Van Gogh en gros

En Europe, la Hollande est, sans conteste, l'autre pays de l'Islamophobie, derrière qui vous savez...

Quelques mois après l’affaire Houellebecq, alors que l’écrivain promenait son chien un jour dans une rue de Paris. Il croisa sur le trottoir, un jeune maghrébin qui le reconnut, et qui ne s’embarrassa pas de civisme pour le congratuler à sa manière, en ces termes peu éloquents « un chien promène un autre chien ». L’hostilité, à cet égard, et dans le cas échéant, est restée au stade de l’invective métaphorique. Disons que Michel Houellebecq a eu plus de chance, que Théo Van Gogh, (arrière-petit-neveu du célèbre peintre) cinéaste et chroniqueur iconoclaste, doublé d’un grossiste en provocation. Abattu par balles, et poignardé ensuite par un jeune néerlandais islamiste, d’origine marocaine en plein jour, et en pleine rue à Amsterdam, le mardi 2 novembre à l’âge de 47 ans. Dans la livraison de Libération du même jour, l’affaire est traitée sur deux pages « Dans la mémoire collective néerlandaise, le 2 novembre 2004 a rejoint la date traumatique du 6 mai 2002, jour de l’assassinat de Pim Fortuyn (1)». Dans l’esprit de tout lecteur à peine au fait des événements, les deux affaires seraient forcément liées et signées par les mêmes auteurs à savoir, des islamistes, or ce n’était pas le cas pour Pim Fortuyn, leader populiste ambitieux, sorte de Le Pen homosexuel batave, qui déclara un jour d’inspiration que « Les Pays-Bas sont pleins », trait à l’immigration et à une insécurité ascendante, et qui fut abattu, lui, par un néerlandais de souche, et pas forcément illuminé comme on voudrait le laisser croire, pour des raisons jusqu’ici obscures et jamais élucidées. Théo Van Gogh, justement, s’apprêtait à sortir son prochain film consacré à cette figure batave du populisme, a lui, été assassiné pour son agressivité, son irrévérence, sa trivialité et son goût prononcé et permanent pour la provocation. L’homme qui était un anti-musulman virulent, se voulait aussi, un inconditionnel de l’insulte fonctionnelle, il la poussait parfois un peu trop loin, au-delà même des limites tolérées, de la liberté d’expression et de la décence. Ses partisans s’en ressentiront probablement de sa violente disparition et se consoleront durant leurs soirées de libations malsaines, de son héritage de blagues ethniques nauséeuses. Pour les chiens de garde de la liberté d’expression, il serait curieux qu’ils nous démontrent la part du risible et d’esprit dans des blagues réductrices, qui pourfendent les musulmans en les qualifiant de « violeurs de chèvres » alors que les Pays-Bas en matière de permissivité des mœurs, et une pornographie marchande outrancière et dégressive, n’ignorent aucun cas de figure, et aucune catégorie en la matière, pour ne mentionner que la zoophilie. L’homme disait-on vomissait les musulmans radicaux, mais en fait, il ne respectait pas plus les modérés d’entre eux, et n’aurait jamais tenté un semblant de compréhension ou de dialogue, dès lors qu’il était question de la condition de la femme musulmane (thématique récurrente et talon d’Achille de l’Islam, pour tous les détracteurs amnésiques de ce monothéisme, qui refoulent souvent les statistiques éloquentes des femmes battues et celles acculées à la prostitution et à la pornographie en Europe). Il n’avait d’autre répartie que l’insulte et le raccourci. Agressif, l’homme ne ménageait pas plus les musulmans que les autres, lorsqu’il sous-entendait dans ses plaisanteries douteuses par l’odeur du caramel brûlé, la crémation de « juifs diabétiques». Qui mieux que Fouad Laroui, écrivain et chroniqueur à L’Intelligent-Jeune Afrique, professeur d’environnement à l’université d’Amsterdam, et de surcroît citoyen néerlandais d’origine marocaine est à même de cerner la personnalité du sulfureux Théo « Il ne disait jamais" musulmans, mais « violeurs de chèvres ». Mohammed, dans sa bouche, n’était jamais Mohammed ou le Prophète, mais « le proxénète » ou « le pédophile ». Dans une ville, Amsterdam, où un habitant sur quatre est turc ou marocain, c’était jouer avec le feu. Surtout que Théo, avec sa tignasse blonde et sa corpulence avantageuse, ne passait pas inaperçu lorsqu’il parcourait les rues de la ville sur son vieux vélo. Il essuyait souvent des bordées d’injures ou des crachats, mais n’en n’avait cure, persuadé qu’il était que ses outrances et ses injures n’étaient qu’une forme de la liberté d’expression.(2) ». Si l’insulte, chez tout batave, comme le Gouda, les Coffee-shops, les tulipes et les moulins à vent, est assimilée comme étant une spécificité culturelle, il n’en va pas de même pour les ressortissants étrangers, à peine assimilés à la société, à la mentalité et au mode de pensée néerlandais. Les Pays-Bas réputés pour être une terre de tolérance et de permissivité, ont comme tous les pays Européens, fait venir des immigrés (allochtones) d’ailleurs, pour leur essor et leur confort civilisationnels, et ne se sont jamais souciés de les intégrer véritablement. La plupart des Marocains qui composent la forte minorité immigrée, sont orignaires du Rif. Montagnards, rudes, ils sont réputés déjà au Maroc pour leur caractère ombrageux qui contraste avec tout autre, et de surcroît continental, de là, à aller taquiner leur susceptibilité et les insulter, c’est comme aller insulter un Corse chez lui. Il n’y a pas à s’étonner sur un prompt retour de flamme ou d’affectivité, ni d’être marabout pour le deviner. L’assassinat de Théo Van Gogh n’a pas choqué que les Hollandais de souche, mais beaucoup plus de musulmans qu’on ne le croit par l’obscénité de sa violence, ce crime de sang va à l’encontre même des valeurs et des principes musulmans qui recommandent comme les autres monothéismes, le respect de la vie humaine. Les détracteurs toujours pétris de cette mauvaise foi qui fait leur fond de commerce, trouveront à redire, ainsi va la nature humaine claudicante, tordue. Théo Van Gogh, était-il indigent d’esprit à ce point, pour n’avoir dans ses confrontations avec les musulmans, recours qu’à la logorrhée injurieuse ? Beaucoup ont vu dans la mort violente de Théo Van Gogh, un passage à l’acte contre la liberté d’expression, si ce n’est à la liberté tout court . Certes, toute atteinte à la vie choque et révolte, mais de là, à se méprendre, à se complaire et à se fourvoyer dans la confusion, au mépris de tout discernement, est préjudiciable pour le principe même, lorsque les limites sont floutées et les repères rompus, pour savoir où s’arrête l’insulte et où commence cette chère liberté d’expression. Or, l’irrévérencieux Théo n’a été victime que de ses propres injures. Ecoutons encore Fouad Laroui, enfant du pays : « …Encore plus difficile d’établir un distinguo entre la liberté d’expression, qu’il faut défendre bec et ongles, et la personnalité extrêmement déplaisante de Théo Van Gogh. De mortuis nihil nisi bene*… Certes, mais de là à faire d’un goujat un héros sous prétexte qu’il est mort, il y a quand même un pas que je me refuse à franchir. Cela étonne certains journalistes (3)». Comme cela a dû étonner et indigner le commissaire européen néerlandais au marché intérieur Frits Bolkestein, qui lors d’une allocution télévisée, le 7 novembre 2002 sur la troisième chaîne publique néerlandaise, avait déclaré que « le roi du Maroc doit se prononcer contre l’extrémisme musulman ». L’injonction est on ne peut dire déplacée, pour ordonner et exiger une justification, de la personne du roi, qui dédouanerait son pays de toute implication dans l’exportation de l’intégrisme. La réplique à la sommation maladroite de Frits Bolkestein, ne s’est pas faite attendre. Le ministre délégué aux affaires étrangères, Taïeb Fassi Fihri recommandera à son tour au commissaire européen de « s’interroger sur les raisons d’un développement, dans son pays d’un islamisme radical, étranger à la culture et aux valeurs du Maroc, et sur les objectifs, les conditions et l’efficacité du système d’intégration des communautés étrangères, en particulier sur le plan socio-économique mais aussi de l’éducation (4) » Il faut rappeler à de prétendus écrivains ignares, inconditionnels du verbe haut et de l’injure comme à certains diplomates à peine rompus aux règles qui régissent le protocole, l’ancienne amitié qui lie les Pays-Bas et le Maroc et qui remonte à l’an de grâce 1605. Lorsque les frères Samuel et Joseph Pallache, deux citoyens marocains de confession juive, débarquèrent à La Haye pour proposer au prince Maurits alors en conflit avec l’Espagne(5), une alliance avec le sultan du Maroc. Si aujourd’hui aux Pays-Bas, ce ciment et ce semblant de cohabitation et de fraternité feinte à l’égard des étrangers en général, et des marocains en particulier, semble s’effriter, c’est qu’à l’origine, il était déjà altéré. C’est qu’à l’origine il y avait déjà du mépris dissimulé sous le tapis.

