Incontestablement, la symbolique des images a été la plus étonnante : les tours jumelles du World Trade Center qui semblent se suicider, annonçant la fin d'un Empire tombant au main des barbares ; et, en Afghanistan, les avions les plus sophistiqués qui traquent au laser les guerriers les plus archaïques de l’humanité dans un décor digne de l'âge de la pierre.
L'empire dans le ciel, les barbares dans des cavernes. L'empire incarné par des militaires élégants et des civils en complet et cravate ; les barbares pieds nus ou en sandales, la tête enturbannée et aux barbes abondantes, sortant en droite ligne des images patriarcales des empires antiques ou bibliques que l'on croyait à jamais disparus. On pourrait multiplier à loisir la symbolique des images que les événements ont produites depuis le 11 septembre ; elles font se joindre les images de jeux vidéos ou de film de science fiction avec les images d'un western biblique...
Mais plutôt que de tenter de calmer les fièvres et les peurs cachées au fond de nous-mêmes et qui sont alimentées depuis longtemps par des littératures diverses savantes ou frivoles. De l’œuvre académique et respectée sur l'islam ou les Arabes au roman policier ou d'espionnage à fort relent raciste, en passant par l'enquête minutieuse de terrain sur les réseaux de la terreur et leurs idéologies, et à toute les couvertures spectaculaires de grands hebdomadaires francophones ou anglophones sur la terreur et l’islam, nous nous sommes créé un abondant matériel pour alimenter nos peurs et nos phobies.
Nous et les autres ; la « barbarie » qui menace la « civilisation » ; les « fous de dieu », les martyrs assassins de civils innocents... quels que soient les efforts des hommes de bonne volonté pour garder la tête froide, résister à la tentation du racisme et du préjugé, le 11 septembre est une date historique, un repère singulier dans une fracture ancienne, archétypale, celle entre nous les « civilisés » et eux les « barbares ».
Nous la traînons depuis les Grecs sous sa forme laïque et depuis la Bible sous sa forme sacrée, celle du peuple de Dieu en lutte contre les peuples qui s’obstinent à reste dans les ténèbres...»
[Georges Corm, Orient-Occident, la fracture imaginaire]
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