« Ce qu'il y a de particulier dans la situation de l'individu stigmatisé, c'est que la société lui dit qu'il fait partie du groupe le plus large, ce qui signifie qu'il est un être humain normal, mais qu'en même temps il est dans une certaine mesure « différent », et qu'il serait vain de nier cette différence. Différence qui, cela va sans dire, à d'ordinaire son origine dans cette même société, car elle n'importerait guère si elle n'avait d'abord été collectivement conceptualisée.
Ainsi au moment même où l’on affirme à l’individu stigmatisé qu’il est un être humain comme tous les autres, on l’avertit qu’il serait peu sage de sa part qu’il fasse semblant et d’abandonner « son » groupe. Bref, on lui dit qu’il est comme tout le monde et qu’il ne l’est pas. Cette contradiction, cette farce, c’est son sort et son destin. Elle constitue pour chacun de ceux qui font profession de représenter les stigmatisés un défi permanent, qui l’exhorte à élaborer une politique de l’identité cohérente et le rend prompt à déceler les aspects « inauthentiques » des programmes concurrents, quoique bien lent à comprendre qu’il n’existe peut-être aucune solution « authentique ».
L’individu stigmatisé se trouve au centre d’une arène où s’affrontent les arguments et les discours, tous consacrés à ce qu’il devrait penser de lui-même, autrement dit, à son identité pour soi. A ses divers tourments, il doit encore ajouter celui de se sentir poussé simultanément dans plusieurs directions par des professionnels qui lui clament ce qu’il devrait faire et ressentir à propos de ce qu’il n’est et n’est pas, le tout pour son bien naturellement. »
(Erving Goffman, Stigmate)
Le paradoxe de l’Indigène
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