Mohamed Marhoum


(1) Nathalie Dubois in Libération vendredi 2 novembre 2004
(2) L’Intelligent 7 novembre 2004
(3) Fouad Laroui in Un pied de nez aux bigots. Libération samedi 18 / dimanche 19 décembre 2004
* On ne peut dire que du bien de la mort
(4) L’Intelligent : AFP 10 novembre 2004
(5) Fouad Laroui in Un pied de nez aux bigots. Libération samedi 18 / dimanche 19 décembre 2004

1 commentaire:

Happy Daggers a dit…

Merci beaucoup pour ce texte. Il gagnerait vraiment a etre diffuse, tant partout dans les journaux, la figure de Theo Van Gogh a ete erigee comme une sorte de heros-martyr de la liberte d'expression (menacee par d'affreux Arabes evidemment).

On oublie combien le personnage etait en fait moins soucieux de cette liberte que d'entretenir sa reputation de provocateur en deversant des immondices racistes. Coup de chance, l'islamophobie est percue comme une preuve de courage. On a l'air brave a moindres frais et sans trop se fatiguer les neurones.

Evidemment, de pareils propos ne justifiaient pas sa mort - sans quoi beaucoup seraient deja au tombeau - mais les hommages posthumes appuyes, des journalistes notamment, ont vraiment quelque chose de grotesque et d'assez insultant pour ceux et celles qui ont vraiment a coeur la liberte d'expression.