« Black and Red. Les mouvements noirs et la gauche américaine» (Introduction)

À la fin du mois d’août 2005, l’ouragan Katrina frappait le golfe du Mexique, dévastant des zones entières du Mississippi, de la Louisiane et de l’Alabama[1]. Katrina révéla quelles étaient les priorités du gouvernement des États-Unis, qui abandonna des milliers de personnes à leur sort. Katrina montra également – ou, plus exactement, montra à nouveau – que les Afro-Américains étaient les victimes d’un racisme profondément enraciné. Alors que les écrans de télévision du monde entier diffusaient des images de dévastation et de désespoir, le chef de la Federal Emergency Management Agency, l’agence gouvernementale chargée de la gestion de pareils désastres, reprochait en substance aux victimes d’être là où elles se trouvaient. Après tout, expliquait Michael Chertoff, le secrétaire du Department of Homeland Security[2], les gens auraient dû quitter la ville comme le leur avaient conseillé les autorités locales[3].

 Il omettait d’informer que l’ordre d’évacuation avait été donné tardivement et qu’une forte proportion des pauvres de la Nouvelle-Orléans – Noirs pour la plupart – n’avaient ni les moyens de quitter la ville ni nulle part où aller. Le message de l’administration Bush était clair : « Si vous êtes pauvre et noir, vous n’avez vraiment pas de chance. Vous n’êtes pas une priorité. »

Moins d’un mois plus tard, au cours d’une manifestation contre la guerre en Irak et l’occupation du pays, une femme noire brandissait une pancarte qui rappelait la célèbre déclaration de Mohammed Ali, le champion de boxe poids lourds. Interrogé par un journaliste sur ce qui motivait sa demande du statut d’objecteur de conscience, présentée pour ne pas aller combattre au Vietnam, il avait répondu : « Je n’ai rien contre les vietcong » (Marqusee 1999 : 162) et avait ajouté, d’un ton lourd de sous-entendus : « Aucun vietcong ne m’a jamais traité de négro[4] ». En septembre 2005, sur la pancarte de la manifestation antiguerre on pouvait lire : « Aucun Irakien ne m’a laissé mourir sur un toit ». Cette femme n’était pas la seule à faire le lien entre les effets non naturels de l’ouragan Katrina, les priorités du système et la guerre en Irak. Une grande partie des moyens – fonds, équipements, personnels – qui auraient pu être mobilisés pour amortir l’impact de Katrina n’étaient pas disponibles parce qu’ils étaient employés à la guerre en Irak. Des centaines de milliers de gens, si ce n’est des millions, ont alors parfaitement compris la signification de ce slogan récurrent lors des manifestations antiguerre de septembre 2005 : « Faites des digues, pas la guerre[5] ».

Avec leur gestion désastreuse des suites de Katrina, George Bush et son administration apparurent pour ce qu’ils étaient à la face du monde. Cela attisa une puissante colère, qui couvait déjà, contre la façon dont la société fonctionne – ou ne fonctionne pas – pour la majorité des gens. Ainsi que de nombreux auteurs l’ont suggéré, c’est une profonde erreur de croire que la société américaine est stable ou de penser que le néolibéralisme constitue une solution viable pour la majorité. Les États-Unis ont mis le cap vers un conflit inévitable et tumultueux.

Comme dans chaque période de radicalisation qu’a connue le pays par le passé, les Noirs seront au cœur de cette volonté de changer les États-Unis. L’objectif de ce livre est double :

1) offrir un panorama des principaux courants politiques et idéologiques constitutifs des luttes de libération noires aux États-Unis ;

2) montrer que, tant par le passé que dans l’avenir, les idées et les organisations socialistes font partie intégrante de cette lutte. Dans le climat politique actuel, beaucoup pourraient estimer que cette position est intenable. Mais, on ne saurait nier que les États-Unis ont connu des vagues de radicalisation à une échelle de masse – voyant des millions de personnes s’opposer au système existant et à ses modalités de fonctionnement. À la fin des années 1960, les orientations politiques radicales, et parmi elles le marxisme, étaient parfaitement intégrées aux mouvements pour le changement social aux États-Unis. Les grandes figures et organisations des luttes de libération noires s’identifiaient, d’une façon ou d’un autre, avec certaines formes de politiques socialistes ou marxistes. Et la lutte des Noirs a eu de profonds effets sur la société américaine.

