Une « vague d’antisémitisme en France » ? Pourquoi la dénonciation de cette « vague » a-t-elle commencé en 2002, quand a été lancée la guerre contre l’axe du Mal, en Afghanistan, en Irak, en Palestine ? Qu’en est-il de l’antisémitisme en France aujourd’hui ? Est-il, comme le soutiennent certains, la tache qui stigmatise la jeunesse arabe des quartiers populaires ? Et ceux qui mènent la campagne contre « la vague », qui sont-ils, d’où viennent-ils, quelle est leur rhétorique, quels intérêts défendent-ils (*) ? Pourquoi s’en prennent-ils si violemment aux « mauvais juifs », aux « juifs de négation », victimes de la « haine de soi » ? Comment se fait-il que la traque de « l’antisémitisme » soit infiniment plus virulente en France qu’en Israël et même qu’en Allemagne ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles ont réfléchi Alain Badiou et Eric Hazan. Leurs réponses sont une attaque frontale contre l’hypocrisie et la mauvaise foi qui règnent dans cette affaire.
« La morale de cette histoire est que la construction et l’usage du terme « antisémite » composent aujourd’hui une variante de « l’exception française », une des formes que prend cette « exception » quand elle confère sa singularité à une donnée très tenace de notre histoire : l’existence opiniâtre, surtout depuis notre Grande Révolution, d’une puissante réaction politique et intellectuelle. »
Alain Badiou
Alain Badiou est né en 1937 à Rabat (Maroc). Philosophe, mais aussi romancier et dramaturge, Alain Badiou cherche dans la pensée et dans l’art d’écrire tout ce qui est compatible avec une politique égalitaire. On citera, en philosophie, Logique des mondes (Seuil, 2006) ; pour le roman, Calme bloc ici-bas (POL, 1997) ; pour le théâtre, Ahmed le subtil (Actes Sud, 1993) ; pour les essais politiques, Le Siècle (Seuil, 2004).
Eric Hazan
Eric Hazan est né à Paris en 1936. Pendant plus de vingt-cinq ans, il est chirurgien hospitalier, puis en 1983, il reprend les éditions Hazan, la maison paternelle spécialisée dans la publication de livres d’art. En 1998, il fonde avec un groupe d’ami-e-s La fabrique éditions, avec le projet de faire entendre une petite voix discordante dans le consensus politico-intellectuel ambiant. Il est également l’auteur de L’Invention de Paris, il n’y a pas de pas perdus (Le Seuil, 2002), Chroniques de la guerre civile (La fabrique, 2004), Changement de propriétaire. La guerre civile continue (Le Seuil, 2007).
A écouter : Là-bas si j'y suis
*« Hormis l’hypothétique désir de défendre les juifs, on peut s’interroger sur les raisons qui poussent certains intellectuels à user de la très grave accusation « vous êtes un antisémite » comme stigmatisation passe-partout. Ces raisons sont diverses, mais on peut en dégager le fond commun : soutien à l’ordre existant, collusion avec le pouvoir en place, anticommunisme historique, conviction que l’armée américaine est le dernier rempart des « libertés », défense de l’État d’Israël, sans compter un bien compréhensible souci d’autopromotion. N’oublions pas que parmi ceux qui ont été maos dans leur prime jeunesse, certains pensaient réellement qu’ils allaient prendre le pouvoir. C’est quand ils se sont aperçus que les choses étaient un peu plus compliquées, qu’elles allaient durer beaucoup plus longtemps et qu’elles demandaient un âpre et obscur travail dans les usines et les quartiers, qu’ils ont viré de bord et organisé, sous le nom d’antitotalitarisme, la nouvelle idéologie réactive. Rien de plus « nouveau », dans certaines circonstances, qu’un recyclage de l’ancien : les arguments des « nouveaux philosophes » n’étaient qu’une reprise des arguments anticommunistes des années cinquante. Nos ex-maos ont ainsi mis en scène l’idée que la contradiction n’était plus entre prolétariat et bourgeoisie, ou entre socialisme et impérialisme, mais entre démocratie et totalitarisme, soit, pour s’en tenir au vocabulaire de leurs maîtres américains, entre « dictature communiste » et « monde libre ». Bon calcul après tout : ce virage leur a rapporté beaucoup plus que leur maoïsme antérieur.»
