Putes et soumises à l’ordre postcolonial

Machine à fabriquer un racisme vertueux en désignant la figure détestable du « garçon arabe » à la vindicte populo-médiatique, au discours caricatural, sans aucune base sociale réelle, à l'opportunisme tant médiatique que politique sans limite, qui récupére tous les faits divers les plus sordides qui vont dans le sens d'un combat plus que douteux , et cela même au détriment des victimes(1), cette boursouflure associative s'appelle poétiquement "Ni putes ni soumises". Sa version belgicaine, comme il se doit, de part sa médiocrité mimétique, est encore pire que l'original...

« Permettez-moi (...) de saluer votre maman qui nous a rendu un grand service en vous mettant au monde » dit Jacques Chirac à Fadela Amara lors de l’inauguration de la Maison de la mixité, le 8 mars 2006. Avant, le 8 octobre 2004, lors de la 2ème université d’été du mouvement Ni Putes ni Soumises, il lui disait déjà : « Elle (la France) a besoin de vous ». Pour une féministe blanche, ces messages adressés à Fadela Amara, présidente du mouvement NPNS (Ni Putes Ni Soumises), apparaissent surréalistes, tout autant que sa nomination, en tant que féministe, à une secrétariat d’Etat. En effet, bien que le MLF – à l’exception du groupe Psych et Po – ait revendiqué le terme de « féministe » dans les années 70, dès les années 80 la connotation péjorative du terme était revenue en vigueur. Nouvelles Questions féministes notait alors que « féministe », ordinairement terme d’insulte, était devenu laudatif à partir du coup d’Etat militaire algérien « contre l’islamisme ». Une féministe algérienne était une héroïne, une féministe française une salope frustrée. « Vérité de ce côté de la Méditerranée, erreur en deçà » ? Comment expliquer cette contradiction : le statut des femmes est très important lorsqu’il s’agit de femmes venues du monde musulman, mais la lutte contre le patriarcat est tournée en ridicule, si ce n’est carrément méprisée quand elle concerne la France ? Ce qui se jouait entre les deux rives de la Méditerranée se joue aussi ici depuis plusieurs années. Le deux poids-deux mesures est devenu caricatural, on s’en est aperçu avec les raisons « féministes » de la loi contre le foulard. Les seules femmes opprimées sont les femmes arabes – et plus largement les femmes non-européennes ou d’origine non-européenne. C’est ici que la grille de lecture post-coloniale est éminemment utile : car comment ne pas reconnaître dans ce clivage la fameuse –et infâme –distinction opérée dans l’Algérie coloniale entre les « Français musulmans » et les « Français de souche européenne », les premiers étant des sujets de la République, tandis que les seconds étaient les seuls citoyens de ce département ? Les colonies n’existent plus, mais l’expression « Français de souche », loin de disparaître, connaît une fortune inespérée, et désespérante. Et le genre, comme au temps des colonies, est utilisé pour justifier le maintien de cette ligne de clivage entre les Blancs et les Bougnoules, présentés comme les pires sexistes de notre pays, ou peut-être même les seuls. Quand Nicolas Sarkozy dit, dans son discours du 14 janvier 2007 : « la soumission de la femme, c’est le contraire de la République, ceux qui veulent soumettre leur femme n’ont rien à faire en France », parle-t-il de tous les hommes violents ? Inclue-t-il ceux qui tuent par amour, ou par tradition bretonne ou angevine – une femme tous les trois jours, cela ne s’explique pas par la seule immigration – ou parle-t-il seulement de ceux qui tuent pour de mauvaises raisons, ou de mauvaises traditions ? On penche pour la deuxième hypothèse, sachant que Bertrand Cantat par exemple, déjà gratifié d’une peine minime pour un assassinat (comparez avec les peines des meurtriers « culturels », c’est-à-dire PAS « de souche ») et d’un régime carcéral de faveur, va bientôt sortir de prison, et d’autre part que si on prenait à la lettre les rodomontades de Sarkozy, le pays se trouverait singulièrement dépeuplé de sa composante masculine du jour au lendemain. Fadela Amara a compris tout cela, et propose au groupe dominant – blanc – une offre politique ajustée à sa demande malgré l’effet repoussoir qu’elle suscite chez les populations qu’elle est censée représenter. En effet, cette offre n’est ni plus ni moins que la continuation d’une politique de genre typique de l’ordre colonial. Elle consiste, aujourd’hui comme hier, à « extirper » les femmes arabes et noires de leur milieu. C’est une politique « gagnant-gagnant » car ses deux effets sont tous les deux positifs pour l’ordre établi : l’un pour les dominants en tant que blancs, l’autre pour les dominants en tant qu’hommes. En effet, cette politique d’une part casse les solidarités internes au groupe des « issus de » – en clair des Français de souche non-européenne. D’autre part elle exonère la société blanche de son sexisme, en transformant celui-ci en phénomène exotique, quasiment « importé » (comme quoi certaines délocalisations sont avantageuses). Voilà pourquoi Fadela Amara recevait les honneurs du PS, voilà pourquoi elle reçoit ceux de la droite. La petite trahison politicienne – le passage du PS à l’UMP – est sans importance, comparée à la continuité politique d’un gouvernement à l’autre, depuis trente ans, à l’obstination française dans le racisme et la misogynie, dans la capacité coloniale à lier les deux pour faire d’une pierre deux coups.