Les mobilisations de masse de la fin des années 1950 et 1960 pour mettre fin à la ségrégation dans le Sud contribuèrent à desserrer l’étau du maccarthysme et du conservatisme qui façonnait la scène politique américaine. Le mouvement pour les droits civiques parvint à mettre un terme aux lois « Jim Crow » – ainsi qu’on appelle les lois ségrégatives mises en place au tournant du siècle – qui refusaient aux Noirs les droits les plus élémentaires[6]. Le mouvement du Black Power de la fin des années 1960 constitua une étape supplémentaire dans la radicalisation d’un mouvement qui vit s’impliquer des centaines de milliers de militants, Noirs et Blancs, dans l’activité politique.

Toutes sortes d’idées politiques apparurent durant cette période. Pour la première fois depuis la disparition de l’Universal Negro Improvement Association (UNIA) de Marcus Garvey dans les années 1920, les idées nationalistes noires trouvaient un écho au sein des masses. À la fin des années 1960, certaines composantes du mouvement connurent une radicalisation plus forte encore. Le Black Panther Party et la League of Revolutionnary Black Workers, par exemple, défendaient un projet révolutionnaire et se considéraient comme des organisations « marxistes-léninistes ». Il était alors communément expliqué, bien que de façon partielle, confuse et parfois erronée, que le réformisme était une impasse et que seule une politique révolutionnaire pouvait permettre la libération noire. En dépit de ses faiblesses, ce mouvement demeure aujourd’hui une formidable source d’inspiration et d’enseignements pour l’avenir.

Encore que, plus de trente ans après, la situation ait considérablement changé. Bien que le racisme de type Jim Crow, désormais condamné officiellement, appartienne au passé, on a assisté à une érosion continue des acquis obtenus par les Noirs dans les années 1960. Aujourd’hui encore, les différences entre Noirs et Blancs en matière de revenus, de niveau de vie, d’éducation, de santé, entre autres, restent substantielles.

Le State of Black America 2005, un rapport annuel publié par la National Urban League[7], détaille la permanence du racisme et des discriminations aux États-Unis : « La plus grande fracture entre Noirs et Blancs demeure la situation économique, qui est 20 % plus mauvaise pour ces premiers que pour toute autre catégorie. En 2005, le chômage des Noirs a stagné à 10,80 % alors que celui des Blancs a diminué, pour atteindre 4,70 % ; le chômage des Noirs étant ainsi 2,3 fois plus élevé que celui des Blancs.

Propriété foncière : le taux de propriétaires noirs est proche de 50 % alors qu’il est de plus de 70 % chez les Blancs. Alors que le nombre de prêts, pour l’accession à la propriété ou pour des travaux de réfection de logements, contractés par des Noirs est en augmentation, ceux-ci se voient refuser ces prêts deux fois plus souvent que les Blancs.

Santé : l’indice de santé montre une légère baisse comparée à 2004 en raison d’une augmentation du taux d’obésité plus importante chez les Noirs que chez les Blancs. Éducation : les enseignants ayant moins de trois années d’expérience occupent en priorité des postes dans les écoles fréquentées par les minorités, ils y sont deux fois plus nombreux que dans les écoles blanches.

Justice : en 2005 l’inégalité entre Blancs et Noirs devant le système judiciaire s’est aggravée, passant de 73 % à 68 %. Les Noirs sont emprisonnés trois plus souvent lorsqu’ils sont arrêtés, et, pour un même délit, la condamnation moyenne d’un Noir est de six mois plus longue que pour un Blanc (trente-neuf mois contre trente-trois) » (National Urban League 2005).

