"Ni pute, ni esclave". Non, ce n’est pas une nouvelle mouture de "Ni putes, ni soumises" depuis que Fadela Amara est allée se ressourcer sous les lambris ministériels avant de devenir inspectrice générale des affaires sociales.
"Ni pute, ni esclave" est la traduction de "Hoer noch slavin", un livre que vous pouvez acquérir pour 10 euros plus 2,85 euros de frais de port. Il vous suffit pour cela d'envoyer un sms avec le message "Anke" au 3111.
Reine de beauté et sénatrice d’extrême-droite
Anke? Anke Van dermeersch, ancienne Miss Belgique 1991 et sur la 3ème marche du podium de Miss Univers l'année suivante. Licenciée en droit et aujourd’hui, sénatrice pour le parti extrémiste de droite flamand: Vlaams Belang – l’Intérêt flamand. Elle est également à l'origine de la loi sur l'interdiction de la burqa dans l'espace public en Belgique.
La blonde walkyrie n'est pas la seule à faire don de ses avantages naturels sur le site de promotion: An-Sofie Dewinter la fille de Filip Dewinter, président de ce parti d'extrême-droite flamand, s'affiche en "burkini-bikini", une création des stylistes du parti.
La jeune femme, 19 ans, y présente des formes pulpeuses largement dévoilées par un bikini à pois blancs sur fond noir, tandis que son visage est voilé par un niqab (saoudien et non une burqa afghane : on atteint sans doute-là les limites culturelles des stylistes néonazis...). Juste sous la poitrine et à hauteur du slip, elle arbore le slogan de la campagne: "Liberté ou Islam? Osez choisir".
An-Sofie Dewinter affirme que c’est son choix, qu’en aucun cas cela ne lui a été imposé par son père.
"On a discuté de l’idée à table, et il (son père, Ndlr) cherchait encore un modèle et m’a demandé si je voulais poser, et j’ai répondu que je le ferais, que c’était une bonne idée. […] Et j’ai donné mon accord. J’ai décidé de cela moi-même, il n’est donc pas question d’abus ou d’être utilisée par mon père pour… Absolument pas."
Un choix personnel, donc, confirmé par Filip Dewinter. A la question du journaliste du Standaard: "Avez-vous embarqué votre fille dans la lutte?" il répond: "non, absolument pas, c’était son propre choix de faire cela. Nous aurions pu choisir un autre modèle. Et je me rends compte, bien entendu, que comme il s’agit de ma fille cela va attirer davantage l’attention, mais on a vraiment joué le jeu."
Ce n’est pas la première fois que la fille du président pose pour les affiches de propagande du Vlaams Belang: en 2008, alors âgée de 16 ans, elle incarnait déjà le parti extrémiste lors d'une campagne électorale.
Et à l’époque, certains journaux flamands avaient parlé "d’abus" de la part du père-président…
"Femmes contre l'islamisation"
Aujourd'hui, cette campagne intitulée "Femmes contre l'islamisation" est largement relayée par la presse néerlandophone et, plus modestement, par la presse francophone.
Le Vlaams Belang veut créer un réseau européen pour libérer les femmes, "principales victimes de l'islamisation croissante". Car "l'islam discrimine juridiquement et marginalise socialement les femmes".
Le manifeste de ce réseau ajoute que l’islam propage "la haine de la liberté et des droits de l’homme" ou encore, que "la charia prescrit des pratiques barbares et moyenâgeuses en contradiction avec les valeurs de la civilisation européenne, telles que la protection de la liberté individuelle, l’égalité hommes-femmes et l’intégrité corporelle". Rien de neuf sous le soleil, c’est l’antienne de tout bon islamophobe qui se respecte.
Le réseau lancera officiellement sa campagne le 6 mars à Anvers et y présentera aussi le livre d’Ank Van demeersch.
Un réseau européen de la haine de l’autre
Mais qui compose donc ce réseau européen? On y retrouve, selon le Vlaams Belang, non seulement le Front National de Marine Le Pen, mais aussi les Autrichiens du FPÖ de feu Jorg Haïder, les Allemands de Pro-Deutschland (tout un programme), ainsi que des correspondants de Grande-Bretagne et d'Afrique du Sud. Le Vlaams Belang n'oublie jamais ses "frères afrikaners", nostalgiques de l'Apartheid...
On peut s'étonner de cette internationale de l'islamophobie féministe et militante. En réalité, ce réseau européen existait bien avant cette campagne. Filip Dewinter, président du Vlaams Belang et politicien anversois est déjà à l'origine du réseau européen "Villes contre l'islamisation" dans lequel on retrouve les mêmes "partis-frères". Son site Internet présente d’ailleurs la même mise en page que le site de "Femmes contre l'islamisation" : structures, graphisme, illustrations, slogans, tout y est interchangeable.
