« Les manifestants s'étaient volatilisés.
Je suis passé à l'étude. J'ai pris les tracts.
J'ai caché "La vie d'Abdelkader".
J'ai ressenti la force des idées.
J'ai trouvé l'Algérie irascible.Sa respiration...
...La respiration de l'Algérie suffisait.
Suffisait à chasser les mouches.
Puis l'Algérie elle-même est devenue...
Devenue traîtreusement une mouche.
Mais les fourmis, les fourmis rouges.
Les fourmis rouges venaient à la rescousse.
Je suis parti avec les tracts.
Je les ai enterrés dans la rivière.
J'ai tracé sur le sable un plan...
Un plan de manifestation future.
Qu'on me donne cette rivière, et je me battrai.
Je me battrai avec du sable et de l'eau.
De l'eau fraîche, du sable chaud. Je me battrai.
J'étais décidé. Je voyais donc loin. Très loin.
Je voyais un paysan arc-bouté comme une catapulte.
Je l'appelai, mais il ne vint pas. Il me fit signe.
Il me fit signe qu'il était en guerre.
En guerre avec son estomac. Tout le monde sait...
Tout le monde sait qu'un paysan n'a pas d'esprit.
Un paysan n'est qu'un estomac. Une catapulte.
Moi j'étais étudiant. J'étais une puce.
Une puce sentimentale...Les fleurs des peupliers...
Les fleurs des peupliers éclataient en bourre soyeuse. Moi j'étais en guerre. Je divertissais le paysan.
Je voulais qu'il oublie sa faim. Je faisais le fou. Je faisais le fou devant mon père le paysan. Je bombardais la lune dans la rivière.» (Kateb Yacine)
« Je bombardais la lune dans la rivière »
Publié par Le Bougnoulosophe à 5/08/2011
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