Ce creusement des inégalités s’est accompagné d’un repli des idées de gauche, conduisant à une absence presque totale d’activité politique de masse sur ces questions fondamentales. Le déclin et la désorientation de la gauche des années 1960 ont commencé dans les années 1970 et ont eu des conséquences non seulement pour les Noirs mais aussi, entre autres, pour le mouvement ouvrier, le mouvement des femmes et le mouvement gay.

En 1987, l’universitaire et militant Manning Marable écrivait : « L’état d’esprit de l’Amérique noire est de plus en plus pessimiste sur le plan politique. Les alliés de la lutte de libération noire ont abandonné leur soutien à l’affirmative action et à l’élargissement des droits civiques. On constate, parmi les Noirs, un profond sentiment d’aliénation sociale et de frustration politique, provoquée en partie par la popularité constante du président [Ronald Reagan], le tournant conservateur du Parti démocrate et l’immense chaos économique qui frappe les inner cities[8] noires, et ce, malgré les trois années de “croissance” économique » (Marable 1987 : 7).

Et si, à la fin des années 1980, le pessimisme était profond, ce sentiment est aujourd’hui plus sombre encore. L’Amérique noire se sent opprimée et réduite à l’impuissance alors même que ses forces organisées sont plus fragmentées qu’auparavant et ce, au moment où le besoin d’un mouvement de résistance organisé est plus que jamais nécessaire.

Tout au long des trente dernières années, la gauche a largement abandonné toute politique révolutionnaire au profit d’une variante réformiste, le plus souvent décrite comme une politique « réaliste ». Cette évolution ne s’est pas produite du jour au lendemain. Beaucoup de militants de la gauche américaine ont par exemple soutenu en 1984 et 1988 la candidature de Jesse Jackson à l’élection présidentielle, arguant que la Rainbow Coalition était le prolongement historique des luttes des années 1960. Citons à nouveau Manning Marable :

« La campagne de Jackson était fondamentalement un mouvement démocratique, antiraciste et sociale, initié et conduit par des Afro-Américains, qui se situait clairement sur le plan électoral. Ses antécédents historiques directs – le boycott des bus de Montgomery de 1955-1956, la formation du SNCC [Student Nonviolent Coordinating Committee[9]], le mouvement des sit-in de 1960, la campagne pour la déségrégation de 1963 – se réincarnaient dans une nouvelle protestation sous une forme politique démocratique bourgeoise » (Marable 1985 : 247).

Laissons de côté, pour le moment, la validité de l’argument. Ce qui est clair aujourd’hui, c’est que le soutien apporté à des candidats comme Jesse Jackson, considéré alors comme le moyen de parvenir à des objectifs radicaux ou révolutionnaires, s’était transformé en 2004 en un soutien à quiconque se déclarait hostile à la droite. Ainsi, presque toute la gauche américaine a appelé à voter et à militer en faveur de John Kerry contre le président George W. Bush, et ce bien que Kerry ait eu des positons presqu’identiques à celles de Bush sur la guerre en Irak, le Patriot Act[10], le mariage des gays et lesbiennes et sur quantité d’autres questions.

Suivant cette dynamique, nombreux sont ceux qui, issus de la gauche radicalisée des années 1960 et 1970, ont émigré en bloc vers le Parti démocrate, ce même parti qui dans les années 1960 menait la guerre au Vietnam et maintenait Jim Crow dans le Sud. Ce faisant, la gauche rompait avec la tradition de lutte que les années 1960 avaient vu renaître. Cet ouvrage entend réaffirmer la nécessité de la lutte contre le racisme et le système politique et économique qui le maintient en place – le capitalisme. Une étude attentive de l’histoire du combat pour la libération noire aux États-Unis confirme le besoin d’une telle stratégie. Cette vérité élémentaire – souvent oubliée ou ignorée – avait été résumée de façon mémorable par le dirigeant abolitionniste Frederick Douglass en 1857 :

« Laissez-moi vous dire un mot sur la philosophie des réformes. L’histoire entière du progrès de la liberté humaine apporte la preuve que toutes les concessions faites jusqu’à ce jour en son auguste nom ont été imposées par la lutte. Le conflit s’est montré passionnant, remuant, engloutissant, et pour le moment présent, a mis au silence tous les autres tumultes. Les choses doivent suivre ce cours sans quoi rien ne sera réalisé. Sans lutte, point de progrès. Ceux qui prétendent militer pour la liberté tout en condamnant l’activisme veulent semer sans d’abord labourer la terre. Ils veulent la pluie sans les éclairs et le tonnerre. Ils veulent l’océan sans le terrible grondement des flots.

