S’implanter militairement, et de façon permanente, dans le golfe Persique, tout en conjuguant cet effort avec d'importantes ventes de technologie et d'aéronautique françaises aux riches émirats de la région : la diplomatie de Nicolas Sarkozy s'est fixé ces deux objectifs, mêlant considérations géopolitiques et intérêts commerciaux.
Le président français est assuré d'atteindre le premier objectif, puisqu'il doit inaugurer, mardi 26 mai, la base française "interarmes" d'Abu Dhabi, la première dont la France se soit jamais dotée à l'étranger en dehors de sa zone traditionnelle africaine. Le second objectif apparaît plus aléatoire, voire compromis, au dire de sources proches du dossier.
Le chef de l'Etat peine notamment à décrocher un contrat pour les avions de combat Rafale, en dépit des espoirs qu'il a placés en Abu Dhabi comme potentiel acquéreur. Les ambitions françaises se heurtent à la forte concurrence des appareils F-16 américains. "L'administration Obama déploie de gros efforts en la matière", observe une source française. M. Sarkozy devait arriver lundi soir à Abu Dhabi pour tenter de convaincre ses interlocuteurs dans l'émirat.
En se dotant d'une base militaire dans le Golfe face à l'Iran, la France projette ses forces au coeur d'une zone traversée de nombreuses tensions et d'une importance cruciale pour les exportations de pétrole vers l'Occident. Les ambitions régionales de la République islamique suscitent de vives craintes chez les Etats arabes de la rive sud. Le contentieux international portant sur le programme nucléaire iranien reste entier. L'inauguration de la base française intervient une semaine après le tir, le 20 mai, d'un missile balistique iranien Sajil-2, un vecteur d'une portée annoncée de 2 000 kilomètres, capable d'atteindre Israël, des Etats arabes du Golfe et le sud de l'Europe.
La France se retrouvera désormais en première ligne en cas de détérioration du contexte régional. A l'occasion de la visite de M. Sarkozy, un nouvel accord de défense doit être signé avec les Emirats arabes unis. Ce texte est décrit par l'Elysée comme une version "adaptée et renforcée" du précédent, datant de 1995. "Si l'Iran attaquait, on serait attaqué aussi", résume un officiel français.
L'implantation de la base découle de l'analyse contenue dans le Livre blanc de défense validé en 2008 par la présidence française, qui identifie, parmi les "zones prioritaires" pour la présence des forces armées nationales, "en particulier l'axe stratégique Méditerranée, golfe Arabo-persique, océan Indien". Le Livre blanc ajoute qu'une intervention militaire française à titre national (et non dans un cadre multinational) serait justifiable dans une hypothèse de "mise en oeuvre des accords de défense bilatéraux qui nous lient à certains Etats".
Cette posture française dans le Golfe s'inscrit dans la politique de fermeté que M. Sarkozy a voulu déployer, depuis près de deux ans, vis-à-vis de l'Iran. Téhéran avait réagi vivement après l'annonce, en janvier 2008, de la création d'une base française à Abu Dhabi. "Nous sommes opposés à toute expansion militaire dans la région et considérons que la présence de troupes étrangères sera un facteur d'insécurité et d'instabilité", avait alors déclaré un porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères.
La base française sera principalement navale, avec un volet aérien (stationnement de Mirage et de Rafale) et une dimension terrestre. Environ 500 militaires y seront en permanence. Elle servira de tête de pont et de relais pour les navires français évoluant entre le Golfe, l'océan Indien et Djibouti. L'une de ses activités pourrait consister à participer à des opérations de déminage dans le Golfe, si d'aventure l'Iran cherchait à entraver la circulation maritime près du détroit d'Ormuz, ainsi qu'il en a déjà brandi la menace.
M. Sarkozy doit prononcer mardi à Abu Dhabi un discours "consacré à la signification de la base militaire", indique-t-on à l'Elysée, en soulignant que cette installation aura avant tout un rôle de "dissuasion" et qu'il s'agira d'une "base de la paix"(sic), voulue par les émirats.
La base d'Abu Dhabi doit servir de vitrine à la technologie militaire française. Mais les dirigeants de l'émirat semblent peser soigneusement leurs options. En cas de flambée des tensions dans le Golfe, c'est la protection américaine qu'Abu Dhabi recherchera avant tout, estiment des diplomates. Un facteur qui pèse sur les choix dont dépendent certains grands contrats français.
1 commentaire:
Wai, et ben vivement que les réserves de pétroles soient épuisées, ça calmera tout ça...Quoique j'ai comme l'impression que les dernières gouttes vont coûter cher...
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