Blida (Couverture du livre : Algérie 60, Paris 1977) © Pierre Bourdieu |
« Le débat qui s’est engagé à propos du port du foulard (arbitrairement appelé « islamique ») est révélateur de l’état du débat politique en France. L’emprise de médias qui ne connaissent que la recherche du sensationnel, l’empire des sondages qui permettent de transformer les faux-problèmes médiatiques en objets de consultation « démocratique », la volonté gouvernementale de réduire la politique à la gestion, la fermeture sur soi d’un parti socialiste qui pense et agit moins par référence à la réalité politique qu’en fonction des enjeux de la concurrence interne pour la succession, tout un ensemble de facteurs se conjuguent pour orienter le débat public vers des questions plus ou moins futiles, ou, pire, vers des questions réelles réduites à la futilité.
C’est le cas du débat sur le problème posé par trois jeunes filles de Creil qui sont venues au lycée avec un fichu sur la tête... En projetant sur cet événement mineur, d’ailleurs aussitôt oublié, le voile des grands principes, liberté, laïcité, libération de la femme, etc., les éternels prétendants au titre de maître à penser ont livré, comme dans un test projectif, leurs prises de position inavouées sur le problème de l’immigration : du fait que la question patente - faut-il ou non accepter à l’école le port du voile dit islamique ? - occulte la question latente - faut-il ou non accepter en France les immigrés d’origine nord-africaine ? -, ils peuvent donner à cette dernière une réponse autrement inavouable.
En livrant ainsi, imprudemment, leur impensé, ils contribuent à faire monter l’angoisse, génératrice d’irrationnel, qu’éprouvent nombre de Français devant cette réalité. Ils ne font que retarder le moment où sera affirmée courageusement la nécessité de mobiliser les moyens de donner à des immigrés le plus souvent « désislamisés » et déculturés (ils ignorent tout, pour la plupart, de leur langue et de leur culture d’origine), la possibilité d’affirmer pleinement leur dignité d’hommes et de citoyens. Le moment est venu, pour les intellectuels européens, de sommer les gouvernements nationaux et les instances européennes de concevoir et de mettre en œuvre un vaste programme commun d’intégration économique, politique et culturelle des immigrés.»
(Pierre Bourdieu, Interventions, 1961-2001)
2 commentaires:
une tempête de plus dans un verre d'eau. Comme des moutons de panurge vous vous précipitez sur ces faux problèmes qui ne visent qu'une chose occulter le malaise total de la société française. Se sont vos réactions qui vont construire le problème, plus vous seraient nombreux et plus nous penserons qu'il y a matière à s'inquiéter, non pas du manque de place dans les crèches, de l'inadéquation entre l'offre et la demande de place et d'horaires... mais de la nounou que je peux évidement si sa tenue ne me convient pas ne pas solliciter.
Vous contribuez à construire cet ennemi de l'intérieur.
Ceux qui connaissent la rhétorique antisémite des années' 30 savent que les antisémites accusaient les juifs de vouloir leur perte, voire leur disparition... Cette "rhétorique de l'inversion" est d'un classicisme aussi odieux qu'hypocrite, elle s'explique, en partie, parce quil est très difficile d'avouer, d'accepter qu'on fonctionne comme un véritable salaud !
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