La lutte peut être d’ordre moral, elle peut aussi être d’ordre physique ou les deux en même temps, mais elle doit rester une lutte. Le pouvoir ne cède rien sans qu’on le lui impose. Il ne l’a jamais fait et ne le fera jamais. Écoutez ce que chacun vous dit simplement et vous prendrez la mesure exacte de l’injustice et des torts qui leur ont été imposés et cette situation perdurera jusqu’à ce qu’ils résistent avec les mots ou les coups, ou les deux. Les limites à la tyrannie sont établies par l’endurance de ceux qui la subissent. À la lumière de ces idées, on peut affirmer que les Nègres seront traqués dans le Nord, prisonniers et pourchassés dans le Sud, tant qu’ils se soumettront à ces diaboliques outrages et ne résisteront pas, moralement et physiquement. Les hommes ne reçoivent pas leur part de tout ce qu’ils paient dans ce monde, mais ils doivent certainement payer pour tout ce qu’ils font. Si un jour nous parvenons à nous débarrasser de l’oppression et des injustices qui nous accablent, nous devrons payer le prix de cette libération. Nous y parviendrons par le travail, la souffrance, le sacrifice et si nécessaire par notre vie et la vie de bien d’autres » (Douglass, 1985 : 204).

Ce livre souligne aussi qu’un tel combat a besoin d’avoir pour perspective la reconstruction radicale de la société pour que le racisme soit défait et la libération noire enfin menée à bien. Cela ne veut pas dire, a priori, que des réformes ou des victoires tangibles ne peuvent pas être arrachées au capitalisme. Nous insistons plutôt sur le fait que quelles que soient les réformes obtenues, celles-ci peuvent ou pourront être effacées en l’absence d’une restructuration fondamentale d’un système dont la survie repose sur l’exploitation et l’oppression.

Ce livre ne saurait être une histoire exhaustive de la lutte des Noirs aux États-Unis, ou des courants socialistes, de leurs organisations et de leurs relations avec le mouvement noir. Il a plus modestement pour ambition de s’intéresser à quelques questions politiques – idéologiques et organisationnelles – concernant les relations entre le socialisme et la lutte pour la libération noire. Sur ce sujet, beaucoup a été dit sur le Parti communiste des années 1930. Il y a une bonne raison à cela. Ce parti a été la plus importante et la plus influente des organisations de gauche à s’être réellement engagée dans la lutte contre le racisme et à compter dans ses rangs un nombre important de membres noirs. Ses réalisations – principalement au cours des années 1930 – ont montré qu’il était concrètement possible de parvenir à une certaine unité entre les prolétaires blancs et noirs et de faire ainsi avancer leurs intérêts respectifs. De nombreuses études importantes ont été produites sur le Parti communiste de cette période, notamment celles de Robin Kelley (1990) et Mark Naison (1983).

Mais aussi importantes qu’aient pu être les activités du Parti communiste à cette époque, elles furent modelées par la politique extérieure de l’Union soviétique dont les intérêts primaient sur ceux des travailleurs américains blancs et noirs. Les pages qui suivent s’intéressent plus particulièrement au courant qui émerge du mouvement communiste à la fin des années 1920 – le trotskisme; courant insuffisamment étudié, mais qui a marqué et orienté les positionnements politiques et les activités de plusieurs courants importants, tant dans le mouvement pour les droits civiques que dans le mouvement du Black Power.

