Du sacrifice

De la figure du bouc émissaire. « On peut toujours interpréter les monothéismes comme des archaïsmes sacrificiels, mais les textes ne prouvent pas qu'ils le sont. Nos modes intellectuelles ne veulent voir de la violence que dans les textes, mais d'où vient réellement la menace ? Aujourd'hui, nous vivons dans un monde dangereux où tous les mouvements de foule sont violents. Cette foule était déjà violente dans les Psaumes. Elle l'est dans le récit de Job. Elle demande à Job de se reconnaître coupable : c'est un vrai procès de Moscou qu'on lui fait. Procès prophétique. N'est-ce pas celui du Christ adulé par les foules, puis rejeté au moment de la Passion ? Est-ce si différent dans l'islam ? Ils contiennent aussi de formidables intuitions prophétiques sur le rapport entre la foule, les mythes, les victimes et le sacrifice. Dans la tradition musulmane, le bélier sacrifié à Abel est le même que celui qui a été envoyé par Dieu à Abraham pour qu'il épargne son fils. Parce qu'Abel sacrifie des béliers, il ne tue pas son frère. Parce que Caïn ne sacrifie pas d'animaux, il tue son frère. Autrement dit, l'animal sacrificiel évite le meurtre du frère et du fils. C'est-à-dire qu'il fournit un exutoire à la violence...» (*) (René Girard)

Sommes-nous vraiment sortis de l'ère des sacrifices humains ?
«
Par l'imprimé, la parole et les images, les médias d'aujourd'hui reprennent le sacrifice humain, le représentent et le multiplient avec une frénésie telle que ces répétitions recouvrent notre civilisation de barbarie mélancolique et lui font subir une immense régression en termes d'hominisation. Les technologies les plus avancées font reculer nos cultures aux ères archaïques du polythéisme sacrificiel...» (*) (Michel Serres)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Waglioni a dit…

Il y a une donnée qui est comme la lettre volée, si évidente qu'elle nous semble invisible, c'est celle, historique, de l'antériorité des doctrines végétaristes (Indouisme, Bouddhisme, Pythagorisme…) tous antérieurs ou touchant au cinquième siècle avant Jésus Christ. Et que fait Jésus Christ, justement, dans l’acte le plus marquant, le plus spectaculaire et qui lui vaudra la mort, l'acte qui est son seul exemple de violence ? Il chasse les marchands du Temple. Ces marchands sont justement et uniquement ceux du commerce de la viande, vendue au Temple conçu alors comme le seul abattoir licite. S'en prenant ainsi à ce commerce, il délivrait un message de végétarisme. Et aussi il condamnait le kascherisme (ce qui lui vaudra la haine fondamentale des tenants du judaïsme).

Le Coran aussi recommande de ne pas "consommer d'animal mort", donc pris à la lettre, cette défense devait mener au respect d'un strict végétarisme. Mais bien au fait que cela soit difficile à faire admettre dans une société largement structurée autour de l'élevage et du nomadisme, le Coran détaille ensuite tout une série de précautions à prendre si l'on doit absolument contrevenir à ce premier interdit : prière rituelle, pas de souffrance infligée, pas de sang consommé, et surtout, modération et relation directe entre la victime et celui qui doit la manger. Toutes choses absolument contredites par les pratiques actuelles, par les civilisations actuelles qui se réclament peu ou prou de ces textes.