Négrophobie francophone sur fond d’Obamania triomphante (1)

Ecoutez ce silence médiatique franco-belge. Ecoutez-le attentivement. Ce lourd silence dont les ressorts sont toujours les mêmes : lâcheté, conformisme, esprit critique comateux et racisme tolérable. Une indifférence revendiquée qui démontre que le « journalisme par omission » est devenu un dogme rentable, le « deux poids deux mesures » un habitus francophone, la liberté d’expression médiatique un carré VIP pro-américain et pro-israélien. Où sont nos intellectuels voltairiens lorsque l’humoriste engagé Dieudonné M’Bala M’Bala se fait insulter avec l’un des pires poncifs racistes ? Que disent nos valeureux démocrates lorsque le mot « nègre » est associé à « pas assez futé » sur une télévision de service public ? Que font les antiracistes professionnels lorsqu’une saillie négrophobe bénéficie d’une médiatisation programmée ? Rien, bien sûr ! Il s’agit de Dieudonné. Un artiste engagé et provocateur qui l’a finalement « bien cherché ». Un bouffon subversif maquillé en « zélateur terrifiant » de Jean-Marie Le Pen et du Front National ; à n’évoquer que si l’on peut entretenir sa diabolisation. Pas de tintamarre audiovisuel ininterrompu, pas de « Unes » alarmistes, pas de « dossiers » aux titres ravageurs et connections fumeuses. Ici, les médias dominants français et belges se taisent. Tabassé par quatre militants sionistes (2005) ou victime de diffamation raciale sur une télé francophone (2008), c’est toujours le même prix médiatique pour Dieudonné : « On-n’enparlera-pas ! ». Hors de question d’exercer la dignité de son métier si, du même coup, le risque existe d’avoir l’air - juste l’air ! - de réhabiliter Dieudonné. Pour les marquis de l’info et leur prolétariat soumis, ça fait longtemps qu’imposer des étiquettes infâmantes et des stéréotypes débiles épousant les intérêts des puissants importe davantage qu’informer sur tout et sans tabou pour tenter de proposer une vision critique de la marche du monde. Loin de ces calculs minables, l’affaire est heureusement visible, lisible et en débat sur un média vraiment libre et pluraliste : le net. Récapitulons. Le 27 novembre, la Télévision Suisse Romande (TSR) diffuse l’émission culturelle Tard pour Bar. Thème imposé et mal nommé : « Peut-on rire de tout ? ». En fin d’émission, le présentateur Michel Zendali lance le prénom qui effraye : Dieudonné. A l’adresse de Charlotte Gabris, seule humoriste à ne pas revêtir l’habituel costume anti-Dieudonné, le présentateur « ose » : « Pour vous, Dieudonné il est victime de … lui, il ose, il ose des choses, il ose des vrais tabous, les nouveaux tabous » . Ici, s’arrête la possibilité d’un débat contradictoire intelligent : n’est pas Taddéi qui veut ! S’enchaîne un bla-bla inconsistant au sujet de l’artiste franco-camerounais. Jusqu’à ce que l’humoriste suisse Frédéric Recrosio dise : « Je pense que lui-même il manque … Je pense qu’il n’est pas assez futé pour exactement manipuler les ... ». « Ben, c’est un nègre, hein ! », coupe, le plus sérieusement du monde, Pascal Bernheim. Sans équivoque, un propos raciste éculé a été spontanément exprimé. Associant de manière totalisante négritude physique et stupidité fondamentale. Mais personne sur le plateau ne relève ou ne conteste l’énormité, encore moins le présentateur Zendali qui poursuit son émission comme si de rien n’était. Ou, plus précisément, a décidé de ne pas couper l’extrait durant le montage de son émission préenregistrée. Cet extrait télévisuel, que de bonnes âmes appelleront « dérapage », lève à nouveau le voile sur le solide ancrage du racisme négrophobe européen. Une forme de discrimination historique loin de se circonscrire à la seule extrême-droite comme le prouve cette séquence. Celle-ci démontre également l’existence d’un négationnisme toléré envers la propagande intellectuelle, scientifique et médiatique qui servit - et sert encore ! - à légitimer le génocide africain et ses conséquences multiformes. De quoi parlons-nous ? De quatre siècles de Traite négrière et d’esclavage auxquels s’ajoutent plusieurs décennies de colonisation dont le bilan meurtrier rivalise avec les 60 millions de morts de la Seconde guerre mondiale. Voilà de « quoi » nous parlons ! Pur produit d’un système, Pascal Bernheim a roté face caméras. En toute bonne conscience et forte croyance d’impunité. La spontanéité du propos et la tolérance dont il bénéficie viennent aussi confirmer la part d’hypocrisie médiatique qui a suivi l’euphorie entourant la victoire de Barack Obama. En France comme en Belgique, la plupart des médias adorent les métis - classés sous l’assignation identitaire de « Noirs »- à condition que ceux-ci soient sportifs, chanteurs et, aujourd’hui, Président nord-américain.

Olivier Mukuna

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