Du musée

« Et pas une minute, il ne vient à l’esprit de monsieur le civilisé que les musées dont il fait vanité, il eût mieux valu, à tout prendre, n’avoir pas eu besoin de les ouvrir;

que l’Europe eût mieux fait de les tolérer à côté d’elle, bien vivantes, dynamiques et prospères, entières et non mutilés, les civilisations extra européennes;
qu’il eût mieux valu les laisser se développer et s’accomplir que de nous donner à admirer, dûment étiquetés, les membres épars, les membres morts;
qu’au demeurant, le musée par lui-même n’est rien;
qu’il ne veux rien dire;
qu’il ne peut rien dire, là ou la béate satisfaction de soi-même pourrit les yeux, là où le secret mépris des autres dessèche les cœurs, là où, avoué ou non, le racisme tarit la sympathie;
qu’il ne veut rien dire s’il n’est pas que destiné à fournir aux délices de l’amour-propre;
qu’après tout, l’honnête contemporain de saint Louis, qui combattait mais respectait l’Islam, avait meilleure chance de le connaître que nos contemporains même frottés de littérature ethnographique qui le méprisent.
Non jamais dans la balance de la connaissance, le poids de tous les musées du monde ne pèsera autant qu’une étincelle de sympathie humaine … » (Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme)
Que l'on rende leurs têtes aux Maoris !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"étincelle de sympathie humaine": elle est sublime cette expression! C'est sûr que le cerveau asséché des experts ne risque pas de s'embraser...

On peut même remplacer "musée" par "université".

Par exemple:

Le programme doctoral Monde musulman à Sciences po n'est rien; il ne veut rien dire; il ne peut rien dire, là où la béate satisfaction de soi-même pourrit les yeux, là où le secret mépris dessèche les coeurs, etc.