Le piège à con

C'est la faute à Clovis. Voilà un roi des Francs issu d'un peuple barbare, venu de l'autre côté du Rhin, qui franchit sans papiers les frontières et bouscule nos ancêtres les Gaulois. Un roi d'origine immigrée qui débarque de Tournai, dans l'actuelle Belgique, pour poser les fondations de la France. Côté identité nationale, on aurait pu démarrer plus simplement. Quinze cents ans plus tard, Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa, lointain successeur de Clovis via un crochet familial par la Hongrie, relance le débat. Qu'est-ce qu'être français ? Quand les sondages dégringolent, quand la cote du président s'étiole et que la majorité UMP flageole, un petit air de Marseillaise, suivi d'un héroïque rappel à l'ordre contre la burqa, voilà de quoi ressouder notre « cher et vieux pays », comme disait de Gaulle.

Avec le Sarko show, c'est toujours pareil. On n'ose pas refuser de débattre, même quand les termes sont posés avec des accents ­lepénistes. On a tort. Pourquoi s'engouffrer dans ce faux débat lancé par le ministre de l'Immigration ET de l'Identité nationale ? Car qui est ciblé par le cours de rattrapage en « francité » qui va mobiliser nos cent préfectures ? « La population issue de l'immigration de la ­seconde moitié du XXe siècle, celle qui n'a toujours pas reçu les codes d'accès », écrit Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, sur le site (www.debatidentitenationale.fr) ouvert par Eric Besson. Voilà, livrés sur un plateau, les responsa­­bles des « tensions grandissantes » de la société. N'allez pas questionner les politiques publiques depuis cinquante ans. Ne vous demandez pas si droite et gauche auraient pu éviter de parquer dans les cités HLM et d'enfoncer dans le chômage les nouvelles classes po­pulaires, majoritairement arabes et noires, non. La faute à l'islam.

« La machine à fabriquer des Français » aurait buté sur la religion du Coran, comme le dit aussi Jean Daniel, le fondateur du Nouvel Observateur ? C'est oublier que le discours sur l'« inassimilabilité » est aussi vieux que l'immigration. Hier, les juifs et les « Levantins » ont été accusés de ne pas vouloir s'intégrer. On a dit des Polonais qu'ils mettraient trois ou quatre générations à s'assimiler. « Le vrai risque, c'est celui de l'"ethnicisation" des rapports sociaux, lorsque le regard des autres dit : "celui-là est différent". Quand le "Noir", "l'Arabe" ou le "Jaune" sont catalogués, rattachés à certains lieux, comportements ou fonctions... et présentés comme fauteurs de troubles », déclarait Yazid Sabeg, le commissaire à la diversité et à l'égalité des chances, en avril dernier (1). Depuis des mois, ce chef d'entreprise rallié au sarkozisme se fait discret. On le devine sur la touche. Sa voix ne porte pas. Pourtant, quand un Noir est contrôlé par les policiers six fois plus qu'un Blanc, un Arabe huit fois plus, selon une étude du CNRS (2), de quelle identité ceux-ci doivent-ils se réclamer ?

« La France a laissé s'ériger des frontières intérieures, sociales, territoriales et bientôt ethniques. Si on n'y prend pas garde, cela aboutira à une forme de guerre civile, comme l'ont connue les Etats-Unis dans les années 60 », prévenait Yazid Sabeg qui voit, sur le terrain, la colère monter. Comment ne pas voir que le débat lancé par Eric Besson ne fera que jeter de l'huile sur le feu.

Thierry Leclère
(1) La Tribune, 26 avril 2009.

(2) Observation du travail policier à Paris (octobre 2007-mai 2008), par Fabien Jobard et René Lévy (CNRS-CESDIP).

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Sacrés Français, le roi de Francs est un Belge ! (lol)...

Morice Viande a dit…

Et pas le genre à mettre sa culotte à l'envers comme l'autre Dagobert.

Morice Viande

papagean a dit…

Bonjour,
Le portail www.labelgosphere.be consacré aux blogs politiques belges est ouvert. Vous y figurez à titre d’auteur ou de blog référencé. Le but de cette initiative? Faire “percoler” dans la société civile les infos des blogs, leurs analyses, réflexions, réactions. Donner à ces expressions citoyennes, qui peuvent être engagées (et de tous bords) une visibilité accrue. Favoriser les interactions, les échanges. Donner au lecteur l’occasion d’une prise de conscience et d’une prise de parole. Bref, encourager la politisation, c’est à dire l’intérêt, mieux, le souci du vivre-ensemble. Merci de faire circuler l’information et d’instaurer la réciprocité par un lien. Papagena.