Etre français, c'est avoir sa vie en France, et rien de plus

Dans la prose marécageuse de l'ineffable ministre de l'identité nationale et de l'immigration patauge une créature aux élans de camarde. Tous les quinze ou vingt ans, depuis les indépendances et l'éclatement de l'empire colonial, et au gré des cycliques désastres économiques et sociaux, elle s'extirpe de la vase pour venir se rappeler au bon coeur du commun des Français. Plus que jamais la voilà, armée d'un rameau de ronces au bout d'une main sèche, flagellant "l'éparpillement identitaire" et éructant dans tout le pays des mots vieux, épris et pétris d'haleine chauvine.

Cette créature se met à traîner dans tous les plis de nos vies et menace : "Nous allons une bonne fois pour toutes fixer ce qu'être français veut dire." Lancée comme une ogive aveugle à fragmentation - qui cependant sait parfaitement où elle doit frapper -, la grande "consultation" de l'Etat sarkozyste sur l'"identité nationale" est partie pour n'épargner personne.

Et désigner à la vindicte en particulier celles et ceux qui, une fois le débat clos, une fois réaffirmées aux frontispices de la nation les "valeurs républicaines" et la "fierté d'être français", auront l'insigne déshonneur d'en être jugés étrangers ou réfractaires, incompatibles ou inaptes. Car c'est une frontière intérieure, un cordon de salubrité identitaire, désormais labélisée avec l'assentiment de l'opinion qui va nous être infligée de mains d'experts.

Ce n'est hélas pas faire preuve d'imagination folle que d'anticiper l'issue du "débat". Tant celle-ci se lit et s'entend déjà partout dans les médias de grande audience. Il y a de très fortes chances que nous assistions d'une part, au redéploiement d'une conception mythique, essentialiste, ethnocentrée de ce qu'est la France - avant tout un pays européen de race blanche, de culture gréco-latine et de tradition chrétienne, point barre.

Et d'autre part, à la mise au ban de ce qui n'est pas et ne sera jamais la France en des termes aussi peu neutres que rebattus. Les bandes ethniques causent de toutes les insécurités, les familles polygames, leur marmaille circoncise et leur barbarie importée, les femmes qui se voilent, "s'emburqaïsent" et les hommes qui les y obligent entre deux inaugurations de mosquées, ou encore ce rap qui tambourine les refrains criards de "la haine de la France"...

Que sais-je encore ? Les historiens et philosophes de la cour sauront, à n'en pas douter, enrichir cette liste de nouvelles catégories. Le clivage aura en tous les cas la clarté de l'eau pure et le sens de la nuance des partitions d'extrême droite : d'un côté, la France, de l'autre, l'anti-France. Le corps sain, et l'appendice pathogène à oblitérer. Ceux qui méritent d'aller et venir d'une part, ceux qui doivent être frappés d'invisibilité d'autre part.

Le débat sur l'identité nationale n'en est pas un. C'est une injonction à l'affirmation ethniciste de soi. Un blanc-seing collectif à l'apartheid qui vient.

Etre français, c'est avoir sa vie en France et rien de plus. Cela ne s'interroge pas, mais se constate comme un botaniste constaterait la poussée d'un bourgeon. Ce qui devrait se questionner en revanche, et de la plus forte des manières avant de le congédier, c'est l'identité de ce pouvoir qui nous mène au mur, son irrépressible cynisme, sa brutalité, sa morgue, lorsque dans les mêmes semaines, il aligne blagues racistes, rafles et expulsions d'Afghans dont il occupe le pays, relaxe pure et simple des policiers en cause dans la mort de Laramy et Moushin à Villiers-le-Bel. Deux adolescents niés et invisibles jusque dans la qualification des causes de leur mort.

C'est d'ordinaire le sacerdoce des anges et des démons que de se mêler à la vie des hommes sans être vus. C'est la honte de cette République que de nous offrir, à nous enfants d'immigrés, cette affriolante perspective donc : vivre comme des démons, mourir comme des anges. Nous ne sommes pourtant ni l'un ni l'autre.

Hamé

9 commentaires:

Anonyme a dit…

"Etre français, c'est avoir sa vie en France et rien de plus."
Non.

