Les Antilles comme métaphore
« On débat par exemple aux Antilles de la légitimité de la « possession » de la terre. Selon les lois mystérieuses de la racine (de la filiation), les seuls possesseurs de l’archipel seraient les Caraïbes ou leurs prédécesseurs, qui ont été exterminés. La force contraignante du sacré porte toujours à rechercher qu’elles étaient les premiers occupants d’un territoire… Ainsi pour les terres caribéennes : les Caraïbes et les Arawaks, ou d’autres populations plus anciennes et par conséquent plus légitimes et « déterminantes » ? Cette vaine recherche a été annulée déjà dans le massacre des Indiens, qui a déraciné le sacré. A partir de quoi la terre antillaise ne pouvait devenir territoire mais bien terre rhizomée. Oui, la terre martiniquaise n’appartient en absolu raciné ni aux descendants des Africains déportés, ni aux Békés, ni aux Hindous ni aux mulâtres. Mais ce qui était une conséquence de l’expansion européenne (l’extermination des Précolombiens, l’importation des populations nouvelles) est cela même qui fonde un nouveau rapport à la terre : non pas l’absolu sacralisé d’une possession ontologique, mais la complicité relationnelle. Ceux qui ont souffert la contrainte de la terre, qui s’en sont méfiés peut-être, qui ont tenté peut-être de la fuir pour oublier leur esclavage, ont commencé aussi d’entretenir avec elle ces liens nouveaux, où l’intolérance sacrée de la racine, avec son exclusive sectaire, n’avait plus part … » (Edouard Glissant, « Poétique de la relation »)
Publié par Le Bougnoulosophe à 4/07/2011
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