Les préparatifs de l’aviation israélienne au dessus de la Méditerranée et les récentes déclarations de responsables politiques israéliens laissent craindre une confrontation prochaine entre Israël et l’Iran. Le résultat d’une équation complexe (qui comprend comme variables les élections présidentielles américaines, les effets des sanctions de la communauté internationale et les progrès des scientifiques iraniens), déterminera si l’Etat hébreu lancera une attaque sur les installations militaires iraniennes.
La trajectoire entre les Etats-Unis et Israël d’une part et l’Iran de l’autre évoque celle de deux trains lancés l’un contre l’autre sur une voie unique. Malgré l’existence d’un certain nombre d’aiguillages et de voies de sortie qui permettraient d’éviter un conflit armé, rien ne dit que les acteurs de cette crise sans précédent souhaitent les emprunter. Un moment atténué par la publication du rapport de l’ensemble des agences américaines de renseignement, le 3 décembre dernier, rapport qui avait conclu à la fin d’un programme militaire à l’automne 2003, les menaces d’intervention contre l’Iran ont récemment redoublé d’intensité.
Il y a eu, tout d’abord, les manœuvres d’entraînement menées par l’aviation israélienne au dessus de la Méditerranée orientale pendant la première semaine de juin. Selon le New York Times qui a rapporté l’information par l’intermédiaire de sources anonymes au sein du Pentagone, les exercices ont mobilisés une centaine de chasseurs-bombardiers F-16 et F-15 et visaient à préparer une intervention sur les installations nucléaires iraniennes. L’autre objectif, plus immédiat, était d’envoyer un message aux dirigeants iraniens pour leur signifier la détermination d’Israël à agir si l’Iran ne renonçait pas à suspendre ses activités d’enrichissement.
A la même période, des responsables israéliens n’ont pas hésité à menacer directement l’Iran : « Si l'Iran poursuit son programme de mise au point d'armes nucléaires, nous l'attaquerons, a déclaré le 6 juin Shaul Mofaz, ministre des Transport et ancien ministre de la Défense. Attaquer l'Iran pour donner un coup d'arrêt à ses projets nucléaires sera inévitable », a-t-il ajouté. Si la volonté israélienne de mettre fin au programme atomique iranien ne fait aucun doute, le raid mené par l’aviation israélienne sur un site soupçonné d’abriter des installations nucléaires en Syrie le confirme. Reste à savoir si l’Etat hébreu dispose des moyens militaires nécessaires. Selon plusieurs analystes, les forces aériennes israéliennes ne possèdent pas à l’heure actuelle la puissance de feu suffisante pour anéantir l’ensemble des installations iraniennes, dont une partie pourrait être clandestine.
Le temps joue pour l'Iran
Ces exercices militaires forts peu discrets et ces déclarations martiales interviennent dans un contexte particulier. Les sanctions économiques adoptées contre la République islamique par la communauté internationale n’ont pas réussi, jusqu’à présent, à convaincre l’Iran d’abandonner ses activités d’enrichissement. Et rien n’indique qu’un renforcement de celles-ci, malgré le coût de plus en plus élevé sur l’activité économique en Iran, parviennent à faire ployer le régime des mollahs. Même si selon les services de renseignements occidentaux, les scientifiques persans semblent rencontrer de nouvelles difficultés dans le développement de leur programme, en particulier dans le fonctionnement des centrifugeuses, le temps joue pour l’Iran. En effet, il n’est pas dit que la prochaine administration américaine, surtout si Barack Obama est élu à la présidence, sera encline à lancer une attaque aérienne préventive sur l’Iran pour détruire ses installations et déclencher un conflit aux conséquences incalculables.
Du point de vue israélien, pour des raisons à la fois de capacités militaires et de coût politique, le programme nucléaire iranien devrait être « traité » par les forces aériennes américaines. Cette position pourrait rencontrer les intérêts d’une partie du camp républicain conscient que le déclenchement d’hostilités avec l’Iran favoriserait l’élection de John McCain à la Maison Blanche. Un des principaux conseillers du sénateur de l’Arizona a illustré l’intérêt républicain pour une confrontation, le lundi 23 juin, avec une désarmante franchise. Lors d'une interview dans le magazine Fortune, Charlie Black a déclaré qu'un attentat terroriste du type de celui du 11-Septembre « serait à coup sûr un grand avantage pour le candidat républicain ». Caricature du cynisme politique, Charlie Black a précisé que l’assassinat de la chef de l’opposition pakistanaise Benazir Bhutto en décembre avait permis à John McCain de devenir le candidat des républicains. « Sa connaissance du sujet et sa capacité à en parler a encore une fois souligné qu’il est celui qui est prêt à être le commandant en chef », a-t-il déclaré. « Et ça nous a aidés ».
D’autres personnes en revanche estiment que dans le cas où Georges Bush n’ordonnerait pas une attaque avant la fin de son mandat, Israël pourrait lancer une attaque sur l’Iran après l’élection de novembre. C’est le cas de John Bolton, ancien ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU et figure du clan néoconservateur pour qui « la fenêtre idéale » pour des frappes se situerait entre le 4 novembre et la prise de fonction le 20 janvier 2009. « Les Israéliens ont un œil sur le calendrier à cause du rythme auquel les Iraniens avancent à la fois sur le développement de leurs capacités nucléaires et sur les moyens qu’ils mettent en œuvre pour augmenter leur défense en achetant de nouveaux systèmes anti-aériens russes et en renforçant la protection de leurs installations nucléaires ».
En tout état de cause, une confrontation entre Israël et l’Iran apparaît probable, quelle se fasse directement ou que celle-ci soit menée par l’intermédiaire des Etats-Unis. Les Israéliens, qui portent en eux de manière vivace le souvenir de l’Holocauste, prennent au pied de la lettre les menaces du président Mahmoud Ahmadinejad de « rayer Israël de la carte ». Pour l’Etat hébreu, la possession de l’arme nucléaire représente un risque existentiel qu’il n’est pas prêt à prendre. La maîtrise complète du cycle nucléaire est pour Téhéran une nécessité pour des raisons de prestige national, de volonté de puissance régionale et surtout, même si les Iraniens affirment ne pas vouloir posséder la bombe, pour sanctuariser leur territoire contre toute possibilité d’invasion ou d’attaque étrangère. Une menace qui s’est considérablement accrue avec l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis en 2003.
Mehdi BenchelahEn Anglais
A contrario
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