Anonyme a dit…

Être français, c'est aimer la France, qu'on soit un Nègre ou un Babtou ! La gauche pue parce qu'elle est honteuse de ce qu'elle est et qu'elle n'a de cesse d'opposer France et diversité.

Les termes du problème sont plus simples qu'on ne croit.

M.M. a dit…

Y en a qui aspirent à devenir Français, d'autres qui aspirent l'air "Haché" et l'air de rien, Les Dutonc, qui ne manquent pas d'air rêvent toujours d'être des hôtesses de l'air. On a beau changer de trompette, c'est gonflant de se fader toujours le même air. Mon identité à moi c'est être humain, être où je veux, être partout,ici ou ailleurs, qu'est ce que ça peut leur foutre que ce soit même à vingt mille lieux sous la mer ou sur la lune.Pourvu qu'ils n' y soient pas, tous ces castreurs de liberté ! M.M.


Citoyen qui sent de la tête
Papa gâteau de l'alphabet
Maquereau de la clarinette
Graine qui pousse des gibets
Châssis rouillé sous les démences
Corridor pourri de l'ennui
Hygiéniste de la romance.


Poète, vos papiers!
Poète, salti!
Léo Ferré

Anonyme a dit…

Bien sûr, bien sûr, Mohammed, mais quand des Maghrébins arborent haut les couleurs de l'Algérie, du Maroc ou de la Tunisie où ils ne sont jamais allés, que Diam's se prend pour une Africaine, ta citoyenneté du monde c'est une belle tartufferie rhétorique, une de plus ! pour ne rien dire.

Peut-être qu'il va falloir repenser toute la question de la nation, et accepter que des étrangers et fils d'immigrés ne se sentent JAMAIS pleinement français, puisqu'ils ne peuvent pas se reconnaître dans l'Histoire de France. Mais ne dites pas que c'est une question oiseuse, elle est centrale pour tout pays.

Et puis, il faut le reconnaître, il en a des couilles ce Besson pour aborder un sujet aussi sensible ! Respect.

Lulu a dit…

Hé l’anonyme,

Tes crétineries commencent à nous les briser menu… Ton identité franchouillarde, ton imaginaire « cassoulet », ta haine des jeunes à l’identité hybride et ton amour servile de Besson, on s’en bat joyeusement les couilles… Une limace est une limace ! Un conseil : trouve toi un pot de vaseline et bonne bourre ! ça nous fera des vacances…

Anonyme a dit…

Vous préférez le couscous sans doute ?

Le cassoulet, c'est aussi l'identité nationale.

Anonyme a dit…

Merci Bougnoulosophe, enfin du courage et un peu de rigolade.... Car tout cela c'est juste pour"déconner" (j'espère que tu l'as enfin compris).

M.M. a dit…

Amis de la poésie Bonsouère!

Cher M. Anonyme,
J'en ai par dessus le chapeau d'entendre parler d'identité à telle enseigne que le sujet en devient pour moi urticant.A part mes vêtements que je porte et quelques modestes idées que de temps en temps j'arbore,crois moi, je ne cherche pas l'infini ni l'Atlantide, ni à en remontrer aux autres. J'ai des sautes-d'humeur qui parfois roulent sur le bas-côté, des feux de Bengale chatoyants et d'autres mouillés,que veux-tu, je ne suis pas sorti de la cuisse de Jupiter, ni des écuries d'Augias, mais tous ces raseurs me barbent! Y a t-il quelqu'un ici au moins qui peut de temps à autre déclamer un poème de Mahmoud Darwich, de Yannis Ritsos ou de Pablo Neruda pour insufler un peu de féerie et de romance et de nous épargner les têtes de croque-morts, vendeurs de moules à gauffres et de fers à repasser? M.M.

M.M. a dit…

Maître-étalon

Ah! Je me disais, j'avais oublié quelque chose, ça :

"Et puis, il faut le reconnaître, il en a des couilles ce Besson pour aborder un sujet aussi sensible ! Respect."

Besson en a d'après l'anonyme, qui avant de peser ses mots, a dû palper ça de près. En tout cas on souhaite à Besson une belle carrière de cheval dans le X. Nous, on est peut-être sans le savoir, des Euniques, et qui sait des Castrats! En tout cas, on va pas faire une dépression et on va faire avec nos olives. M.M.