« Aucun Etat palestinien ne s’établira à l’ouest du Jourdain »

Je suis de plus en plus convaincu que si Obama ne se prononce pas maintenant, ce sera la mort de la solution à deux Etats, à jamais.

Les efforts de paix du président Clinton avaient été contrariés par le Premier ministre israélien ; le nouveau président doit faire mieux.

Je n’ai pas souvenir d’une rencontre plus importante entre un ancien président américain et un Premier ministre israélien que celle d’aujourd’hui entre le président Obama et le Premier ministre Benjamin Netanyahu. L’administration Obama aura-t-elle le courage de tenir tête à Netanyahu, ou tous les discours sur le changement vont-ils s’évaporer devant le double crochet concerté de Netanyahu et de l’AIPAC (Comité aux affaires publiques israélo-américaines) ?

Je suis de plus en plus convaincu que si Obama ne se prononce pas maintenant, ce sera la mort de la solution à deux Etats, à jamais. Une nouvelle embrouille à Washington - après en avoir connu pendant huit années - relèguera Jérusalem, la Cisjordanie et la solution à deux Etats à un expansionnisme israélien qui va submerger les capacités des cartographes à concocter un Etat palestinien viable.

C’est maintenant ou, presque certainement, jamais. Si Obama n’a pas la volonté politique de faire front à Netanyahu maintenant, il n’en aura pas la capacité plus tard. Et au moment où Obama quittera ses fonctions, il sera trop tard pour sauver quoi que ce soit d’autres qu’un archipel de bantoustans palestiniens. Nous, les Palestiniens, nous voulons la liberté, pas l’apartheid et pas des villages comme ceux de Potemkine [en cartons] pour la Cisjordanie, que Netanyahu essaie de faire passer auprès de l’Occident pour des villes bientôt en plein boom économique pour des Palestiniens désespérés. Oui nous voulons le progrès économique, mais la meilleure façon d’y parvenir passe par le contrôle de nos propres vies, de nos frontières et de nos ressources.

Le nouveau ministre des Affaires étrangères d’Israël, Avigdor Lieberman, a affirmé lors d’une interview en avril, « L’Amérique accepte toutes nos décisions ». J’étais à Washington en février et je n’ai pas trouvé que c’était le cas. L’administration Obama, et j’ai été bien aise de l’entendre, a prévu de n’être ni dans la poche des Israéliens, ni dans celle des Palestiniens. C’est tout ce que les Palestiniens ont toujours demandé.

Pourtant, tout comme dans les années 90, Netanyahu se prend pour la force qui conduit le monde et il croit qu’un président démocratique doit le suivre. Dans sa biographie, l’ancien chef négociateur américain, Dennis Ross, parle d’un président Clinton exaspéré, se plaignant d’un Netanyahu qui se comportait comme s’il était convaincu que la superpuissance était Israël et non les Etats-Unis. On dirait que cela n’a pas changé. Sinon, comment expliquer la récente affirmation d’officiels israéliens disant que les Etats-Unis devaient traiter - et apparemment à la satisfaction d’Israël - la question du programme nucléaire de l’Iran, avant qu’Israël ne s’occupe de celle des négociations israélo-palestiniennes ? La fausse relation Iran/Palestine me trouble parce les Israéliens qui la mettent en avant pensent que l’Iran est une préoccupation immédiate, et que la liberté palestinienne peut être une nouvelle fois enfoncée d’un coup de talon dans la terre. Danny Ayalon, vice-ministre des Affaires étrangères d’Israël et membre du parti extrémiste Yisrael Beiteinu de Lieberman, a déclaré en avril que « l’horloge iranienne devait se mesurer en mois », mais que le calendrier palestinien était « extensible à loisir ».

Ce qu’Ayaloon, Lieberman et Netanyahu n’arrivent pas à comprendre, c’est que le monde s’aperçoit de plus en plus qu’ils sont en train de décider du calendrier pour la liberté d’un autre peuple. C’est inacceptable au 21è siècle.

Et pourtant, ce que veut Netanyahu, c’est soit un calendrier sur une durée affreusement longue, soit pas d’Etat palestinien du tout. En mai 2002, lorsque le comité central du Likoud a voté une résolution déclarant que, « aucun Etat palestinien ne s’établira à l’ouest du Jourdain » Netanyahu avait pressé les membres de son parti de soutenir la résolution. A ce jour, il n’a toujours pas réussi à accepter l’idée d’un Etat palestinien, même si la solution à deux Etats a été la politique officielle d’Israël pendant des années. Il espère détruire l’idée, de facto, en atermoyant, pour poursuivre la colonisation.

Plus récemment, Netanyahu a ajouté une nouvelle exigence : que les Palestiniens reconnaissent Israël en tant qu’Etat juif. Le but était de créer la confusion et de retarder les négociations de paix. Et c’était une erreur. Les Palestiniens dans les Territoires occupés n’ont pas qualité pour renoncer aux droits qui sont ceux des citoyens palestiniens d’Israël pour faire venir Israël à la table des négociations. Pour dire la vérité, nous ne croyons pas qu’Israël puisse être en même temps, une démocratie véritable et un Etat exclusivement juif. Et les dirigeants israéliens semblent oublier - ou prétendent avoir oublié - pourquoi les Palestiniens refusent de reconnaître à Israël le statut d’Etat juif.

De plus en plus, Israël se trouve en décalage avec un monde qui dévale en plein dans le 21è siècle avec Obama. Ce n’est plus le monde ségrégationniste du président Truman et de David Ben Gurion à l’époque de la création d’Israël. Pourtant, le choix de Netanyahu pour Lieberman, celui qui a déclaré, « les minorités représentent le plus grand problème dans le monde » illustre la surdité d’Israël à l’évolution du monde.

Le choix d’Israël est, ou deux Etats, ou se retrouver de plus en plus isolé dans un mode qui n’acceptera pas un apartheid déguisé en plan de développement économique. Tragiquement, ce seront les Palestiniens qui vont subir les conséquences d’un nouveau retard et de plus de répression, tant dans les Territoires occupés que dans un Etat toujours plus exclusivement juif, et dont l’autodétermination se fait aux dépens des citoyens palestiniens.

Mustafa Barghouti

1 commentaire:

BLAZ a dit…

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