Nakba !

« Les deux récits, israélien et palestino-arabe, portèrent d'emblée et inévitablement sur deux séquences fort différentes : l'extermination - la Shoah- et la réhabilitation par l'Etat dans le récit israelien ; l'usurpation par l'Etat et l'expulsion - la Nakba- dans le récit palestinien et arabe.

Peu de gens savent que le terme arabe nakba*, qui a acquis droit de cité dans les langues occidentales depuis quelques années, est un des équivalents possibles de Shoah en langue arabe, l’autre étant kâritha aujourd’hui utilisé pour traduire shoah en arabe de manière distincte de la traduction de Holocauste, mahraqa. Nakba signifie, en effet « catastrophe douloureuse ». Le terme a été utilisé dés 1948 dans le monde arabe pour décrire la fondation de l’Etat d’Israël et ses conséquences : la première guerre israelo-arabe, la défaite des armées arabes, l’exode massif des Palestiniens des territoires tombés sous le contrôle du nouvel Etat et le refus par ce même Etat d’accorder la permission de retrouver leurs habitations et leurs terres après la fin des hostilités.

Une des illustrations les plus éloquentes du caractère tragique du conflit du Moyen-Orient est qu’un Etat créé afin de donner refuge aux juifs persécutés, et dont la plus forte raison d’être invoquée au moment de sa fondation fut l’accueil des rescapés de la Shoah, ce même Etat résolut le problème des survivants juifs d’Europe, réduits au sort de réfugiés ou de « personnes déplacées », en créant le problème des réfugiés Palestiniens. La « loi du retour », en vertu de laquelle toute personne reconnue comme juive a le droit de s’installer en Israël et d’en acquérir la citoyenneté, devint la pierre angulaire de la légitimité du nouvel Etat, qui dénia en même temps aux réfugiés palestiniens le « droit au retour » qu’ils n’ont cessé de réclamer depuis lors.

La symétrie des expressions et appellations - Shoah/Naqba, « personnes déplacées » / « réfugiés », «loi du retour »/ « droit au retour »…et l’on pourrait allonger la liste – est troublante, même si il n’y a pas identité symétrique des situations. Elle est une illustration frappante de la complexité du dossier et une explication des passions qu’il suscite – au point où d’aucuns ont même accusé les Palestiniens d’imiter Israël. Une accusation qui n’est pas sans rappeler ce que le poète palestinien Mahmoud Darwish rétorquait à la poétesse israélienne Helit Yeshurun qui l’interviewait en 1996 : « Vous (les Israéliens) êtes jaloux de quiconque est reconnu par le monde comme une victime. C’est un monopole israélien »… ». (Gilbert Achcar )

* Savez-vous qu’il n’existe pas de pages wikipédia francophones consacrées à la Nakba!

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