Un autre aspect de ce livre mérite des explications. J’ai fait le choix de citer largement quelques figures importantes qui y sont évoquées, car bien souvent les protagonistes de ces luttes formulent bien mieux que je ne saurais le faire nombre d’arguments. Par ailleurs, ce choix se veut une manière de rendre justice à des paroles qui sont moins connues qu’elles ne devraient l’être.

Enfin, et de manière cette fois plus personnelle, il m’importe de restituer la signification des luttes des années 1960 qui ont façonné, pour le meilleur, une génération tout entière. Même si beaucoup des avancées obtenues dans les années 1960 sont aujourd’hui mises à mal, l’impact de ce mouvement ne saurait être mesuré à l’aune de ses seuls effets sur la politique gouvernementale, non plus qu’à travers ses conséquences sur la condition économique et sociale des Noirs. Les périodes de lutte de masse nous lèguent un héritage essentiel : ceux et celles qui s’y sont engagés ont été transformés, de même que leurs actions en ont également influencé et modifié d’autres. En ce qui me concerne, l’exemple de Mohammed Ali se dressant contre la guerre américaine au Vietnam, de même que l’indignation et la colère soulevées par l’assassinat de Martin Luther King m’ont affecté de manière profonde et durable. Élevé hors des États-Unis, deux images de ce pays sont gravées dans ma mémoire. La première est celle de la guerre – le Vietnam, le napalm et le massacre de My Lai[11] – si cruellement illustrée par l’image de cette petite fille nue, courant pour sauver sa vie en pleurant de douleur. L’autre est celle de la lutte de libération noire faite de courage, d’héroïsme, l’image d’un peuple captif se dressant contre des forces écrasantes.

Les États-Unis sont aujourd’hui la seule superpuissance militaire au monde. Ils sont considérés partout dans le monde comme un tyran abusant de son pouvoir pour le profit et pour étendre son empire. Mais que l’on observe qui mène les guerres et qui en tire profit, et les États-Unis de 2006 ne paraîtront plus si différents de ceux de 1968. En réalité, tout comme en 1968, il n’y a pas une Amérique mais deux. La différence est que l’opposition à la machine de guerre américaine est aujourd’hui plus faible qu’elle ne l’était dans les années 1960. Il y a par conséquent deux questions à affronter : l’une est la transformation de la réalité existante, l’autre, qui découle de la première, est la transformation des représentations.

Il ne fait aucun doute que l’administration Bush et sa politique ont fini par être très impopulaires dans une large partie de la population. Dans la population noire, l’administration Bush a constamment recueilli très peu d’opinions favorables[12]. Mais désapprouver est une chose, s’opposer activement en est une autre, et s’organiser politiquement en est encore une autre. L’« opposition » officielle – les démocrates – n’offre aucune alternative et ne combat pas les républicains, idée qu’ils s’efforcent du reste de décourager. Deuxièmement, plus que tout autre segment de la société américaine, la droite dure est confiante, organisée et mobilisée. Enfin, cela fait trois décennies que la gauche recule dans ce pays. Ceci veut dire qu’en dépit d’une forte hostilité contre l’administration Bush, il n’existe pour l’heure ni instrument ni organisation à même de lui donner une expression. De plus, il convient de rappeler que le Parti démocrate n’est pas disposé à faire quoi que soit qui le marquerait « à gauche ». Sa stratégie, depuis plus de vingt ans, est claire et a été parfaitement illustrée durant la présidence Clinton avec la stratégie dite de la « triangulation » : faire la politique des républicains et l’habiller aux couleurs de son propre camp[13]. Le résultat de cette stratégie a été d’ancrer à droite l’axe de la politique aux États-Unis et de limiter sévèrement ce qui est « acceptable » par les politiques dominantes.

Ce livre défend l’idée qu’une autre politique est nécessaire et que pour cela nous disposons d’un riche héritage de luttes desquelles nous pouvons apprendre.

