La Bombe de Damoclès

On y va tout droit. Il suffit de refeuilleter la presse depuis deux ans, pour comprendre que la guerre contre l’Iran est déjà dans les tuyaux. Les journaux ne se trompent jamais quand il s’agit de sentir la merde. Depuis l’élection du président iranien Ahmadinejad en 2005, les médias, tous supports confondus, poussent à lui foutre une bonne branlée « démocratique »... C’était pareil pour l’Irak : du 11 septembre 2001 au 20 mars 2003, la tension médiatisée était montée jusqu’à ce que Bush appuie sur son petit bouton. Dans le cas de l’Iran, où les enjeux sont si différents, le processus est le même. C’est un réflexe obligé des démocraties et de leurs médias englués dans leurs échecs flagrants : aller dérouiller celui qui remplit à merveille, à un moment donné, le rôle imposé du grand méchant loup. Les journalistes et responsables politiques jouent les hypocrites en jurant qu’ils sont en train de tout faire pour éviter cette guerre, mais chacune de leurs mises en garde est un appel déguisé à la mobilisation générale. Ça s’est bien vu dans la gaffe de Kouchner, ministre des Affaires étrangères, qui a spontanément déclaré qu’il fallait se préparer au pire, « c’est-à-dire à la guerre, monsieur ! » Faux tollé général ! Sarkozy rectifie le tir, mais pour la forme car lorsqu’un président a été capable de proposer l’alternative catastrophique suivante : « la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran », on peut faire son paquetage... Kouchner n’a fait qu’exprimer le souhait de millions d’occidentalistes crispés. Si c’était un lapsus, il était révélateur pour tout le monde, pas seulement pour lui. Et sa reculade de principe n’a été qu’une façon de mieux monter au créneau d’un futur « je vous l’avais bien dit ». On oublie un peu vite que le Docteur Kouchner, sans remonter à son Kosovo chéri, était l’un des plus acharnés à aller ratonner Saddam Hussein. « Facile d’être contre la guerre ! » clamait-il quelques semaines avant l’offensive, aux côtés de ses potes pousse-au-crime, les Goupil, Glucksmann et Bruckner. Faut-il ressortir, tout jaunis (ou plutôt tout rougis du sang des 650 000 Irakiens morts depuis), les ignobles articles de cette bande de névrosés irresponsables toujours prompts à envoyer le plus possible de monde au casse-pipe chez Mahomet ? Le climat est au bellicisme le plus injustifié et les Français ne trouvent rien d’autre à faire que la grève pour des histoires de justice sociale!... Sarko prépare tous les jours l’opinion à lutter contre la barbarie et pour la résistance à tous les totalitarismes... En quoi la lecture obligatoire de la lettre d’un jeune homme, fusillé en 1941, peut servir d’exemple à la conduite de ceux d’aujourd’hui ? Mais c’est tout simple : il faut les habituer à mourir pour un grand idéal. En l’occurrence, celui d’empêcher demain Téhéran d’avoir la bombe atomique. Guy Môquet est le premier mort de la prochaine guerre. Sarkozy oublie juste de rappeler que la Droite (son camp), avait tout fait jadis pour que le pays tant détesté aujourd’hui ait la force nucléaire. Tricastin, Eurodif, ça ne dit apparemment plus rien à personne... Que d’enrichissements dans tous les sens !... Incohérente France ! Et qui continue de l’être, car pour libérer des infirmières bulgares prisonnières en Lybie, Sarkozy n’a pas hésité à promettre à Kadhafi de quoi fabriquer une bombe. En coulisse, des sales cons préparent les fusils Lebel et les bandes molletières pour les pioupious anti-perses. Il est temps d’aller stopper l’Iranien à l’uranium ! Les réticents seront accusés d’être des Munichois, le ton va monter, des inspecteurs d’armes de destruction massive vont proposer leurs services (déjà ce nul de Mohamed el Baradeï repointe son museau morveux), d’énormes manifs mondiales de pacifistes ne vont servir à rien, des ultimatums vont succéder aux résolutions, l’ONU va refaire caca dans son vieux slibard, l’Europe va finalement se coller aux États-Unis, et boum ! Tout pareil, je vous dis ! Petite différence : cette fois, pour attaquer l’Iran, le mobile est nettement avoué : il s’agit de protéger Israël. « Je ne transigerai jamais sur la sécurité d’Israël. » a décidé Sarkozy pour toute la France qui l’a élu et qui commence à comprendre qu’il n’est pas seulement un mec de droite décomplexé. Il est aussi