« Les murs que l'on contourne sont des ponts. »* disait Angela Davis. Je déclare : sus aux murs, sois toi-même, sois un pont. Et si tu es pris, comme moi, dans cent champs de forces, sois toi-même, sois un pont. Et si devant toi se présentent mille chemins de traverse, sois toi-même, sois un pont. Car, se savoir prisonnier, c’est déjà s’affranchir, sois toi-même, sois un pont. Qui ne s’est jamais perdu, ne s’est jamais trouvé, sois toi-même, sois un pont. Articule. Conjugue. Décline. Approfondis. Explore. Trace des lignes. Sois toi-même, sois un pont. L’un et le multiple sont en toi, aussi n'oublie pas : sois toi-même, sois un pont. La pureté n’est pas de ce monde, la fixité non plus, sois toi-même, sois un pont. Sois un entre deux, un lieu tiers, un interlude. Sois toi-même, sois un pont. En toi convergent, divergent, mille flots, mille flux, sois toi-même, sois un pont. Un seule loi te régit : la « logique de l’ambiguïté ». Sois toi-même. Sois un pont. Transforme les frontières en passages, les fleuves en ponts, sois toi-même, sois un pont. Relie les deux berges, comme l'araignée tisse sa toile. Sois toi-même, sois un pont. Sépare, quand il le faut, les deux rives d'une main de fer. Sois toi-même, sois un pont. Anéantis (en les réalisant en toi) les deux berges. Sois toi-même. Sois un pont. Élabore en toi des synthèses. Même bancales. Sois toi-même, sois un pont. Façonne, à ton usage, des syncrétismes. Et tant pis s’ils sont baroques. Sois toi-même, sois un pont. Aie l’âme cannibale, nourris toi de ce qui te consume, dévore ce qui t’entoure et ce qui te hante, sois toi-même, sois un pont. Ruse, résiste, invente, braconne, sois toi-même, sois un pont. Transgresse les limites qu'on t'impose, désobéis à la loi du lieu. Sois toi-même. Sois un pont. Sois une passerelle. Une percée. Une brèche. Un nœud gordien. Sus aux murs, sus aux cons. Sois toi-même, sois un pont. Et n’oublie pas que faire sauter les ponts t’enferme autant qu’il te tue. C'est pourquoi, tu n'y couperas pas, sois toi-même, sois un pont...
* « Walls turned sideways are bridges » est le titre du sixième chapitre de l'Autobiographie d'Angela Davis .
* « Walls turned sideways are bridges » est le titre du sixième chapitre de l'Autobiographie d'Angela Davis .
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