C'est aussi évidemment, strictement la même idéologie: une sorte d'internationale de la haine de l'autre dans laquelle l'extrême-droite européenne donne libre cours à la paranoïa islamophobe qui séduit tellement l’électeur de base.
Relents ouvertement néonazis
Mais ce nouvel avatar de la mobilisation nazillonne trouve ses racines ailleurs : Filip Dewinter, qui est tout sauf un imbécile, a bien observé les méthodes de Geert Wilders et le succès de celle-ci auprès de l'électorat féminin. Wilders attaque l'islam – et non pas les musulmans, ce qui l'exposerait à une condamnation pour discrimination – par l'angle de la liberté d'expression, de l'égalité hommes-femmes, de l'égalité des droits pour les Juifs et les homosexuels.
Or, le Vlaams-Belang, ex-Vlaams Blok, est un parti en perte de vitesse. Il s'est fait doubler par la N-VA, parti populiste et indépendantiste flamand dirigé par Bart De Wever qui a remporté une victoire éclatante dans sa région lors des dernières élections législatives. Avec son image lisse, respectable, la N-VA a grignoté l'électorat du VB et a convaincu sa frange la moins extrémiste de rallier le parti de Wafelman (homme-gaufre, surnom donné par les humoristes francophones à Bart De Wever, bien connu pour son amour de bonne chère breughélienne...).
L’électeur autrefois gêné d’avouer un vote pour le Vlaams Belang et ses idées extrémistes aux relents ouvertement néonazis, peut s’afficher en supporter de la N-VA sans complexe. Pourtant, le parti est, lui aussi ouvertement, pour l'indépendance de la Flandre. Quant à son président, les citoyens ont depuis longtemps oublié sa formation intellectuelle : fils d’un collaborateur flamand avec l’occupant nazi, il a baigné toute son enfance dans une atmosphère de revanche de la nation flamande sur l’oppresseur francophone.
Amnistie des collabos
Sa thèse de doctorat en histoire - que finalement il n’a jamais remise – portait sur le "mouvement nationaliste flamand après la seconde guerre mondiale". De Wever n’aime pas qu’on lui rappelle son passé et ses affinités avec l’extrême-droite. Il a signé une tribune dans le Standaard, puis publiée en français dans le quotidien Le Soir, dans laquelle il rappelle le passé collaborateur de certains francophones, dont Hergé, le père de Tintin.
Mais, dans cette tribune, il oublie allègrement ses campagnes incessantes en faveur de l’amnistie des collaborateurs flamands de la seconde guerre mondiale. Ainsi que ses accointances avec l’extrême-droite européenne, comme en témoigne cette photo de Bart De Wever "souriant à côté de Jean-Marie Le Pen, à Anvers en 1996".
Que le Vlaams Belang se découvre un intérêt soudain pour la cause féminine n’est donc pas vraiment une surprise. Mais cela lui fera-t-il regagner les voix perdues au profit de la N-VA ? Rien n’est moins sûr. D’autant que le bulldozer Bart De Wever ne cache pas ses ambitions. Son objectif, c'est de devenir maire d'Anvers. Il laminerait donc le dernier bastion de son petit frère extrémiste.
Ni Wilders, ni les musulmans
Quant aux droits des Juifs et des homosexuels, n’en parlons même-pas : c’est une véritable révolution culturelle qu’il faudrait à ce parti héritier d’une idéologie né dans les milieux fascistes et collaborationnistes flamands de l’entre-deux guerres ! Le Vlaams Belang ne pourra pas épouser les idées de Wilders jusque-là sans renier ses propres principes fondateurs.
Wilders lui-même a toujours refusé la moindre alliance avec Filip Dewinter, qu’il déteste et dont il disait dans son programme de 2004, le Choix de la Liberté, qu’il "ne veut rien avoir à faire à un homme pareil".
Qu’en pense la communauté magrébine d’Anvers, la principale concernée par cette campagne haineuse ? Abderrahim Lahlali, avocat et porte-parole de la communauté, affirme que Filip Dewinter confirme ainsi que le Vlaams Belang n’est autre que le Vlaams Blok sous de nouveaux habits. Le Vlaams Blok, Bloc Flamand, était l’ancienne appellation du parti, dissoute après la condamnation par la Cour de Cassation, le 9 novembre 2004, de plusieurs associations proches du parti pour racisme et xénophobie.
Marco Bertolini
L'internationale "féministe" de l'islamophobie
Publié par Le Bougnoulosophe à 2/06/2012
Libellés : ISLAMOPHOBIE, POSTCOLONIE
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