnaire, homme d’action, mais ce souvent au détriment de l’homme de pensée et, d’autre part, le « Fanon postcolonial », érigé en théoricien de premier ordre, mais ce régulièrement au prix de décontextualisations et déshistoricisations qui tendent à gommer la singularité de son intervention théorique et politique.

Dépasser ce conflit engage de déceler chez Fanon les commencements du ou plutôt d’un postcolonialisme au sein même de l’anticolonialisme, tâche qui s’inscrit dans le projet d’une généalogie de la critique postcoloniale ou encore d’une histoire des discours de décolonisation – contre tout clivage de l’ « avant » et de l’ « après » des indépendances.


 Il s’agit alors d’interpréter les langages décoloniaux déployés par Fanon en tant que produits d’une pratique de déplacement épistémique, qui est à la fois de rupture et de reprise, de décentrement et de re-situation - au-delà de toute négation - des théories nées en « Occident », mais ce, à la différence de maintes interprétations postcoloniales, en prenant appui sur l’archive intellectuelle effective du psychiatre martiniquais.

 Que deviennent, dès lors qu’elles sont reprises « hors » de l’Europe et contre les pouvoirs coloniaux, la critique psychanalytique « intra-européenne » de la civilisation, la phénoménologie hégélienne, les théories biologiques de la lutte pour l’existence, l’anthropologie politique et les théories de l’état de nature, les conceptualisations philosophiques et politiques de la violence, la doctrine médicale/psychiatrique ou encore les philosophies de la vie, etc. ?

Le dévoilement des méthodes fanoniennes de déplacement, qui s’inscrivent dans un postcolonialisme de guerre unique en son genre, autorise alors une reformulation du problème de la décolonisation des savoirs, en d’autres termes celui des politiques de connaissance, des lieux et perspectives du discours en situation postcoloniale

Matthieu Renault

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