De l'impérialisme et de quelques définitions

« L’impérialisme est la tentative des grands maîtres de l’industrie d’élargir les voies pour le flux de leur excédent de richesse en cherchant des marchés extérieurs et des investissements extérieurs pour exporter les biens et le capital qu’ils ne peuvent vendre ou utiliser chez eux. » (John Atkinson Hobson)

« La tendance du capitalisme aux expansions soudaines constitue l'élément le plus important, le trait le plus remarquable de l'évolution moderne ; en fait l'expansion accompagne toute la carrière historique du capital elle a pris dans sa phase finale actuelle, l'impérialisme une énergie si impétueuse qu'elle met en question toute l'existence civilisée de l'humanité. » (Rosa Luxembourg)


« - 1° La concentration de la production et du capital, créant les monopoles dont le rôle est décisif dans la vie économique ; - 2° La fusion du capital bancaire avec le capital industriel et la réalisation sur cette base du capital financier, d’une oligarchie financière ; - 3° L’exportation du capital, devenue particulièrement importante, à la différence de l’exportation des marchandises ; - 4° La formation des monopoles capitalistes internationaux qui se partagent le monde ; - 5° Le partage territorial de la planète achevé par les plus grandes puissances capitalistes.
L’impérialisme est le capitalisme dans la phase du développement où s’est constituée la domination des monopoles et du capital financier, où l’exportation du capital a acquis une haute importance, où le partage du monde entre les grands trusts internationaux a commencé, où le partage de tous les territoires de la planète entre les plus grandes puissances capitalistes s’est achevé » (Lénine)

« Les banques qui financent des prêts de guerre et, aujourd’hui, une grande part de l’industrie lourde, et pas seulement les fournisseurs directs de blindages et de canons, ont dans tous les cas un intérêt économique à ce que des guerres soient menées ; une guerre perdue augmente pour eux aussi bien la demande qu’une guerre gagnée, et les intérêts politiques et économiques que les membres d’une communauté politique ont à l’existence de grandes usines de machines de guerre dans leur pays les contraint à tolérer que celles-ci fournissent le monde entier, y compris leurs adversaires politiques. » (Max Weber)

« L’expansion européenne ne s’est pas uniquement construite autour de relations économiques pacifiques, mais est aussi une histoire où se côtoient conquêtes, cruautés et brutalités, avec lesquelles les peuples de race européenne, par leur supériorité économique et technique, ont soumis le monde de manière ouverte ou déguisée. Cette expansion violente est aussi devenue une des sources principales de frictions entre puissances européennes expansionnistes qui, de temps en temps, ont pu déboucher sur une guerre. L’histoire de l’expansion européenne « aura été écrite avec du sang et du feu. » Il n’y avait jamais assez de brutalités et d’intrigues pour étendre la domination de la race européenne. Mais les affamés européens de pouvoir ont rencontré deux obstacles – la résistance des peuples destinés à la soumission et la jalousie des autres puissances « impérialistes. » Il existe certes des exceptions, parmi lesquelles l’épisode des Jésuites au Paraguay et celui des Quakers en Pennsylvanie, où l’amour du prochain et le respect de la dignité humaine ont primé. Mais ce ne sont que des oasis dans un désert de domination et de pouvoir. Un affrontement entre ce qui est brutal, hautain, sournois, hypocrite, sans égard, et la propriété, la vie, l’honneur des soumis et des faibles – à ce propos, les victimes de l’expansionnisme européen du conquérant blanc auront vu, avec le drame de la première guerre mondiale, que ces mêmes conquérants utilisèrent entre eux les mêmes méthodes, à une échelle encore plus grande.» (Wilhelm Röpke)

« L'impérialisme repose sur un atavisme. Il exprime des rapports de production caractéristiques de modes de production appartenant au passé. II constitue un élément atavique tant dans les structures sociales que dans les catégories affectives de la personnalité… » (Joseph Schumpeter)

« L’expansion impérialiste avait été déclenchée par une curieuse forme de crise économique, la surproduction de capitaux et l’apparition d’argent « superflu » résultant d’une épargne excessive qui ne parvenait plus à trouver d’investissement productif à l’intérieur des frontières nationales. Pour la première fois, ce ne fut pas l’investissement du pouvoir qui prépara la voie à l’investissement de l’argent, mais l’exportation du pouvoir qui suivit docilement le chemin de l’argent exporté, puisque des investissements incontrôlables réalisés dans les pays lointains menaçaient de transformer en joueurs de larges couches de la société, de changer l’économie capitaliste tout entière de système de production qu’elle était en système de spéculation financière, et de substituer aux profits tirés des commissions. La décennie précédant l’ère impérialiste, c’est-à-dire les années 1870, connut une augmentation inouïe d’escroqueries, de scandales financiers et de spéculation sur le marché des valeurs. » (Hannah Arendt)

« Pendant de nombreuse décennies d’expansion impériale, il y a eu au cœur de la culture européenne, un eurocentrisme résolu et constant. Il a accumulé des expériences, des territoires, des peuples, des histoires, les a étudiés, classifiés, vérifiés, et tout cela a donné aux hommes d’affaires les pouvoirs de « faire des projets grandioses ». Mais surtout il les a assujettis, en bannissant leur identité - sauf en tant que créatures inférieures - hors de la culture et en fait de l’idée même d’une Europe chrétienne et blanche. Il faut voir cette dynamique culturelle comme un contrepoint vital qui alimente et renforce la machine économique et politique au centre concret de l’impérialisme. Cet eurocentrisme a inlassablement codifié et observé tout ce qui touchait au monde non européen ou périphérique, de façon si approfondie et détaillée qu’il n’a guère laissé de questions non abordées, de cultures non étudiées et de peuples non revendiqués. Ces idées sont pratiquement incontestées depuis la Renaissance. Même les catégories sociales longtemps considérées comme progressistes étaient sur l’empire uniformément rétrogrades. L’eurocentrisme a pénétré jusqu’au cœur du mouvement ouvrier, du féminisme, de l’avant-garde artistique, n’épargnant aucune des personnalités marquantes. » (Edward Saïd)

 « L’impérialisme n’a pas pris fin, n’est pas soudain devenu « du passé » avec la décolonisation, le grand démantèlement des empires classiques. Il a légué de multiples relations qui lient toujours l'Algérie à la France ou l'Inde à la Grande Bretagne. D'importantes populations nouvelles de musulmans, d'Africains, d'Antillais, venus des anciens territoires coloniaux, résident aujourd’hui en Europe. Même l'Italie, l'Allemagne et la Scandinavie doivent faire face à ces migrations, qui, si elles stimulent la croissance démographique du continent européen résultent très largement de l'impérialisme et de la décolonisation. La fin de la Guerre froide puis celle de l'URSS ont, elles aussi, radicalement changé la carte du monde. Le triomphe des Etats-Unis, restés seuls superpuissance, suggère qu’un nouveau jeu de lignes de force va structurer le monde – celui dont la gestation était perceptible dans les années 1960 et 1970... » (Edward Saïd)

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