Ta mère...!

"Bruxelles est la seule ville arabe, où ne règne pas la guerre... " (Arno, Philosophe belge, lorsqu'il n'est pas écroulé sous une table de l'Archiduc...).

Déplacements de sac dans le métro, regards de biais sur les trottoirs, gestes mécaniques de méfiance, automatismes de crainte, mimiques méprisantes, postures dédaigneuses, tout ces mains molles qui vous sont tendues, ces bonjours forcés et sans conviction, ces tutoiements sans raison d'être, tout ces petites humiliations, infimes offenses, vexations à répétition dont il faut vous rengorger, tout ce climat de suspicion, cette ambiance de culpabilité diffuse, tous ces procès perpétuels en indignation auxquels vous devez vous habituer. L'insécurité n'est pas toujours là où on croit qu'elle est... Le schéma qui organise ce semblant de pensée demeure le même. Taxinomie douteuse, classement aux faciès fantasmatique, phénoménologie à la petite semaine, esprit buté qui croit vous connaître de toute éternité, essentialisme de bazar, archétype de l'arabe en soi (sale, voleur et fourbe), racisme à la sauvette, sous le mentau, rampant, de contrebande, qui ne s'avoue pas, on a beau dire la différence toujours se hiérarchise, c'est deux poires pour une pomme...Et à tout prendre, ce faire refoulé par un cerbère de discothèque, souvent aussi bronzé que vous, ça soulage, car cela a le mérite d'être clair, la poire c'est lui... Et toujours cette symétrie du pire. Œillades appuyées et fielleuses ou regards furtifs qui passent sur vous comme si vous étiez une ombre: "déni de sale gueule" ; élément surnuméraire ou être fantomatique à l'existence sujette à caution, voilà la seule alternative. Votre être-là déborde, est de trop, ou bien, vous n'existez pas, symboliquement, on vous a tué. Vous rentrez dans un magasin de fringues, un supermarché, on ne voit que vous. Vous commandez un pot dans un bistrot, vous n'existez pas. Elephant man ou l'homme invisible, l'impensé du social, passant du trop plein au trop vide en un tour de main, cela vous fait des personnages fantastiques. La chose est entendue vous êtes un sous-homme, tout au plus un citoyen de seconde zone. Et une fois la tolérance sortie de son seuil, de sa maison, des relents épouvantables de pitié ou de mauvaise conscience subsistent encore. L'amalgame est bien sur du rendez-vous. Confusion sciemment entretenue, machine à fabriquer de l'autre, car l'altérité ça met de l'ordre, ça hiérarchise, ça structure: étrangers, immigrés, allochtones, "jeunes", "sans papiers, réfugiés… "Nous et les autres", et les autres, c'est cette énorme marmelade informe. A nous la complexité à eux la caricature ! Tout ça est utile, tout ça fait système, tout ça se décline dans le quotidien, la distribution des rôles se faisant ailleurs, le rôle n'est pas reluisant mais les stigmatisés jouent le jeu, le pestiférés finis par aimer la peste, voilà même qu'il se met à la brandir comme un totem, n'est-ce pas là le summum de l'aliénation, que de combattre l'aliénation par des moyens aliénés… Et pour "se tirer d'embarras sans se tirer d'affaire", les plus doués emploient la diagonale du fou, la stratégie du bouffon, jouent de cette culture de l'entre-deux comme personne et en deviennent insaisissables (y compris à eux-mêmes et c'est peut-être ça leur drame!). Les plus opportunistes font les "nègres blancs", prosélytes sans conviction, et après avoir vendu le peu d'âme qu'il avait, et à un prix dérisoire, sont condamnés à montrer patte blanche, sans rémission, jusqu'à la fin des temps. Les plus sensés, sagesse impuissante et hâbleuse, se replient dans leur "conscience malheureuse", et continuent leur numéro lassant de singe savant : car toujours il faut raison gardée... Et puis, il y a le mélange des genres dont la majorité use en se croyant très rusée. Tout cela n'est pas qu'affaire de haute sphère et d'idées, sur la terre des hommes, tout est concurrence, tout est "marché". Aussi ce racisme culturel (codes et signes d'appartenance), cette acculturation obligatoire, où il faut laisser sa culture au vestiaire, ce réflexe distinctif (tiens un bougnoul qui lit Le Monde...!) sont bien utiles, ils permettent les évidences que sont la discrimination à l'embauche, la ségrégation résidentielle, scolaire, professionnelle, la sur-représentation dans les prisons... : un arabe c'est un arabe, deux c'est une bande et trois, une invasion… Ca marche aussi avec "nègre" ou Turc ! Et si la nuit tous les chats sont gris, les pensées en Europe, en ces temps crépusculaires, tendent au brun, n'oubliez pas ceci, vous pourriez arpenter le Maghreb votre vie entière, vous ne rencontrerez pas le très poétique : "ta mère", car, que ce soit plaisant ou non, tout comme ses usagers, c'est une création de par ici, c'est-à-dire un hybridion magnifique...


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