Hommage à Abraham Serfati

Abraham Serfati, le plus célèbre des opposants marocains au régime du roi Hassan II, est mort ce 8 novembre, à l'age de 84 ans dans une clinique de Marrakech. Son combat pour la démocratie au Maroc a été très cher payé : 15 mois de clandestinité, 17 ans de prison et 8 ans de bannissement... (*)

Témoignage : « Nous parlions déjà beaucoup de lui dans les réunions de la cellule du syndicat lycéen, auquel j’appartenais au début des années 70. Un juif antisioniste, c’était quelque chose pour nous. J’ai d’ailleurs fait mes études à l’Ecole Mohammadia des ingénieurs, car Abraham Serfaty y a été directeur des études à une époque. Il avait implanté au sein de l’école une structure d’Ila Al Amam. Après le grand procès de 1977, à l'issue duquel il a été condamné avec d’autres membres de notre organisation, j’ai été chargé avec d’autres de reconstruire le mouvement sur de nouvelles bases. En 1983, nous avons tenu une réunion interne où nous avons décidé de confier la direction du mouvement aux militants encore libres. Même s’il était en prison, Abraham Serfaty a été maintenu dans la direction, car nous voulions garder un repère. Je l’ai rencontré pour la première fois en 1985, après mon arrestation. Il était heureux de voir des jeunes assurer la continuité de son combat. C’était un colosse impressionnant par son physique, il avait de surcroît une aura pour nous, car il a préféré lutter pour la justice sociale, alors qu’il avait une grande carrière toute tracée dans l’administration. Nous avions entre 20 et 30 ans de moins que lui. À nos yeux, c’était une mémoire et une référence qui connaissait l’histoire du Parti communiste marocain et celle du gouvernement Abdallah Ibrahim (1958-1960), auquel il a participé au sein du cabinet du ministre de l’Economie, Abderrahim Bouabid. Il avait une grande bibliothèque dans sa cellule, qu’il alimentait en se faisant envoyer tous les nouveaux ouvrages importants analysant l’expérience marxiste. Il s’intéressait notamment à la perestroïka de Gorbatchev. Les réunions politiques avec lui s’apparentaient à un laboratoire d’idées, où il était ouvert et charmant, se mettant rarement en colère. En prison, Abraham Serfaty développait des conceptions nouvelles, comme lutter sur le plan légal pour arracher des libertés publiques. Il avait entre autres l’idée d’un journal pour faire passer le maximum d’idées possibles, sans mettre en équation la monarchie, afin d’éviter la censure. Précurseur, il avait été le premier à discuter avec les détenus de la Chabiba Islamiya, qui le respectaient. Il ne voulait pas leur laisser l’apanage de la religion, contrer l’islam intégriste en insistant sur l’islam populaire et le soufisme. Il voulait que nous, marxistes, puissions commencer à défendre cet islam ».

Mustapha Brahma, ancien d’Ila Al Amam, ancien codétenu d’Abraham Serfaty.
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