Eduquer ou civiliser la banlieue ?

Lettre ouverte au président de la République française à propos de l'éducation du peuple

Il s’agit d’une très vieille tradition, qui n’est propre ni à la France ni même à l’Europe : celle de l’adresse au maître, au chef, au roi ou, de nos jours, au président. Adresse qui prend, ici et là, des formes diverses, se faisant tantôt supplique haranguée en place publique, tantôt lettre ouverte publiée dans la presse ou encore opuscule fiévreux qui doit se lire d’une traite.

Nasser Demiati, banlieusard mais/et diplômé, a choisi cette dernière forme pour dire à Nicolas Sarkozy son fait quant à la question de l’éducation populaire. Pour le président français, en effet, le « mal des banlieues », comme le disent pudiquement les magazines germanopratins, proviendrait tout à la fois de l’absence d’encadrement parental et de l’échec de l’école républicaine. Les jeunes voyous, dans leur grande majorité africains et maghrébins, la racaille, pour employer un mot devenu célèbre, font le commerce de la drogue, agressent les honnêtes gens, brûlent des voitures le samedi soir (ou des bibliothèques et des écoles lors des émeutes) parce que l’autorité de l’État aurait déserté les « quartiers sensibles », autre euphémisme qu’affectionnent les éditorialistes bien pensants. Il s’agit donc d’abord d’y rétablir la loi et l’ordre (en renforçant la présence policière), puis, à travers l’institution scolaire, d’arracher les élèves à l’obscurantisme parental (fortement teinté d’islam) dans lequel ils baignent.

On comprend que Nasser Demiati ait fait de l’insolence une sorte de devoir. Mais il s’agit d’une insolence cultivée, brillante même, qui dénote une solide connaissance de l’histoire de France tout autant qu’une aptitude remarquable à utiliser les théories sociologiques les plus modernes au service de sa démonstration. Mêlant ainsi l’analyse la plus rigoureuse à l’anecdote personnelle, il nous conduit au galop, mais sans raccourcis réducteurs, au cœur même du problème : la mythique école républicaine de papa est morte et bien morte. Elle s’est fracassée contre cette résistance têtue, tantôt muette tantôt braillarde, que lui ont opposée, depuis les années soixante, ceux qui aiment, pour certains, à s’appeler « les Indigènes de la République ». (extrait de la préface de Raphaël Confiant)


Nasser Demiati, chargé d'enseignement en sociologie à l'université d'Évry-Val-d'Essonne, est notamment co-auteur de l'ouvrage Quand les banlieues brûlent... Retour sur les émeutes de novembre 2005 (La Découverte, 2007), et de différents articles sur les banlieues, l'éducation populaire et l'islam.

7 commentaires:

Yusuf a dit…

"la mythique école républicaine de papa est morte et bien morte. Elle s’est fracassée contre cette résistance têtue, tantôt muette tantôt braillarde, que lui ont opposée, depuis les années soixante, ceux qui aiment, pour certains, à s’appeler « les Indigènes de la République»."

Je pige pas, je veux dire: à la vue du résultat, il aurait peut-être fallu qu'elle vive un peu plus longtemps, cette école "républicaine", non?

Bozo a dit…

Connais-tu les résultats de la "mythique école républicaine de papa"? Non... Alors ferme-là !

Les nostalgiques avec des cadavres plein les placards, on connait ça...

Dirty Yusuf a dit…

Charmant et accueillant, tout à ton habitude...

Non je ne connais pas les résultats de la mythique école républicaine, mais j'ai quand même l'impression que ma grand-mère qui a été jusque en 6eme parle et écrit mieux que pas mal de lycéens.

Sinon vas-y éclaire moi, make my day:

Anonyme a dit…

Ta grand-mère pianote sur msn, elle sait déchiffrer le mode d'emploi d'une play station ? O tempora, o mores ! Tu n'as plus qu'à lire le livre maintenant...


P.S. : Mes respects à ta grand mère !

Anonyme a dit…

Cette école-là c'est aussi celle qui a formé les élites indigènes qui se sont retournées contre la France au nom de SES valeurs. D'où cette éternelle ingratitude dont on affublait les anti-colonialistes il y a 50 ans...

Ne vous déplaise, la République a été émancipatrice... malgré elle ! ou plutôt malgré le système colonial dont les fondements étaient, dès l'origine, en contradiction avec ses valeurs.

Dirty Yusuf a dit…

Surement pas, mais elle comprendrait ce que tu écris, elle.

Eurk a dit…

Quoi qu'il en soit, émancipatrice ou coloniale, on serait bien en peine de faire la différence, le discours est le même.

Mince, qu'est-ce que je dois en conclure déjà?