De la fièvre brune en Europe

Cette carte montre l’enracinement progressif de l’extrême droite en Europe  avant les élections de 2012.

Amnesty International a rendu public un rapport le 24 avril 2012, qui révèle une montée de l’ «  islamophobie »  en Europe. On peut y lire :

Les gouvernements européens doivent se mobiliser davantage pour combattre les stéréotypes et préjugés négatifs contre les musulmans, qui nourrissent les discriminations en particulier dans les domaines de l’éducation et de l’emploi.


Le rapport met en évidence le fait que la législation interdisant la discrimination dans l’emploi n’est pas correctement appliquée en Belgique, en France et aux Pays-Bas.


Ceci est absolument contraire à la législation de l’Union européenne (UE) en matière de lutte contre la discrimination, qui n’autorise des différences de traitement dans le domaine de l’emploi que lorsque la nature spécifique de l’emploi l’exige.


« La législation de l’UE interdisant la discrimination fondée sur la religion ou les convictions dans le domaine de l’emploi semble inefficace dans toute l’Europe », a souligné Marco Perolini.


« Au lieu de combattre ces préjugés, les partis politiques et les responsables publics vont trop souvent dans leur sens, espérant des retombées électorales. »

Ce rapport arrive à point nommé. La campagne présidentielle en France bat son plein. Entre les deux tours. Elle a été marquée par des thèmes et polémiques visant essentiellement à stigmatiser une partie de la population de confession musulmane, et à diviser les Français. Les résultats des élections présidentielles du premier tour révèlent une poussée inattendue (vraiment?) du Front National.

François Hollande arrive en tête avec 28,63 % des suffrages exprimés, devant Nicolas Sarkozy avec 27,18 % et … Marine Le Pen avec 17,90 %.

Marine Le Pen et son « état major » égrènent sans complexe des propos islamophobes (halal or not halal?) et xénophobes, au gré des discours, meetings, et interviews. Marine sur les marchés. Marine sur les plateaux, à la radio, à la télé. Marine à son QG. Résultat ! Des  « retombées électorales »  sans précédent: le parti frontiste enregistre une progression en nombre de suffrages exprimés de 68% par rapport à 2007.

L’UMP n’est pas en reste, et pour reprendre ce qui est dorénavant un fait acquis, voire un lieu commun : « l’UMP chasse (sans vergogne) sur les terres du FN ». Il avait réussi à en  « siphoner »  une partie des voix en 2007, grâce au  « stratège de l’ombre »  Patrick Buisson, ancien militant d’extrême droite et journaliste à Minute (rien que ça). Il est fort peu probable que le président sortant Nicolas Sarkozy, candidat au deuxième tour, soit ému par ce rapport d’Amnesty International. Et décide tout à coup de réviser sa stratégie… Il a cependant été mis en garde par les  « modérés de l’UMP » (apparemment il y en a, on aimerait plus les entendre) contre une « droitisation extrême de sa campagne d’entre-deux-tours ». A bon entendeur… Mais comme ironisait Louis Aliot, il ne lui manque plus qu’une  « perruque blonde »  pour compléter sa  « panoplie »  FN.

Sarkozy tente le diable. Il fait non seulement le jeu de l’extrême droite française mais aussi celles d’autres pays d’Europe, aussi en progression. Elles ont en commun une politique du repli : identitaire, national, économique, renforcement de toutes les frontières. Et une politique du rejet : des autres, des immigrés, du multiculturalisme, et… des  « musulmans » . Pendant ce temps se poursuit le procès d’Anders Breivik au tribunal d’Oslo, agitant le spectre d’une  « Eurabia » fantasmée, bénéficiant d’une audience planétaire et l’attention de tous les médias, et qui appelle à l’expulsion de tous les musulmans d’Europe.

La candidature du Front National a été largement relayée dans la presse européenne, notamment dans le quotidien (conservateur) britannique le Daily Mail, qui est allé jusqu’à titrer : « En dépit de ses défauts, le seul vote responsable en France dimanche prochain est celui de Marine Le Pen. » Et Nigel Farage, leader du parti (conservateur) pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), et farouche eurosceptique, interviewé hier sur la chaîne BBC2 (Newsnight), semble avoir été inspiré par le succès du parti frontiste français. Selon lui, un brin admirateur, la présidente du FN est en mesure de « reconfigurer la droite française ».

Le rapport Choice and prejudice: discrimination against Muslims in Europe (résumé en français disponible ici)

EastWestWestEast

1 commentaire:

Anonyme a dit…

L’identité est un rêve d’une absurdité pathétique. On rêve d’être soi-même quand on n’a rien de mieux à faire. On rêve de soi et de la reconnaissance de soi quand on a perdu toute singularité. Aujourd’hui nous ne nous battons plus pour la souveraineté ou pour la gloire, nous nous battons pour l’identité. La souveraineté était aventureuse, l’identité est liée à la sécurité (y compris aux systèmes de contrôle de contrôle qui vous identifient). L’identité est cette obsession d’appropriation de l’être libéré, mais libéré sous vide, et qui ne sait plus ce qu’il est. C’est un label d’existence sans qualités. Or toutes les énergies, celles de minorités et de peuples entiers, celle des individus, se concentrent aujourd’hui sur cette affirmation dérisoire, ce constat sans orgueil : Je suis! J’existe! Je vis, je m’appelle Untel, je suis européen! Défi par ailleurs sans espoir, puisque, lorsqu’il faut faire la preuve de l’évidence, ce n’est plus évident du tout.

Jean Baudrillard, L’échange impossible, Gallimard, Paris, 1999, p. 72.