Les Panthères Noires Israéliennes

Les Panthères Noires Israéliennes (en hébreu: הפנתרים השחורים, HaPanterim HaSh'horim) est un mouvement de protestation sociale contre le traitement des Juifs mizrahim (orientaux), fondé par Reuven Abergel, originaire du Maroc et de Saadia Marciano issu de la deuxième génération des olim (immigrants juifs), sur le modèle du groupe afro-américain des Black Panthers. Le mouvement débuta en 1971 à Mosrara, à côté de Jérusalem, en se défendant contre le racisme et la discrimination continuelle conduits par les autorités israéliennes envers les Juifs Mizrahi (orientaux). Cette révolte se fit tout en faisant le lien avec l’oppression des Palestiniens, Reuven Abergel se présente (encore aujourd’hui) comme un militant anticolonialiste et antisioniste. Pour ceux qui en doutaient, il existe bel et bien une hiérarchie implicite dans la société israélienne : au dessus de l’échelle sociale, il y a l'Establishment ashkénaze*, ensuite viennent les olim originaires d'Union soviétique et enfin viennent les Mizrahi (et les Falachas) ainsi que les Palestiniens.

* Encore en 1983, le journaliste Amnon Danker écrivait dans Haaretz qu’il se sent enfermé dans le pays avec les misrahim comme « dans une cage avec un babouin hystérique »!


Dans les années 1950-1960, en réaction à l’hégémonie ashkénase, des mouvements de protestation et de résistance orientaux émergent en Israël. Le plus célèbre fut celui des Panthères noires d’Israël, composé essentiellement de jeunes maghrébins juifs issus des quartiers et des cités populaires de Jérusalem. D’abord réprimées par les autorités israéliennes, puis récupérées par des groupes d’extrême gauche ou le parti communiste, et finalement écartées de la société israélienne, les Panthères noire - malgré leur brève existence - demeurent une référence pour les jeunes orientaux.

Il faut attendre les années 1980 pour voir apparaître en même temps que le Shas (parti religieux des Juifs orientaux) une critique intellectuelle laïque chez les Orientaux. Le titre de l’article d’Ella Shohat, « Le sionisme vu par ses victimes juives », en résume la teneur. Écrit en 1988, il fut publié pour la première fois en ouverture du numéro spécial de Social Text consacré au débat colonial. Traduit ici pour la première fois en français, il est considéré comme un texte fondateur et reste une référence pour toute une génération d’intellectuels qui analysent le sionisme comme une idéologie européenne à caractère orientaliste et colonial, orchestrant l’acculturation, la sécularisation et la destruction des références identitaires des Arabes juifs. Les intellectuels de cette mouvance, tout en insistant sur le désastre social et culturel que fut la « sionisation » des Arabes juifs, pensent leur propre histoire en rapport avec les autres victimes du sionisme, les Palestiniens.

« Jusqu’à présent, le discours critique alternatif sur Israël et le sionisme s’est essentiellement concentré sur le conflit israélo-palestinien, considérant Israël comme un État constitué allié au bloc occidental contre le bloc oriental, et dont la fondation même reposait sur la négation de l’Orient et des droits légitimes du peuple palestinien. Je voudrais ici élargir le débat et dépasser ces anciennes dichotomies (Orient contre Occident, Arabes contre Juifs, Palestiniens contre Israéliens) pour aborder un aspect que toutes les formulations précédentes ont éludé : la présence d’une entité médiatrice, à savoir les Juifs orientaux, également appelés misrahim, originaires dans leur grande majorité de pays arabes et musulmans. Une analyse plus complète doit, comme je m’efforcerai de le montrer, prendre en compte les effets négatifs du sionisme pour le peuple palestinien, et pour les misrahim qui représentent aujourd’hui la majorité de la population juive en Israël. De fait, le sionisme prétend parler au nom de la Palestine et du peuple palestinien, lui confisquant du même coup toute capacité de représentation indépendante, et il se veut en outre le porte-parole des Juifs orientaux. Or, en niant l’Orient arabe, musulman et palestinien, le sionisme a nié les Juifs “misrahim” (littéralement, “ceux d’Orient”) qui, tout comme les Palestiniens, ont eux aussi été spoliés de leur droit à la représentation - à travers des mécanismes certes plus subtils et moins franchement barbares. La voix dominante d’Israël, dans le pays même et sur la scène internationale, a presque toujours été celle des Juifs européens, les ashkénazes, tandis que celle des misrahim a été largement étouffée, voire réduite au silence. »

1 commentaire:

Palestinophile a dit…

Il faut lire ce précieux livre pour comprendre à quel point le peuple juif israélien qui n'est qu'à peine peut-être la moitié du peuple des Juifs ou de ceux qui se croient de très vieille ascendance juive millénaire vivant sur la planète est divisé.

Combien de ses misrahim n'ont plus d'argent our réaliser leur rêve de rentrer "chez eux conscients de leur énorme erreur d'avoir fait leur soi-disant alya ? ?