Ahmed Shawki

[1] NdT : Pour un aperçu des conséquences sociales et raciales de Katrina, voir Patrick Le Tréhondat ; Patrick Silberstein, L’ouragan Katrina, le désastre annoncé, Paris, Syllepse, 2005.
 [2] NdT : Le Department of Homeland Security, département de la sécurité intérieure, est un département de l’administration fédérale, créé en novembre 2002 par George W. Bush. Coordination de plus de vingt agences et services chargés de la sécurité sur le territoire américain, ce département est chargé de missions de contre-espionnage et d’investigation contre les menaces pesant sur le sol national.
 [3] Michael Chertoff avait alors déclaré : « L’enjeu décisif était d’obtenir que les gens soient partis avant le désastre […]. Certains ont choisi de ne pas obéir à cet ordre. Ce fut une erreur de leur part » (CNN 2005).
[4] Quelques historiens discutent le fait qu’il ait véritablement prononcé cette phrase, mais quoi qu’il en soit elle fait partie de la légende de Mohammed Ali (Cassius Clay) et est très souvent citée.
 [5] NdT : en anglais « Make levees, not war », détournement du slogan pacifiste « Make love, not war ». [6] « L’origine du terme Jim Crow appliqué aux Noirs s’est perdue. En 1832, Thomas D. Rice composa une chanson et une danse appelées Jim Crow. Le terme devint un adjectif en 1838. La première occurrence de l’expression “loi Jim Crow” citée par le Dictionary of American English remonte à 1904. Mais l’expression était utilisée par les écrivains depuis les années 1890 » (Vann Woodward 1974 : 7).
[7] NdT : La National Urban League, anciennement connue sous le nom de National League on Urban Conditions Among Negroes, fondée en 1910, est la plus ancienne des organisations noires pour les droits civiques. Basée à New York, elle a toujours tourné l’essentiel de son activité en direction de la situation des classes moyennes noires urbaines.
[8] NdT : Quartiers pauvres ghettoïsés des centres-villes américains.
 [9] NdT : Créé à l’université de Caroline du Nord, le SNCC jouera un rôle essentiel dans l’organisation des sit-ins, des freedom rides, pour l’inscription des Noirs sur les listes électorales et dans la marche sur Washington en 1963. Parmi ses dirigeants, on trouve notamment Stokely Carmichael et John Forman.
[10] NdT : Le Patriot Act est une loi dont l’intitulé exact est « Loi pour unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme ». Elle fut votée par le Congrès et signée par George W. Bush le 26 octobre 2001 à la suite des attentats du 11 septembre. Le Patriot Act a été prorogé par Barak Obama jusqu’en 2015. Cette loi fournit un cadre légal à la « guerre contre le terrorisme » et à la traque de l’ennemi intérieur, notamment au travers du statut de « combattant ennemi » et de « combattant illégal » qui permet au gouvernement de détenir sans limite de temps et sans inculpation toute personne soupçonnée de projet ou d’activité terroristes.
[11] NdT : Le 16 mars 1968 à My Lai au Vietnam, des soldats américains massacrèrent des civils vietnamiens, femmes et enfants compris. Un mémorial a été bâti sur le site avec une liste des 504 victimes (âgées de 1 à 82 ans).
[12] Selon un sondage d’octobre 2005 réalisé par NBC/Wall Street Journal, les opinions favorables à l’administration Bush ont baissé de 2 % (Froomkin 2005).
[13] NdT : Le « concept » de politique de triangulation, introduit lors de la réélection de Bill Clinton en 1996 par son conseiller politique Dick Morris, consiste à se tenir apparemment à distance de deux camps adverses en présence tout en menant une politique néolibérale.

 

1 commentaire:

Cyril a dit…

Nous qui en France passons notre temps à opposer Martin Luther King , le Lâche selon certains , à Malcom X vendu comme couillu par les mêmes pourrions sans doute nous intéresser à l'articulation des luttes entre ces trois pôles, Martin Luther King, Malcom X et les Black Panthers tendance rouges.
Au delà d'une cause commune bien entendue, au delà de quelques incartades habilement exploitées, il est sans doute quelques soubassements communs, quelques frontières harmonieuses, quelques chevauchements consentis dont il serait intéressant de faire l'histoire.