Eric Besson : a little help to my friend

Dans l’histoire de la Ve République aucun ministre n’a jamais demandé aux Français en quoi consistait son travail.

Monsieur le ministre,

En lançant le débat sur l’identité nationale, vous interrogez les Français sur le sens de l’un de vos principaux champs d’intervention. Dans toute l’histoire de la Ve République, et au-delà, aucun ministre n’a jamais demandé aux Français en quoi consistait exactement son travail.

Devant ce signal de détresse évident, les citoyens responsables que nous sommes ne peuvent s’empêcher de voler à votre secours. Nous vous proposons donc de combler cette faille évidente, et ce manque de réflexion préalable à la constitution même de votre ministère.

Nous comprenons que vous cherchiez à détourner l’attention des récentes expulsions d’Afghans vers leur pays en guerre, le brutal démantèlement de la “jungle” de Calais, la politique d’immigration choisie (à votre place nous aurions honte aussi) mais à nos yeux, la nécessité d’un Grenelle de l’identité nationale ne s’impose pas.

Vous savez sans doute que la méfiance atteint le cœur même de la communauté nationale, car nombre de citoyens français ne sont toujours pas reconnus comme tels, notamment par l’institution républicaine et nationale qu’est la Police. Parce qu’ils ne sont pas blancs, pas "de souche", ils sont soupçonnés de ne pas être vraiment Français et sont victimes de discriminations racistes.

De plus, défendant le droit de chacun à se définir, nous vous accusons d’exploiter une certaine « idée de la France » à laquelle, sans doute, beaucoup de nos concitoyens sont attachés car ils l’intègrent à leur identité personnelle. La cohésion sociale et nationale, qui ne saurait être réduite à l’identité nationale, est quant à elle minée par les inégalités, les discriminations et les ghettos.

Et quand on sait à quel point les classes populaires, les femmes et les non-Blancs sont sous-représentés parmi les parlementaires, on frémit à l’idée qu’ils auront pour mission d’animer la redéfinition de cette identité afin de « réaffirmer les valeurs de l’identité et la fierté d’être français ».

Le questionnement que vous posez est peut-être, du reste, la preuve la plus flagrante de l’illégitimité de votre ministère, qui rappelons-le, en associant dans son intitulé identité nationale et immigration « s’inscrit dans la trame d’un discours stigmatisant l’immigration et dans la tradition d’un nationalisme fondé sur la méfiance et l’hostilité aux étrangers, dans les moments de crise » (Appel du réseau scientifique TERRA).

Peut-être pourriez vous vous demander pourquoi le principe de libre circulation des personnes, inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ne s’applique pas aux immigrés dans notre pays alors que les marchandises, les capitaux ainsi que les citoyens des pays du Nord circulent librement sur toute la planète ? Quelle identité nationale pouvez‐vous proposer, si vous refusez de reconnaître aux travailleurs sans-papiers résidents une reconnaissance légale ?

L’identité nationale n’est pas une AOC

Mais nous serions injustes si nous ne mentionnions pas votre grande mansuétude lorsque vous proposez la naturalisation « pour des faits exceptionnels d’intégration », en laissant à l’arbitraire des préfectures, l’interprétation de la valeur de l’intégration des futurs aspirants à la nationalité française. Il s’agit purement et simplement d’instaurer de manière officielle la distinction entre le “bon immigré” et l’indésirable, celui qui aime la France et qui la mérite et celui qui doit la quitter.

Vous imaginez que si les citoyens se tenaient la main pour chanter la Marseillaise en chœur, le sentiment de fierté nationale se propagerait dans tous les foyers de France et de Navarre. Nous doutons qu’un chant guerrier, ait de telles vertus thérapeutiques mais nous avons bien compris qu’il ne fallait pas plaisanter avec les symboles de la Nation (surtout quand on est un peu basané) d’autant plus que depuis 2003, le délit d’outrage à la Marseillaise et au drapeau français est passible de sanctions.

Laisser les institutions définir l’identité nationale, c’est faire de l’identité française une appellation d’origine contrôlée, ce qui siérait mieux à des camemberts. C’est aux Français de choisir la manière dont ils veulent "être" français. Cesser d’exiger l’adhésion à une identité prédéfinie, de systématiquement suspecter les français non-Blancs de déloyauté envers la République et reconnaître l’égale dignité des identités de tous les Français et aspirants à la nationalité devrait être la première exigence de la République.

Sensibles à votre confusion dans la définition de vos missions, nous appelons, à la suppression de votre Ministère. Vous adresseriez ainsi un signal fort en ouvrant le débat autour de la Nation à tous les citoyens. La France n’en sortira que grandie !

Les Indivisibles, citoyens concernés

PS : nous tenons à votre disposition un guide de formation « Le Ministère de l’Identité Nationale pour les nuls » conçu par nos soins.

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