De chez une vieille dame sous Prozac qui se dépêche de fêter ses 177 ans, de peur de ne pas se voir bicentenaire. D’un pays où tout referendum est jugé inutile, sans doute parce que les mentions peut-être/misschien/wohl ne sont pas prévues sur les bulletins. D’un murmuroir dont les intellectuels les plus écoutés sont des constitutionnalistes, des catapulteurs de pâtisseries, des humoristes désamorcés et le porte-parole de Test-achats. J'écris d’un assemblage fortuit de territoires dont la seule vision eschatologique repose sur des guéguerres d’acronymes. J'écris d’une nuit blanche où les gens se forcent à rester éveillés pour témoigner que le bruit des avions les empêche de dormir. J'écris d’un cœur de l’Europe, fier de son modèle de modestie mesquine et de mesquinerie modeste. Avant avant-dernier en lecture et compréhension de texte, mais premier quand il s’agit d’utiliser son personal computer. Pionner en matière de vote électronique, de carte d’identité à puce et de choix du sexe de l’enfant à naître. J'écris d’une baudruche à la pointe. J'écris d’une conscience dédoublée, d’un malaise. D’un pays si petit que tout le monde s’y connaît, mais où la moitié des gens ne veut pas comprendre l’autre. D’un vivier de réformes, d’aménagements, de consultations, de contrats stratégiques, de moratoires, d’octrois exceptionnels de subsides, d’index, de gel. J'écris d’un stade où on joue malgré tout le match, même s’il y a une trentaine de cadavres à côté du guichet des entrées. D’un supermarché fermé depuis 20 ans pour cause de hold-up avec mort d’hommes. D’un bureau de l’agence publicitaire qui a définitivement donné à l’arrogance du capitalisme une haleine de vodka. D’un manoir hanté qui a remplacé la notion de « mystère » par celle de « prescription ». D’un « laboratoire de démocratie » qui ne calcule pas toujours la dangerosité des germes qu’il dissémine ; où l’on arrive à identifier l’ADN de la salive au dos d’un timbre poste, mais pas celui d’une tache de sperme laissée sur le mur d’un saloir pour gosses malchanceux. J'écris d’un gouvernement que ses bévues rendent indigne de toute caricature. J'écris en direct du Ministère de la petite enfance, du Cabinet du plus moyen dénominateur. D’un parc d’amusement soi-disant trilingue, dont la sécurité des plus belles attractions est garantie par quelques caméras pivotant à 360 degrés, au fonctionnement simplissime : les images parviennent à un bureau de gendarmerie, lui-même relié à un standard téléphonique, qui peut soit vous renvoyer à la permanence de Monsieur le Ministre-Bourgmestre-Député. J'écris de la chambre d’un couple en instance de divorce qui veut pourtant garder confiance en l’avenir. L’un se réserve l’appartement avec vue sur mer et le jardin zoologique, l’autre sa verdure, son sirop et ses billets d’avion low price. Le seul point de discorde reste la cuisine équipée, où il est si convivial de préparer la popote à 25. Qu’en faire ? Une réserve naturelle où l’on observerait le biotope si particulier que peuvent constituer les Eurocrates et les Indigènes du Royaume ? Un Musée du Consensus et de la Neutralité, à classer au patrimoine de l’Unesco ? J'écris...
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