Des peuples à la conquête de leur indépendance

On a tendance à ramener l’histoire des indépendances à une histoire politique et juridique alors que les histoires des indépendances c’est d’abord une histoire sociale, culturelle, intellectuel qui se manifeste sous une forme politique. Nous travaillons beaucoup aujourd’hui sur les formes de résistances des peuples africains et à ce qu’a été la colonisation. Nous pouvons découvrir que la colonisation ce n’est pas seulement des blancs qui dominent des noirs, la colonisation c’est autre chose que ça et c’est même plus que ça : C’est d’une part, un despotisme politique, blanc certes mais appuyé sur un certain nombre de noirs, c’est aussi un système d’exploitation féroce et c’est un système d’aliénation culturel. Si l’on veut comprendre l’histoire de l’Afrique de la fin du 19éme à aujourd’hui c’est ça le file conducteur. Puisqu’après avoir résisté à la colonisation par ces formes là on se rend compte que dés l’indépendance ces formes de luttes reprennent dans ce qu’on va appeler les Etats néo coloniaux, ce n’est donc pas par hasard que la France intervient en Afrique dans les années 60 et 70 pour des opérations de maintient de l’ordre. Ce sont ces mouvements qui feront fleurir ce que l’on appelle aujourd‘hui la démocratisation en Afrique.

Du point de vue du combat populaire, il y a au moins 2 directions claires, d’une part le recours à la violence et à la lutte armée au début de la colonisation, dans les années 1900 puis dans les années 20 avec en 1928 la guerre de la Manche de Houe dans l’actuelle Centre Afrique. Au lendemain de 45 on retrouve également ce genre de recours au sein des anciens combattants tirailleurs qui organisent des mutineries de soldats pour acquérir les même droits que les soldats français avec lesquels ils étaient égaux face à la mort. De plus lorsque les tirailleurs partent combattre contre les allemands, ils comprennent bien qu’ils participent à une guerre pour la liberté et contre la tyrannie, une tyrannie qu’ils retrouveront en rentrant en Afrique face à laquelle ils protesteront. Mais dés le massacre de Thiaroye la France envoie ces mêmes soldats soit à Madagascar, soit en Indochine et plus tard en Algérie ; il s’agit là d’une stratégie visant à épargner le sang des français mais il s’agit aussi de retirer d’Afrique un facteur de désordre. On sait également que les grèves des dockers Sénégalais en 1945, des cheminots du Sénégal-Niger, ceux de Côte d’Ivoire-Niger mais aussi les cheminots du Ghana, leur collègues du Congo et les ouvriers d’Afrique du Sud, mettent en place des mouvements spontanés visant à lutter pour une égalité de droits. Ils seront rapidement réprimés et disqualifiés au motif du fait qu’ils auraient été manipulés par le bloc communiste et l’URSS en particulier. D’ailleurs la grille de lecture qu’en faisait la France était juste que les africains n’avait pas une vision clair de se qu’ils voulaient alors qu’en 50 il y avait des personnes vivantes qui ont vécus l’arrivée de la colonisation, ils avaient donc très clairement les souvenirs de leur liberté mais vous pouvez aisément imaginer que cela fut très rapidement étouffé. Cependant ces mouvements sociaux reposaient sur la conscience que « nous avons été libre avant on peut être libre aujourd’hui ».

Un troisième groupe de résistantes dont on ne parle pas, ce sont les femmes qui constituent un groupe de pression important à cette époque. Toutes issus du peuples, les « market women », ont été de formidable propagandistes à Dakar, Accra, au Togo voir même au Ghana et au Kenya… Cette force féminine a bien été intégrée dans les mouvements d’indépendances. Nous pouvons retenir la révolte des femmes de Grand Bassam en Cote d’Ivoire, non loin d’Abidjan, qui ont marché en masse sur Abidjan pour lutter contre l’internement de militant du PDCI (le Parti Démocratique de Cote d’Ivoire) à l’époque où Houphouet Boigny était apparenté avec les communistes. Ces femmes manifestaient le droit qu’avait leur mari de faire reconnaitre leurs droits de citoyens conquit par la loi Lamine Gueye en 46, il n’y avait donc aucune raison de les arrêter. Autre exemple, au Ghana N’Kruma utilisait les femmes comme porteuses de messages, mais aussi comme oratrice dans les assemblées, pour rendre le message de l’indépendance aussi concret que possible.

Il y a enfin eu les jeunes comme grand groupe pression pour l’indépendance. On a beaucoup parlé des étudiants qui étaient une masse non négligeable, à Dakar, pour l’espace français, mais aussi au Ghana, au Nigéria, en Ouganda. Il y avait également la communauté estudiantine africaine en France avec la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire, l’Union des étudiants Africain en Angleterre et aux Etats Unis (la WASU : West African Studiant Union fondé dans les années 20). Mais il me semble important d’insister sur les gens qui étaient au dessous des étudiants. L’Afrique à cette époque connait un baby boom extraordinaire ce qui fait que les lycéens et collégiens ont joué un rôle manifeste dans la lutte pour l’indépendance. Djibo Bakari au Niger qui en 58 appelle à voter « NON » au referendum de De Gaulle, s’est beaucoup appuyé sur cette jeunesse là. Beaucoup de ces élèves sont déscolarisés et vont finir par s’engager dans les partis politiques. Mais la réponse de la France face a cet engouement populaire a été de faire émerger une classe de politicien pour casser ce mouvement venu des rues. Ce qui fait que de 45 à 47 le peuple se mobilise massivement autour de politiciens africains français qu’il élit au poste de députés et autre sachant que tous étaient des progressistes. Par conséquent la France réussit finalement a installé des partenaires de la colonisation africains au sein même des sociétés africaine sur lesquelles elle pouvait s’assurer d’avoir la main mise.

Interview d'Elikia M'bokolo (Propos recueillis par Samuel Thomas & Nadjib Sellali)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Superbe chanson de la superbe Miriam Makeba. MashaAllah!