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3 commentaires:
Au début du livre, les auteurs citent Roger Cukiermann, qui « déclare à Haaretz (23 février 2002) que le résultat de Le Pen « servira à réduire l’antisémitisme musulman et le comportement anti-israélien, parce que son score est un message aux musulmans leur indiquant de se tenir tranquilles. » »
Il est clair que le racisme anti-musulmans joue à plein dans les accusations d’antisémitisme, et cela dit bien le peu de cas que ceux qui lancent ses accusations font des juifs. Il ne s’agit pas de stratégies de défense paranoïaques de mecs se sentant attaqués en tant que juif. Cette scène intellectuelle qu’ils construisent relève, comme le disait Ivan Segré dans La réaction philosémite (auquel ce livre renvoie, d’ailleurs), d’une réactualisation du thème de la défense de l’Occident :
« Ajoutons que le « Juif » acquiert aujourd’hui dans ce processus idéologique une place toute particulière, et « nouvelle », qui, selon nous, tient à la raison suivante : l’antisémitisme nazi ayant historiquement disqualifié, dans la conscience démocratique contemporaine, le processus idéologique visant à substituer une question ethno-culturelle à une question de société, la lutte contre le « nouvel antisémitisme » a permis de le réinscrire dans le cadre de la légitimité politique et universitaire puisque, dès lors, il se présente au nom des Juifs et, qui plus est, sous un mot d’ordre « bien français », la lutte contre l’antisémitisme justifiant dorénavant une reconquête des Territoires perdus de la République. »
Si encore ils croyaient en leurs accusations... Kouchner, chez Ardisson, au moment de la sortie du livre de Péan, disait avec un sourire en coin, si je me souviens, « faut bien qu’être juif ça serve de temps en temps ». Ces mecs n’ont aucune dignité... Et avec ça, Scheidermann (http://www.dailymotion.com/video/x8abap_pierre-pean-vs-kouchner-arret-sur-i_news) qui s’y mettait aussi... quelle tristesse. « La seule réaction efficace, c’est l’attaque » !!
Le bouquin de Segré, comme beaucoup d'autres, est boycotté par les "médias, c'est à dire les intellectuels de la droite nationalistes-furestistes (F. Furet)ou les sionistes prétendument de gauche.
Quand Zemmour hurle à la censure : il faut se marrer.
La manière de censurer un livre est simple : ne pas en parler et le faire vendre très cher. C'est la façon de faire dans "nos pays".
CF également
"Les intellectuels contre la gauche
Scott Christopherson
(bouquin hélas, assez cher comme de juste)
La crise aigue d'hyper-nationalisme
dont souffrent les Finkielkraut, É. Lévy et Zemmour correspond bien à la stratégie annoncée par la phrase citée par le précédent commentateur.
Israel est idéologiquement dans un pétrin catastrophique.
Les intellectuels qui ont "fait" le sionisme étaient pour la plupart des athées, épris chez eux de cosmopolitisme.
Or, il y a à présent en Israel des centaines de yeshiva et environ un demi-million de fous de dieu.
La question pour ces gens est de justifier l'idée d'un État purement juif.
C'est ce qui explique que soudainement, Finkielkraut, Zemmour se soient mis à adorer la France blanche et chrétienne, et que les sionistes français, de droite et de gauche, se soient mis à fricoter avec les partis d'extrême-droite.
Il ne faut pas chercher midi à 14 heures la cause de ce revirement qui semble tenir du "miracle". C'est une stratégie, totalement cynique, décidée en haut lieu, en Israel et dans les milieux "diplomatiques".
Finkielkraut avait émis, il y a quelques années, l'idée qu'on en voulait à Israel parce que c'était un État "ethniquement pur".
Ces gens-là ont beau s'échiner à contester la comparaison avec l'apartheid, ils n'y parviendront pas.
Les liens entre Israel et l'Afrique du Sud sont là pour prouver que la tradition nationaliste et coloniale est bien ancrée parmi les sionistes.
Les deux seuls pays où Israel est défendu becs et ongles par la caste des intellectuels du pouvoir sont la France et les États-Unis.
Dans bien des pays, les populations savent que ceux qui encadrent les agents et les appareils de la répression chez eux sont très souvent des Israéliens et des Américains.
Lire également l'excellent Domenico Losurdo
"Le révisionnisme en histoire"
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