Du provincialisme arabe

« Dans aucune université arabe que je connaisse vous ne trouvez, par exemple, un département d’études israéliennes, ou une personne qui étudie l’hébreu - d’ailleurs, aucune d’entre elles n’est gratuite, toutes sont fortement politisées, et il est évident que toutes sortes de pressions s’exercent sur les professeurs et les étudiants. C’est vrai également des universités palestiniennes où, bien sur, cela peut s’expliquer comme une réaction de défense contre une grande puissance qui a tellement interféré dans nos vies que nous ne voulons rien avoir à faire avec elle.

Pourtant, à mes yeux, la seule issue, c’est de la prendre de front, d’apprendre sa langue, de même que tant de spécialistes israéliens en politique, tant de sociologues, d’orientalistes et de gens intelligents prennent le temps d’étudier la société arabe. Pourquoi ne pas étudier la leur à notre tour ? C’est une façon d’apprendre à connaître son voisin, ou son ennemi, si c’est le cas, et une façon de nous échapper d’une prison qui, du fait qu’elle enferme des Arabes, palestiniens ou autres, fait parfaitement le jeu des Israéliens.

Je pense hélas, que cette passivité, ce provincialisme de la part du monde arabe ne se limite pas à Israël mais s’étend à d’autres pays, en dehors de l’Amérique. Il y a dans le monde arabe une fascination pour l’Occident, les Etats-Unis, Harvard etc. Tout cela est médiatisé de la façon la plus primaire et la plus vulgaire, alors qu’une très faible attention est portée aux autres grandes cultures du monde, comme l’Inde, la Chine, le Japon. Allez dans une université comme celle d’Amman, je vous assure que vous ne trouverez personne étudiant l’Afrique, l’Amérique latine ou le Japon.

Et, en tant que société, en tant que peuple, à ce moment de l’histoire où nous nos trouvons, c’est un signe de notre déliquescence, de notre faiblesse, de notre torpeur intellectuelle, que nous ayons si peu de curiosité pour ces autres régions du globe.

Ce que j'essaie de faire, entre autres, c'est de dire très sincèrement et ouvertement que nous devons absolument changer d'attitude, nous libérer des chaînes mentales que nous nous sommes forgées, pour en fin tenir compte du reste du monde et nous positionner en égaux...» (Edward Saïd, Culture et résistance)

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