Commémorons le Soldat Inconnu Congolais

L’année 2008 est une année riche en Histoire et tout particulièrement le mois de novembre puisque le 15 marque le centenaire de la reprise du Congo de Léopold II par l'Etat belge et le 11 correspond au 90ème anniversaire de l’armistice de la Grande Guerre. Ces deux dates sont intimement liées puisque le peuple congolais a joué un rôle essentiel dans les deux guerres mondiales.

En présence de représentants du gouvernement, les cérémonies annuelles autour des monuments comme les stèles et les statues érigées dans de nombreux lieux publics, contribuent à la construction d’une histoire officielle au service d’une mémoire nationaliste. Or, ces commémorations occultent le rôle des minorités qui ont largement été utilisées pour la construction de la prospérité économique et la puissance de nos nations.

Alors que durant la Grande Guerre de 1914 à 1918, des soldats congolais se sont battus en Europe, en Afrique et ailleurs dans le monde sous la bannière de la Force publique (l’armée coloniale du Congo belge) ou comme volontaires, aucun monument ne leur rend hommage. Qui connaît le combat mené par les Congolais sur le front d’Yser en octobre 1914 ? Qui se souvient de Paul Panda Farmana qui créa avec ses compagnons, rescapés de 1914-1918, l'Union Congolaise qui visait la reconnaissance des droits des vétérans de la Grande Guerre ?
Pendant la guerre de 1940 à 1945, près de 85 % des ressources du gouvernement belge viennent de sa colonie. Sur le terrain, les troupes congolaises se battent notamment en Abyssinie (Ethiopie) contre les Italiens, en Afrique de l’Ouest contre des colonies françaises fidèles au régime de Vichy.

Le rôle des soldats congolais dans les victoires des deux guerres mondiales est incontestable. Il est grand temps de leur rendre hommage ! C’est l’objectif que s’est fixé le Collectif « Mémoires Coloniales », en collaboration avec l’association Riga Square d’Afrique qui organise le 11 novembre à 11h00 au square Riga de Schaarbeek une commémoration au Soldat Inconnu Congolais, suivie d’un hommage à Paul Panda Farmana et d’un « parcours des mémoires ». Comme le rappelle l’écrivain et historien Antoine Thsitungu Kogolo, « il s'agit de poser les jalons d'une nouvelle lecture de l'histoire belgo-congolaise et euro-africaine, de redonner un visage et une voix aux combattants congolais de deux grandes guerres et de les réhabiliter comme des véritables acteurs de l'histoire de la Belgique. Cette dernière leur doit pour une bonne part la sauvegarde de ses libertés démocratiques menacées par la barbarie ».

Au-delà de la reconnaissance, le collectif Mémoires Coloniales exige des réparations versées par la Belgique au peuple congolais. En 1945, Bruxelles évalue forfaitairement à 4 milliards de francs belges de l’époque (750 millions d’euros) la « dette de guerre ». Comme le souligne l’historien Anicet Mobé Fansiama : « Dès 1943, le gouverneur général Ryckmans déclare devant le Conseil du gouvernement : ‘Comme nous, les indigènes ont travaillé pour la guerre. Ils en ont souffert plus que nous. Le solde est une créance sur l’avenir à laquelle la Belgique devra faire honneur’. Pourtant, jamais les transferts de fonds de Bruxelles vers Kinshasa n’ont été à la hauteur de la dette contractée ».

Au contraire, aujourd’hui, c’est à la République Démocratique du Congo qu’on demande de rembourser une dette illégitime largement héritée de la dictature de Mobutu avec la complicité active des riches créanciers du Nord comme la Belgique. Rappelons aussi qu’une partie de la dette actuelle de la RDC est directement issue de la période coloniale puisqu’au moment de l’indépendance en 1960, la Belgique et la Banque mondiale ont organisé le transfert de la dette coloniale contractée par la métropole sur le dos du Congo, en violation totale du droit international .

Pauline Imbach (membre du Collectif « Mémoires coloniales » et du CADTM Belgique )

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