Les journalistes français ne sont pas en reste pour stigmatiser le racisme des autres pays : le racisme en Italie, le racisme en Allemagne, le racisme en Russie. Il n’est jamais question que du racisme des autres. Mais s’ils parlaient au moins une fois du racisme français ? Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu un magazine titrer sur ce sujet, alors que j’en vois beaucoup qui titrent sur le voile, sur l’islam, sur les «noirs ». J’en conclus, d’après ce que je lis dans la presse, que la France n’est pas raciste, mais qu’elle aurait des « minorités » problématiques : les «arabes», les «noirs».
Quand un journaliste écrit un article sur les « noirs » ou les « arabes », les deux choses qu’on puisse dire de façon certaine, c’est que ce journaliste s’exclut implicitement de ces deux catégories et qu’il n’écrit pas non plus pour elles. C’est sans doute la raison pour laquelle, quand je lis ce genre de prose, je suis partagé entre la fureur et la tristesse. Ces lignes-là ne m'étaient pas destinées, c'est sûr.
De l'utilité du Niqab
Pourtant, ces papiers sont utiles. Ils sont révélateurs du racisme français postcolonial que l’on pourra étudier un jour comme on peut étudier le racisme qui sévissait par exemple à l’époque des guerres de décolonisation. Quand un écrit se réduit à l’idéologie qu’il véhicule, on apprend au fond beaucoup de choses sur l’auteur de cet écrit, plus que sur le sujet traité.
Par exemple le niqab. Je n’ai jamais vu personne dans cette tenue, sauf dans la presse. Quand je vois la une d’un magazine sur le niqab, je me dis que ce magazine veut en faire la publicité, puisqu’il me présente comme un problème de société quelque chose que je n’ai jamais vu et que je rédacteur en chef de ce journal n’a sans doute pas vu davantage, à moins d’avoir cherché. Je doute en effet que les rédacteurs en chef de la presse mainstream habitent dans des quartiers où toutes les femmes portent le niqab.
D’ailleurs, comment savoir si ce sont des femmes, puisque le voile est intégral ? Voilà un vrai problème, que personne n’a posé. Imaginons que demain, incité par ce que j’ai lu dans la presse, je sorte en niqab, pour voir. Tout le monde dira avoir croisé une femme en niqab, certainement obligée de porter cette tenue à cause d’un mari musulman très méchant qui la tuerait si elle se découvrait. On me jettera des pierres. Je pourrais même, dans cette tenue, faire le tour des rédactions et me faire interviewer. À supposer que je dise ce que les journalistes ont envie d’entendre, chiche qu’ils me publient.
Mais j’y pense : le niqab permettant de ne pas être vu, tous ceux qu’on n’a pas envie de voir pourraient le porter. Puisque les « noirs » sont problématiques, ils pourraient tous porter le niqab. Comme ça, on ne les verrait plus et les racistes ne seraient plus dérangés. Dans tous les restaurants où il m’arrive d’aller, tout le personnel que j’aperçois furtivement dans les cuisines a la peau noire. Tout le personnel qui sert a la peau blanche. Bizarre, non ? Cela, les journalistes, qui se font beaucoup inviter à déjeuner, c'est connu, le voient forcément, mais ils n’en parlent jamais.
Ils pourraient cependant s’étonner que les villes civilisées du XXIe siècle soit plus racistes encore que les colonies esclavagistes du XVIIIe siècle où l’on n’éprouvait pas de répugnance à être servi à table par des personnes à la peau noire. Je propose que l’on fasse porter le niqab à tous ces nègres qu’on ne veut pas montrer, dans ce pays pas du tout raciste où je vis. Comme ça, on ne les verrait plus et on n’aurait pas peur que les clients blancs de peau soient indisposés. En outre, je suis sûr que le restaurant qui mettrait tous ses serveurs en niqab aurait immédiatement une jolie couverture médiatique.
Publié par Le Bougnoulosophe à 2/03/2010
Libellés : POSTCOLONIE
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