un défenseur acharné (et très bien entouré) de ce pays dont il a dit qu’il ne pouvait « qu’admirer le fonctionnement démocratique et les performances économiques ». N’en jetez plus ! Au moins, les néo-va-t-en guerre ne cachent plus leur motivation sous des prétextes plus ou moins « moraux » de démocratisation d’un pays arabe ou de déboulonnage d’un dictateur musulman. Ils abattent leurs cartes, ou plutôt leur carte, car il s’agit bien d’un problème de carte... L’escroquerie intellectuelle consiste à dire que d’un côté Ahmadinejad veut la bombe et que de l’autre il veut rayer Israël de la carte, et d’en conclure donc : il veut rayer Israël de la carte avec la bombe ! Ce raccourci est bien pratique et rassembleur. Puisque apparemment personne ne s’y colle, je réponds à ce sophisme cousu de fil blanc par des malhonnêtes professionnels et sur mesure pour les paranos et les naïfs. Premièrement, Ahmadinejad n’a jamais dit qu’il voulait rayer Israël de la carte. C’est pourtant ce qui se répète partout, de journalistes-perroquets désinformés en spécialistes-autruches catastrophés. La phrase « scandaleuse » a été extraite d’une conférence prononcée à Téhéran le 26 octobre 2005 et intitulée Le Monde sans Sionisme. En anglais : «The World without Zionism »... On voyait Ahmadinejad devant une affiche allégorique représentant le globe terrestre sous la forme d’un sablier géant qui s’est déjà délesté de l’Amérique, c’est-à-dire d’un oeuf cassé au fond du sablier, et dont un autre oeuf, orné de l’étoile de David, est en train de chuter lui aussi, et bientôt se cassera. Les scandalisés se sont bien gardés de dire que le « nazi » Ahmadinejad (pour qualifier un iranien, « aryen » aurait suffi ) exposait là une utopie, pour l’instant irréalisable : celle d’un monde sans sionisme, c’est-à-dire sans cette politique internationale de colonisation de Palestiniens, et de culpabilisation du reste de la planète. Un monde soulagé soudain de cette chape de responsabilité collective qui l’étouffe depuis soixante ans pour préserver la mémoire d’une Shoah qui ne concerne pas un quart de la population mondiale, et qui prétend continuer d’empoisonner la conscience des nouvelles générations. Pour Ahmadinejad, il y en a marre de vivre avec cette « faute» imposée par des maîtres-chanteurs et sur laquelle prospère un État criminel. La seule faute que les peuples devraient ressentir, c’est de laisser Israël détruire la Palestine tous les jours un peu plus, sans jamais réagir par peur d’être accusés d’antisémitisme. Ahmadinejad n’a pas peur car il ne cesse de le répéter (et on ne veut pas l’entendre): il n’est pas contre les Juifs, il est contre les sionistes, et ses questions sont légitimes : « Pourquoi la Palestine devrait payer pour un holocauste d’Européens ? », « Si on trouve légitime qu’Israël occupe la Palestine, pourquoi ne trouve-t-on pas légitime que Hitler ait occupé la France ? » «Pourquoi l’ONU n’enquête-t-il pas sur la façon dont Israël s’est doté de la bombe atomique ? » Déjà, l’année dernière, à la « Journée mondiale de Jérusalem» (créée par l’ayatollah Khomeyni), Ahamadinejad avait prononcé un discours important en demandant à l’Europe « d’abandonner Israël ». Le jour où les Européens, puis les Américains (ça viendra) stopperont leur soutien inconditionnel aux criminels de Tel Aviv, le monde ira mieux, et dans tous les domaines. Cette évidence, Ahamadinejad est le énième esprit lucide à l’énoncer. Rien d’étonnant à ce que les ennemis de la libération du monde tronquent ses phrases. Après avoir expliqué que l’État sioniste était « la tumeur du Moyen-Orient », le président iranien a cité l’ayatollah Khomeyni, mais les désinformateurs ont supprimé son « comme disait l’Imam» pour ne laisser dans sa seule bouche que le «projet » de rayer Israël de la carte. Le problème, c’est que ni le mot carte, ni le mot rayé, ni même celui d’Israël n’a été prononcés par Ahmadinejad. D’abord, parce que l’État hébreu est « rayé » d’office des cartes de géographie de tous les pays musulmans dignes de ce nom (Regardez une carte du Liban, vous avez un grand vide au sud ) ; ensuite parce qu’Ahmadinejad n’a fait allusion ni au pays, ni au territoire, mais à ce qu’il appelle précisément « le régime usurpateur de Qods »...


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