Sauvons Willy !

Un racisme partagé et couvert par les plus hautes instances bruxelloises ? Non vous rêvez… ! « S’il s’agit de la personne de haute taille et de couleur, je vais le tuer (…) Si c’est lui, le génocide du Rwanda n’est pas terminé. » Willy De Cook (Email), amateur de bon mot et de calembour à la Le Pen, souvenez-vous du "durafour crématoire", et accessoirement directeur de « Bruxelles Export » (sic), ne croit pas si bien dire pourtant. Car la vérité, par instant, affleure même de la bouche d'un idiot, ainsi si Willy, et son humour exquis se propose de terminer le travail, ce travail avait été inauguré par notre vieille Belgique, il est des traditions qui ne se perdent pas. Sait-on que le massacre des Tutsis et des Hutus modérés n’a pas commencé en 1994, mais à la fin des années 50. Une période sombre fomentée, selon certains récits, par les autorités belges, qui auraient monté les Hutus contre les Tutsis...

Le génocide rwandais est plus que quarantenaire. Il représente des massacres qui ont coûté la vie, selon l’Organisation des Nations Unies (Onu), à quelque 800 000 Tutsis et Hutus modérés. Mais la chasse aux Tutsis a commencé bien avant 1994. Certains estiment que ces événements, dont le petit pays d’Afrique centrale peine encore à se remettre, seraient le fruit d’une haine ancestrale entre Hutus et Tutsis. Mais d’autres assurent qu’ils ont été orchestrés par la force coloniale belge, désireuse de garder une population docile sous sa coupe, même après l’Indépendance. Selon cette théorie, donc, le génocide a bien été planifié. Mais en premier lieu par les Belges, qui ont fait des Hutus des machines à haïr et tuer.

Hutu et tutsi ne sont pas des ethnies

Personne ne sait vraiment d’où viennent les Tutsis. Selon certains récits, ils seraient arrivés à l’Est du Rwanda aux 13e et 14e siècles et auraient progressivement gagné l’intérieur du pays. Pays à l’époque déjà peuplé de Hutus. Bien que venus d’horizons différents, Hutus et Tutsis n’étaient pas vraiment des étrangers les uns pour les autres. Ils « partageaient la même langue, la même religion. Ils respectaient le même système d’interdits et tous reconnaissaient, au sommet de la pyramide sociale, le pouvoir prestigieux d’un roi sacré, maître de la nature et de la société », expliquait en 1994 Luc de Heusch, professeur d’anthropologie et cinéaste, dont certains travaux traitent de l’histoire du Rwanda.
La minorité Tutsie occupe le haut de l’échelle sociale. C’est elle qui met en place une monarchie, dont le pouvoir suprême se transmet de père en fils. Etre Tutsi c’est aussi « être propriétaire de bétail, exercer une fonction politique ou avoir sous sa dépendance un certain nombre de clients hutus », selon Luc de Heusch. Les Hutus sont pour la plupart des paysans et les Twas, une autre minorité, s’adonnent principalement à la chasse.
Cette répartition des tâches n’est pas une affaire ethnique. « Les termes ‘Hutu’ et ‘Tutsi’ désignent des groupes sociaux, qui étaient d’ailleurs ‘malléables’. Une bonne action pouvait faire d’un Hutu un Tutsi et un Tutsi pouvait perdre son rang s’il se comportait de façon indigne », explique André-Martin Karongozi, l’un des fondateurs d’Ibuka, une association assurant la préservation de la mémoire du génocide et la défense des droits et intérêts des survivants.

La Belgique crée la division ethnique

Le royaume rwandais devient indépendant, sous protectorat allemand, en 1895. La présence germanique est très discrète. Il n’en sera pas de même avec la reprise du mandat par la Belgique en 1916. Le pouvoir colonial voit en la minorité tutsie une élite, qu’il promouvra dans les administrations. Mais au fil du temps, l’insoumission des Tutsis inquiète Bruxelles, qui retourne sa veste dans les années 1950. Les missionnaires belges forment des intellectuels hutus, présumés plus dociles, alors qu’une campagne de diabolisation des Tutsis bat son plein. Certains Belges répandent l’idée qu’ils sont « des colons, des étrangers venus envahir les Hutus. Une idée qui était même exprimée de façon implicite dans l’hymne national du pays. Un revirement notamment cautionné par l’Europe », raconte André-Martin Karongozi.

Les Hutus ne seraient pas restés insensibles à ces interpellations et auraient commencé à clamer qu’ils sont « les seuls vrais autochtones. Qu’ils n’ont pas à rester inféodés à des étrangers. Que ce sont eux les plus nombreux (les Hutus représentaient plus de 80% de la population, ndlr) et que ce sont à eux que reviennent de fait les postes clés du pays », précise le membre fondateur d’Ibuka. Certains Hutus formés par les missionnaires « construisent le “Parmehuti”, un parti politique constitué sur base ethnique », explique-t-on chez Ibuka. « C’est l’opportunisme politique belge qui a transformé les catégories sociales hutue et tutsie en ethnies. L’objectif était de diviser la population pour mieux la contrôler », commente André-Martin Karongozi.

Quarante ans de massacres en série

En 1959, la Révolution Hutu éclate. Et avec elle, la fin du système monarchique, la chasse aux Tutsis et les premières tueries. Le tout « soutenu et encadré par les forces belges en poste, dont le colonel Logiest et le Gouverneur Jean Paul Harroy, qui se sont vantés d’avoir monté les Hutus et les Tutsis les uns contre les autres sans avoir consulté le pouvoir central à Bruxelles », commente André-Martin Karongozi. Des Tutsis fuient en Ouganda. D’autres sont déportés de force, principalement au nord du pays. En 1961, les Belges installent au pouvoir le premier Président du Rwanda : Grégoire Kayibanda, qui n’est autre que le leader du Parmehuti. Un an plus tard, la Belgique accordera l’indépendance totale au pays. Grégoire Kayibanda restera onze ans au pouvoir, avant que le général Juvénal Habyarimana ne prennent la tête du pays. Il instaurera une dictature, dans laquelle « tout citoyen rwandais fait d’office partie du parti unique, le MRND (Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement, ndlr), quelle que soit la mention (Hutu, Tutsi ou Twa) de sa carte d’identité », explique Ibuka.
Le Front patriotique rwandais (FPR) de l’actuel chef de l’Etat Paul Kagame attaque le pays, en 1990, à partir de l’Ouganda. Selon Ibuka, « les troupes armées de la France de François Mitterrand sauvent le régime, qui arrête en masse les opposants, tandis que ses milices (les Interahamwe) massacrent des milliers de civils tutsis dans plusieurs régions ». Parmi lesquelles celles où ils ont précisément été déportés quelques années plus tôt. « Des listes avec les noms des personnes à abattre circulaient dans le pays. Les Tutsis ont notamment été décimés à Kibilira dans le nord ou à Bugesera dans le Sud. La communauté internationale était au courant de ce qui se passait. Dès 1993, une commission internationale réunissant plusieurs organisations africaines et européennes ont participé à l’élaboration d’une enquête faisant état des massacres », raconte André-Martin Karongozi.
Plus de trente ans de persécutions. Pourtant, du génocide rwandais la communauté internationale ne retiendra que la date du 6 avril 1994. Date à laquelle feu le Président Juvénal Habyarimana trouva la mort dans un accident d’avion encore non élucidé. Une date considérée pour beaucoup comme le point de départ du génocide, mais qui serait en réalité le point d’orgue de quarante ans d’une haine instrumentalisée.

Habibou Bangré

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