Le dirigeant de l’assocation anti-raciste Jesse Jackson a attiré l’attention sur ce qui semble avoir été une volonté délibérée des courtiers en crédits de pousser les clients Noirs et Latinos vers des prêts immobiliers dits “à risque” (subprime), c’est à dire consentis à des ménages à la solvabilité fragile mais en échange de taux d’intérêt très élevés.
Quand un client Noir ou Latino se présentait pour un crédit immobilier, on lui vendait du “subprime”, indépendamment de sa solvabilité. Alors qu’il aurait pu bénéficier d’un crédit aux taux normaux et aux traites modérées, il se retrouvait à payer un malus élevé, simplement à cause de la couleur de sa peau.
Aujourd’hui ces emprunteurs sont doublement floués : ils ont payé des traites élevées, parfois pendant des années, et se retrouvent aujourd’hui à la rue, l’établissement préteur saisisant leur maison pour défaut de paiement . . . La banque, elle, est doublement gagnante. Elle a gagné de l’argent sur le dos de ces emprunteurs à travers des taux d’intérêt élevés et elle récupère la maison (même si celle-ci est fortement dévaluée, elle garde néanmoins une certaine valeur marchande).
Selon Jackson :
“Il fut un temps où on pratiquait le “red lining” (profilage) dans certaines banques. Si vous habitiez dans un certain quartiers, on ne vous prêtait pas d’argent. Aujourd’hui nous assistons à un “redlining” à l’envers. Si vous êtes Noir ou Latino, même si vous remplissez les conditions pour pouvoir bénéficier d’un crédit “prime”, on va délibérément vous pousser vers des contrats “subprime”. Dans les deux cas, c’est une violation des lois anti-discriminatoires.”
Invité du Sommet économique de la “Rainbow PUSH Coalition” qui s’est tenu à Wall Street, en janvier dernier, Martin Gruenberg, vice-président de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) a donné des chiffres qui illustrent cette constatation :
“En 2005 et 2006, plus de 50% de tous les crédits accordés aux Africains-Américain ainsi que plus de 40% des crédits accordés aux Latinos étaient des contrats “subprime” - comparez cela au fait que seulement 19% des crédits accordés aux Blancs étaient “subprime”.
Et quand on analyse les cas individuels des demandeurs de crédit, on se rend compte qu’un sixième seulement de ces contrats a été accordé sur la base de la solvabilité de l’emprunteur. Si vous êtes Noir ou Latino, vous payez automatiquement plus cher que si vous êtes Blanc”
Le New York Times s’est appuyé sur les données obtenues via la loi “Home Mortgage Disclosure Act” (qui permet d’obtenir les détails des crédits immobilier consentis). Son enquête montre que - à salaire et solvabilité égal - dans des villes comme New York, Boston, Washington et Philadelphie, les Africains-Américains et les Latinos sont deux à trois fois plus nombreux à avoir des crédits immobiliers subprime à taux d’intérêts élevés.
Dans un article publié en novembre 2007 , le New York Times a mené l’enquête dans deux quartiers résidentiels de la région de Detroit - l’un avec une population à 97 % blanche et avec un revenu moyen de 51 000 US$, l’autre avec une population à 97 % noire, avec un revenu moyen de 49 000 US$. En 2006, 17% des crédits accordés dans le quartier Blanc étaient “subprime”, tandis que dans le quartier Noir, 70% des crédits accordés étaient “subprime”.
Le procureur général de l’Illinois Lisa Madigan a enfoncé le clou à l’antenne de la radio publique nationale :
“Un Africain-américain gagnant plus de 100 000 US$ par an avait plus de chances de se retrouver avec un crédit subprime à taux d’intérêt élevé, qu’une personne Blanche gagnant moins de 35 000 US$ par an. Il ne fait aucun doute que nous sommes en face d’une situation clairement discriminatoire“.
Le New York Times indique également que “environ 90 % des crédits subprime accordés entre 2004 et 2006 l’étaient avec des taux variables non cappés. Autrement dit, vous pouvez facilement voir doubler le montant d votre traite mensuelle. Et 70 % des crédit subprime comportent des pénalités en cas de remboursement anticipé - contrairement aux crédits “prime” dont seulement 2% comportent ce type de pénalité. . . “.
Pour Amy Wittman de la Coalition de défense des locataires :
“Non seulement on a floué les pauvres en leur faisant miroiter un statut de propriétaire mais en plus on profitait sur leur dos en leur facturant des taux d’intérêt deux à trois fois plus chers que la normale.
Les crédits subprime ce n’est rien d’autre qu’un loyer déguisé, et en plus un loyer très cher. Vous n’êtes pas propriétaire de votre maison tant que vous n’avez pas fini de payer… et si vous cessez de payer, vous perdez votre maison, sans récupérer les intérêts très elevés que vous avez payé sur les traites. Quelle est la différence par rapport à un locataire ?
De plus, le locataire est protégé par la loi et ne peut être évincé en cas de faillite personnelle. Mais le “propriétaire” n’a pas cette protection et la banque peut venir lui saisir sa maison quand elle veut.”
A ce jour, plus de 2.2 millions de crédits immobiliser “subprime” sont déjà en défaut de paiement aux Etats-Unis, accompagnés à chaque fois de la saisie de la maison - c’est le plus fort taux de saisie depuis la Grande Depression des années 1930. A ce jour, la valeur totale des pertes est estimée à 164 milliards de dollars. . .
Sources :
THE NATION : Where Did The Water Come In ? - http://www.thenation.com/blogs/edcut?bid=7&pid=287768
THE NEW YORK TIMES : What’s Behind The Race Gap ? - http://www.nytimes.com/2007/11/04/weekinreview/04bajaj.html?scp=1&sq=What%92s+Behind+the+Race+Gap%3F&st=nyt
Le statut social de "non-blanc" illustré par la crise des subprimes...
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