(1)« Je peux vous dire que ma sœur, si elle était vivante, ne serait pas une de leurs militantes » (Kahina Benziane)

Houria Bouteldja, porte-parole du Mouvement des Indigènes de la République.
Christine Delphy, directrice de Nouvelles Questions féministes.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

NOUVELOBS.COM | 08.11.2007

Vingt-six comités ont démissionné en bloc du mouvement fondé par Fadela Amara, reprochant à la direction une "remise en cause" de l’"indépendance" de l’organisation.

Fadela Amara lors d’une manifestation de "Ni putes ni soumises" (Sipa) A la veille de l’université d’automne du mouvement, vingt-six comités de "Ni putes ni soumises" ont annoncé, mercredi 7 novembre, leur démission en bloc de l’association fondée par Fadela Amara, devenue secrétaire d’Etat à la Politique de la ville, reprochant à la direction une "remise en cause" de l’"indépendance" de l’organisation. L’université d’automne du mouvement est organisée à partir de vendredi à Dourdan (Essonne). "Depuis l’entrée au gouvernement de Fadela Amara qui avait jeté le trouble chez beaucoup d’entre nous, l’actuelle direction menée par Sihem Habchi, présidente par intérim, n’a pas été capable de définir une ligne politique claire et indépendante", écrivent ces comités dans un communiqué.

"Aucun des engagements" tenu

"Une indépendance d’autant plus remise en question que Mohammed Abdi est maintenu au poste de secrétaire général du mouvement alors qu’il est aujourd’hui conseiller spécial auprès de Fadela Amara" et "seul dépositaire aujourd’hui de la signature des comptes et chèques de l’association", ajoutent-ils. L’actuelle direction "n’a tenu aucun des engagements qui lui avaient pourtant été clairement fixés" par le Conseil national de juin, organisé après l’entrée de Fadela Amara au gouvernement, reprochent les 26 comités démissionnaires, répartis un peu partout sur le territoire. Selon eux également, "tout est entrepris pour faire taire toute voix dissonante". Parmi les comités démissionnaires figurent les comités de Vitry-sur-Seine, Montreuil, Marseille Panier, Le Mans et Grenoble.

http://tempsreel.nouvelobs.com/actu...


Denver

Anonyme a dit…

Ni Putes Ni Soumises : un appareil idéologique d’Etat

http://www.labanlieuesexprime.org/article.php3?id_article=2027


Denver

Le Bougnoulosophe a dit…

Merci Denver, pour ces compléments là...

Sinyweb a dit…

Morte de rire...

Excellent article, cela fait plaisir de voir que l'on est de moins en moins seuls sur la blogosphère...

Anonyme a dit…

@Samira

LOL...

Le Bougnoulosophe a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Ce mouvement n'a rien compris, déjà le titre me fait rire, ça me fait dire vas s'y rebelle toi et fou moi la paix, bref rien à foutre de ton baratin. Je suis pour plus de respect de la femme mais ça sert à rien d'en faire un combat provocateur et conflictuel, je pense que tout le monde à un cerveau! Un la laicité, ils se la mettent au cul, je suis athée mais je suis pour le respect des religions mais en France on a rien compris, la République avant tout! Nous multiculturel, un jour ça arrange d'en parler mais le jour d'après on lui tape dessus à cette France. moi je suis différent et je le revendique et bien pourquoi pas d'autre même si il ne partage pas du tous mes idées!